Le PS et la FGTB accusent l’Arizona de favoriser les “jobs enfants” : la grande hypocrisie ?

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Baptiste Lambert

L’accord de gouvernement entend relever le plafond d’heures de travail à 650 heures, et ce, dès l’âge de 15 ans. « Ce ne sont plus des jobs étudiants, mais des jobs enfants », dénonce le syndicat socialiste. Pour Thomas Dermine (PS), c’est “un retour en arrière”, “la place des enfants est à l’école”, fulmine-t-il. C’est oublier que la limite d’âge était déjà de 15 ans et que le précédent gouvernement, sous la houlette de Pierre-Yves Dermagne (PS), ministre de l’Emploi, avait déjà relevé le plafond à 600 heures.

Les jobs étudiants sont en plein boom. Leur nombre a augmenté de 42% en 10 ans. En tout, ils sont désormais 600.000 à travailler. Selon la FEF, un étudiant sur deux a un travail rémunéré à côté de ses études. En été, les chiffres prennent encore d’autres proportions : 78% des étudiants disent vouloir effectuer un job étudiant.

Deux raisons principales à cela. Pour les uns, c’est de boucler les fins de mois et de parfois payer leurs études. Pour les autres, c’est se constituer de l’argent de poche et de prendre un peu son indépendance.

Dans sa réforme du marché du travail, l’Arizona a assoupli les règles des flexi-jobs, mais aussi celles entourant les jobs étudiants. “L’augmentation de la limitation du travail étudiant dans le droit du travail et la sécurité sociale à un maximum de 650 heures devient permanente. L’âge pour le travail étudiant sera fixé à 15 ans”, est-il écrit dans l’accord de gouvernement.

L’opposition bondit

Dans La Libre et Sud Info, Andrea Della Vecchia, Secrétaire fédéral FGTB, a bondi de sa chaise. Pour lui, “ce ne sont plus des jobs étudiants, mais des jobs enfants”. “On n’est plus vraiment à la recherche d’une main-d’œuvre presque adulte, on va rechercher des enfants au cœur de l’adolescence. Une main-d’œuvre qui n’en est pas encore une.”

En outre, le syndicaliste ajoute qu’il s’agit d’une concurrence déloyale vis-à-vis des travailleurs. Une critique reprise par Thomas Dermine, le bourgmestre socialiste de Charleroi : “La place des enfants est à l’école. Quel retour en arrière ! Ne soyons pas dupes: les enfants les plus chanceux continueront sagement d’étudier et de partir en vacances pendant que les moins nantis travailleront pour concurrencer à moindre coût le travail de leurs parents.”

“650 heures divisées par 38 heures qu’un travailleur preste par semaine lorsqu’il est en temps plein, cela veut dire qu’on offre la possibilité de travailler pendant 17 semaines. C’est l’équivalent de 6 mois de travail à temps plein“, renchérit Andrea Della Vecchia.

Un recadrage des règles s’impose

Contrairement à ce qui est dit, le travail étudiant dès 15 ans était déjà permis en Belgique. La seule condition, c’est que le jeune ait suivi (mais pas forcément réussi) la 2e année du secondaire. On a déjà vu des conditions plus restrictives. Le salaire minimum légal est juste moins élevé que pour les étudiants plus âgés, fixé à 1.387 euros bruts par mois.

Ensuite, le précédent gouvernement, sur proposition de Pierre-Yves Dermagne, avait relevé le plafond à 600 heures de travail en 2023 et 2024, notamment pour faire face à l’inflation. Certains étudiants voulaient gagner plus pour faire face à l’augmentation du coût de la vie. Au 1er janvier 2025, ce plafond était toutefois redescendu à 475 heures, le socialiste renvoyant la patate chaude au prochain gouvernement.

Accuser l’Arizona de favoriser le travail d’enfants et de faire exploser le plafond d’heures pour concurrencer les “vrais” emplois est, à tout le moins, gonflé. D’autant qu’on peut difficilement parler de concurrence directe. Le salaire minimum le plus important pour un job étudiant est de 2.070 euros bruts par mois (21 ans et plus). Aucun travailleur, même intérim, ne peut rivaliser avec un tel montant. Il n’y a pas de comparaison possible. De l’autre côté, la rémunération nette est plafonnée à 10.160 euros par an, ce n’est donc pas le même champ d’action.

Ça ne fait pas augmenter le taux d’emploi

L’économiste Philippe Defeyt, qui constate également que le nombre d’heures travaillées par les étudiants et les flexi-jobeurs a explosé, remet en perspective cette concurrence déloyale. “Il y a un débat chez les économistes, assure-t-il à Sud Info. À court terme, on peut dire que oui, ça prend le travail de quelqu’un. Mais on peut dire aussi que si le restaurateur du coin ne prend pas quelqu’un en flexi-job à quatre heures par semaine, il devra peut-être fermer un jour en plus par semaine”.

Mais une chose est sûre, souligne-t-il, dans une note qu’il nous a transmise : “Les jobs étudiants ne font pas augmenter le taux d’emploi.” Car ils ne sont tout simplement pas repris dans les statistiques. Augmenter le nombre d’étudiants travailleurs ne permettra donc pas de contribuer à l’objectif de 80% de taux d’emploi. Et ces jobs ne sauveront pas non plus la Sécurité sociale : les étudiants ne paient que 13,07% de cotisations sociales.

À droite, on nuance. Un job étudiant est un moyen de mettre le pied à l’étrier du marché du travail.

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