Le CSE douche à son tour le rêve de l’Arizona : 80% de taux d’emploi est illusoire

Bart De Wever et David Clarinval au chevet de l'industrie en souffrance. (Belga)
Baptiste Lambert

Dans son état des lieux du marché du travail en Belgique et dans les régions, le Conseil supérieur de l’emploi  (CSE) salue les réformes de l’Arizona en matière d’emploi. Mais l’institution se montre “plus prudente” que le monde politique dans sa volonté d’atteindre un taux d’emploi de 80%. Selon les projections, c’est un euphémisme…

En matière de création d’emplois, 2021 et 2022 font figurent d’exception. La relance post-covid a permis de créer pas moins de 100.000 emplois par an, un record. Mais la moyenne historique de la Belgique tourne plutôt entre 40 et 45.000 emplois par an.

On y était encore en 2023, avec 40.000 emplois créés. Mais 2024 était déjà d’un autre tonneau : seulement 16.500 emplois supplémentaires. La faute au contexte international et à la chute de l’emploi dans le secteur industriel, entre autres. Une autre piste évoquée est liée à la forte augmentation du coût du travail, en Belgique, suite aux indexations.

Des projections loin des clous

Le Conseil supérieur de l’emploi a repris les projections de la Banque nationale et du Bureau fédéral du Plan. Elles tiennent compte des réformes qui sont mises sur la table par l’Arizona, notamment la limitation des allocations de chômage à deux ans.

Le nombre d’emplois créés va en s’améliorant, mais c’est loin d’être suffisant. En 2025, la BNB planche sur 19.700 emplois créés contre 30.400 pour le BFP. Mais dans les deux projections, “on ne retrouverait pas la moyenne historique avant 2027”, souligne Geoffrey Minne, économiste à la Banque nationale et membre du Conseil supérieur de l’emploi.

Le taux d’emploi progresserait, lui, modérément, jusqu’à 73,7% en 2027, selon la BNB, et 73%, selon le BFP. En additionnant les projections les plus optimistes, on atteint 106.100 emplois créés en trois ans. Ce qui laisserait au moins 450.000 emplois à créer pour les trois années suivantes, jusqu’en 2030. En tout cas, au regard du taux d’emploi actuel, qui demande de créer 550.000 emplois d’ici la fin de la décennie.

“Trop optimiste”

Par rapport à l’objectif de 80% de taux d’emploi, Steven Vanackere, vice-président du CSE, juge que le monde politique “est sans doute trop optimiste” et que le CSE est globalement “plus prudent”, tout en soulignant que “les choses peuvent s’adapter en politique” et que les réformes de l’Arizona “vont dans la bonne direction”.

De son côté, le ministre de l’Emploi, David Clarinval (MR) reconnait que “l’objectif est ambitieux”. Mais il “reste optimiste. Cela reste de l’ordre du possible. On y est, dans les pays qui nous entourent“, souligne-t-il. Le dernier rapport du Comité de monitoring, publié hier, est pourtant encore plus pessimiste que les prévisions de la BNB et du BFP.

Geoffrey Mine apporte toutefois une nuance. “Avec les nouvelles réformes de l’Arizona. On change la donne. Il est difficile de faire des projections économiques, parce qu’on n’a aucun point de repère historique”. Mais il ajoute que “les mesures prises par l’Arizona prendront du temps” à produire leurs effets.

Dans tous les cas, le libéral en appelle aux Régions. Les réformes du fédéral “ne sont qu’un premier domino“, prévient-il. Le volet “activation” des demandeurs d’emploi est à la charge des entités fédérées. C’est en ordre de marche en Wallonie, c’est plus incertain à Bruxelles, où un gouvernement n’est toujours pas formé.

La crainte autour des CPAS

Aussi, la réforme des allocations de chômage conduira potentiellement 180.000 demandeurs d’emploi vers les CPAS. Dans son rapport, le Conseil supérieur alerte sur le renforcement de leurs moyens, si la politique menée par l’Arizona veut être efficace. “Notamment au niveau de la dispersion des moyens alloués. Certains CPAS risquent d’être beaucoup plus touchés que d’autres“, prévient le CSE.

Pour le moment, le Fédéral a prévu une enveloppe d’1,1 milliard à destination des CPAS dans les prochaines années, dont 234 millions d’euros pour l’année prochaine. Certains jugent déjà ce montant insuffisant, mais le ministre a laissé entendre qu’il pourrait “être plus important, via des effets volumes”.

Enfin, Steven Vanackere a souligné ce dont tout le monde a désormais bien conscience : remettre les chômeurs de longue durée au travail ne suffira pas. Pour atteindre un hypothétique taux d’emploi de 80%, il faudra s’occuper des inactifs. C’est-à-dire en grande partie des malades de longue durée.

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