“Il va y avoir le feu”, “pas démocratique” : le bras de fer entre le gouvernement et les syndicats tourne déjà au vinaigre
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Les choses n’auront pas trainé. Une grève chez Bpost et deux préavis de grève à la SNCB, une grande manifestation nationale ce jeudi et l’annonce d’une grève générale au 31 mars. La FGTB, rejoint par la CSC, promet “le feu” et veut “faire mal à l’économie” pour se faire entendre, face au programme politique de l’Arizona. Et Thierry Bodson a déjà promis que la grève générale ne “sera pas le point final”.
À lire le syndicaliste, dans La Libre, ce matin, il n’y a rien à sauver dans cet accord Arizona. Pas même l’indexation automatique des salaires “qui n’est sauvegardée que pour deux ans”. Le gouvernement ? “Une supercherie” en termes de gain de pouvoir d’achat pour les travailleurs. “Seuls les indépendants gagneront 250 euros par mois”, estime-t-il. Pour les salariés, l’augmentation de la quotité exemptée d’impôts, qui s’appliquera à tout le monde, “que l’on gagne 2.000 ou 20.000 euros”, rapportera “70 à 80 euros par mois” mais sera annihilée par d’autres mesures. Comme la suppression “pour moitié du quotient conjugal”, qui couterait “100 euros par mois à de nombreux ménages”.
Le musée des horreurs de l’Arizona
Mais c’est sur le volet des pensions que le président de la FGTB est le plus remonté. Plus grand monde ne pourra partir à la pension avant 67 ans, soutient-il, parce que la pension anticipée à 60 ans nécessitera 42 ans de carrière avec au moins 235 jours de travail durant l’année. “C’est neuf mois sur douze (…). Et rien n’est assimilé : ni la maladie, ni le chômage temporaire.” Résultat : “Si on additionne toutes les mesures, on rend quasi inaccessible une pension complète pour n’importe quel travailleur en Belgique.”
Selon Thierry Bodson, l’Arizona n’a pensé qu’aux employeurs : “Les patrons demandaient plus de flexibilité : c’est fait. Ils voulaient en finir avec les régimes de fin de carrière : c’est fait. Ils voulaient la limitation à deux ans des allocations de chômage : ils l’ont. Ils voulaient qu’on ne touche pas à la loi de 96 : c’est le cas. L’enveloppe bien-être, ils la remettaient toujours sur la table : elle est supprimée (non, elle est uniquement rabotée, ndlr). Ils voulaient réinstaurer la période d’essai : c’est fait. La durée des préavis était trop longue : on la diminue. Ils voulaient le retour du certificat médical d’un jour : c’est fait (non, il est plutôt prévu de réduire la possibilité de 3 fois 1 jour à 2 fois 1 jour, ndlr). Ils ont tout ! Et nous, qu’est-ce qu’on a ?”
Dans QR le débat, hier soir, Marie-Hélène Ska, secrétaire générale de la CSC, jugeait la répartition de l’effort budgétaire totalement déséquilibrée. “Sur les 23 milliards à aller chercher, il y a 2,4 milliards d’efforts sur les pensions, 2,8 milliards sur les malades et ceux qui ont perdu leur emploi. En tout, deux tiers de l’effort sont faits par les travailleurs et seulement 6% par les épaules les plus larges. Ce n’est pas équilibré et c’est très éloigné de la réalité des conditions de travail. Que ce soit dans la fonction publique ou le secteur privé, où le travail est devenu de plus en plus difficile et intense. C’est ce malaise et cette colère que nous exprimerons demain lors de la manifestation.”
Le débat démocratique
L’émission d’hier soir devait se faire avec les ministres Jean-Luc Crucke (LE) et David Clarinval (MR) ainsi que les deux représentants syndicaux. Suite à un empêchement du nouveau ministre de l’Économie, il était prévu qu’il soit remplacé par Georges-Louis Bouchez. Thierry Bodson et Marie-Hélène Ska ont refusé, estimant que les conditions du débat avaient changé.
Cela a bien évidemment fait bondir le président du MR qui, sur les réseaux, s’est fendu d’un message au vitriol, sur “le caractère peu démocratique des organisations syndicales” qui refusent jusqu’à débattre. Le libéral a également comparé certains syndicalistes à des “kékés avec, parfois, une Cara Pils à la main”. Pas sûr que cette sortie plaide sa cause.
😳 Les syndicats ont refusé de débattre face à moi sur la @RTBF ce soir dans l’émission #QR ! Ils refusent d’être confrontés à l’un des auteurs de cet accord qui pourra ainsi démontrer qu’ils mentent.
— Georges-L BOUCHEZ (@GLBouchez) February 12, 2025
🔥 Ils se sentent certainement plus forts en agitateurs de rue, voire pour… pic.twitter.com/YkOghMtEir
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Le MR était finalement représenté par le chef de file du MR à La Chambre, Benoît Piedboeuf, qui a rappelé la légitimité démocratique de ce gouvernement, tout en s’offusquant que les syndicats mènent des actions avant la moindre concertation : “Il faut commencer par le commencement. Il y a eu des élections. Des élections qui ont dégagé des majorités. Avec des gouvernements qui représentent les souhaits de la population. La population a demandé quoi ? Qu’on essaye d’améliorer la situation financière et économique de ce pays. Il y avait déjà des grèves avant que le gouvernement ne se mette en place. Il vient d’être installé et il y en a à nouveau. Si on veut casser l’économie, on ne peut pas s’y prendre autrement. Il y a eu 11.500 faillites l’an dernier et 27.000 pertes d’emplois.”
Les syndicats se feront-ils entendre ?
Plus tôt cette semaine, Thierry Bodson a déclaré qu’il était nécessaire “de faire mal à l’économie pour se faire entendre“. Une rhétorique qui a mis le feu aux poudres et qui a provoqué la colère des organisations patronales.
Si chacun est bien sûr dans son rôle, on peut se demander si un tel message ne nuit pas à l’adhésion de la population aux causes syndicales. Ce sera d’ailleurs tout l’enjeu. Si les syndicats ne parviennent pas à convaincre les travailleurs au-delà de leur base, leurs cris, aussi forts soient-ils, ne perturberont pas beaucoup l’action du gouvernement.
Par contre, si les manifestations et les grèves venaient à gagner de nombreux secteurs et une adhésion de la majorité de la population, ce serait tout autre chose. Pour l’heure, la colère se concentre dans la fonction publique, dont les régimes préférentiels sont visés, et les ONG, dont le financement est rendu plus difficile. Ils seront rejoints par les partis de l’opposition. Sans doute insuffisant pour faire plier le gouvernement.
Au moins 50.000 personnes sont attendues dans les rues de Bruxelles, ce jeudi.
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