La SFPI, bras financier de l’État, est actuellement sous pression

Laurence Bovy , la présidente de la SFPI serait sur un siège éjectable. © BELGAIMAGE
Sébastien Buron
Sébastien Buron Journaliste Trends-Tendances

Bénéfice en baisse, autres priorités, nouvelle gouvernance : l’année ne sera pas simple pour ce qui est devenu le fonds souverain du pays. Le bras financier de l’État arrive à un moment charnière. Explications.

Les jours de l’actuelle direction de la SFPI (Société fédérale de participations et d’investissement) sont-ils comptés ? Bien que leurs mandats courent jusqu’en juin 2027, la présidente Laurence Bovy (PS) et le CEO Koen Van Loo (Open Vld) ne sont pas en odeur de sainteté auprès du gouvernement actuel, dominé par le MR et la N-VA. Le président des libéraux francophones, Georges-Louis Bouchez, a d’ailleurs déjà laissé entendre qu’il voulait voir Laurence Bovy être remplacée au plus vite.

Ces propos tenus par le président du MR dans le média en ligne L-Post, la principale intéressée ne les a que peu goûtés, ce qu’elle a d’ailleurs clairement fait savoir lors de la présentation des résultats annuels de la SFPI. À cette occasion, elle a défendu l’indépendance et le bon fonctionnement de la gouvernance, soulignant l’utilité du holding pour l’économie belge.

“Le conseil d’administration de la SFPI est animé par un affectio societatis. Il n’y a pas de jeu partisan. Les profils des administrateurs sont complémentaires. S’il y a une volonté de changement, ce n’est pas parce que le CA ne travaille pas bien”, a-t-elle souligné, tout en admettant que si l’État avait envie de changer la gouvernance de l’entreprise, elle n’avait pas d’autre choix que de l’accepter. Elle insiste néanmoins pour que cela se déroule avec respect “pour le travail accompli”.

En termes de travail accompli, la SFPI n’a effectivement pas à rougir de ses chiffres. Pour la 19e année consécutive, le bras financier de l’État fédéral est parvenu à dégager un résultat positif. La société affiche un bilan solide dont les actifs financiers dépassent 11 milliards d’euros, contre 9,7 milliards en 2023. Les plus-values latentes sur les 184 entreprises belges présentes dans son portefeuille d’investissement s’élèvent à 1,35 milliard d’euros. Les participations les plus importantes sont celles dans le secteur financier : 5,6% dans BNP Paribas, 31,7% dans Ethias, 6,4% dans Ageas et 13% dans Euroclear. Quant aux montants alloués à l’économie belge, ils ont atteint 815 millions d’euros l’an dernier.

Contrat de gestion

Seulement voilà : le bénéfice de 315 millions d’euros est toutefois en forte baisse par rapport aux 504 millions engrangés en 2023. Certes, l’exercice précédent avait été particulièrement bon en raison de la plus-value de 145 millions d’euros dégagée lors de la vente partielle d’un paquet d’actions détenus par la SFPI dans BNP Paribas. Mais pour l’année 2024, il a fallu enregistrer des réductions de valeurs importantes sur certaines autres participations, en particulier bpost et Umicore, dont les cours se sont effondrés en Bourse.

Le bras financier de l’État a dû acter d’importantes réductions de valeurs sur bpost et Umicore.

L’entrée d’Umicore, réalisée en 2024, pèse en effet lourd sur le résultat de cette même année. L’investissement de 264 millions d’euros pour 5% du capital ne représentait plus que 190 millions d’euros fin mars 2025, soit une moins value de 74 millions d’euros. Quant à la participation dans bpost, elle affiche un ajustement de valeur négatif de… 192 millions d’euros. Conséquence : le dividende global ristourné par la SFPI à l’État ne se montera cette année qu’à 86 millions, contre 134 millions 12 mois auparavant.

Bien que positifs, ces chiffres alimentent donc les critiques selon lesquelles la SFPI serait devenue un “brol” ou une “collection de bazars”, totalisant désormais 184 participations, soit 10 de plus qu’en 2023 (dont Umicore et Euronext). L’aspect stratégique de certaines de ces (trop) nombreuses participations, censées garantir un ancrage belge dans l’économie du pays, pourrait être remis en cause par la nouvelle coalition. La renégociation du contrat de gestion du holding public est en effet mis à l’agenda du nouveau gouvernement. Celle-ci doit être finalisée d’ici la fin de l’année. Avec, à la clé, un nouvel organigramme ? Un des noms qui circulent pour remplacer Laurence Bovy est celui de l’ancien chef de cabinet du président du MR, Axel Miller, qui fut aussi CEO de Dexia et de D’Ieteren.

Fonds défense

Avec le contexte géopolitique brûlant des derniers mois et la création du fonds défense voulu par le gouvernement, la SFPI devra également réorienter ses investissements. Des arbitrages seront faits. Si les piliers historiques (finance, aéronautique, santé) seront conservés, “la mobilité et l’investissement à impact devraient être progressivement abandonnés”, selon Koen Van Loo. Et ce, au profit d’entreprises liées, entre autres, au domaine de la cybersécurité, afin d’augmenter la résilience de la Belgique.

Car c’est désormais officiel, la SFPI sera sollicitée pour aider le gouvernement à trouver les milliards à investir dans la défense afin d’atteindre, dès cette année, la norme Otan, qui prévoit de financer la défense à hauteur de 2% du PIB. Le ministre de tutelle, Jan Jambon (N-VA), a chargé la SFPI de mettre sur pied, pour le 1er juillet, le fameux fonds spécial destiné à soutenir les efforts du pays en matière de réarmement. Celui-ci sera logé au sein même de la SFPI et sera un véhicule d’investissement, a souligné Laurence Bovy : “Sa mission sera de financer des entreprises actives dans le secteur et pas d’acheter des équipements de défense.”

Reste à savoir comment ce fonds défense sera alimenté. Les regards se tournent vers certains actifs bien connus, comme Proximus, bpost, Belfius ou les parts dans BNP Paribas, Euroclear ou encore Ageas. Mais, au moment d’écrire ces lignes, la SFPI n’avait toujours reçu “aucune instruction pour préparer un dossier de vente d’une participation de l’État”, a précisé Laurence Bovy. Pas plus qu’il n’avait été demandé de faire des suggestions.

Vendre une partie

La présidente du fonds souverain belge et son CEO ont toutefois rappelé qu’une cession trop rapide priverait aussi la SFPI de dividendes importants et de moyens pour investir dans l’économie nationale. Mais ils ont également laissé entendre que vendre une partie des actions BNP Paribas pourrait être le moyen le plus simple et le plus rapide de lever des fonds. “Nous avons déjà réduit à deux reprises notre participation dans BNP Paribas par le passé, a expliqué le CEO, Koen Van Loo. Il existe un scénario opérationnel, prêt à l’emploi, si nous souhaitions le refaire. De plus, BNP Paribas est une banque française, alors que la mission de la SFPI est d’ancrer des entreprises belges stratégiques et d’investir dans l’économie nationale.”

À ceci près que les nouveaux droits de douane imposés par Donald Trump ont fait plonger les valeurs financières sur les places boursières depuis, tandis qu’une entrée en Bourse de Belfius et une revente d’Ethias apparaissent comme plus compliquées dans de brefs délais.

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