Geert Noels: “Le momentum d’une réforme fiscale est passé, il faut des élections anticipées”
Alors que le gouvernement De Croo entame son conclave fiscal, le CEO d’Econopolis n’est guère optimiste sur ses résultats en raison de la crise existentielle des libéraux flamands. Il exprime son inquiétude pour l’avenir de la Belgique. Entretien détonnant.
Geert Noels, CEO d’Econopolis, s’exprime pour Trends Tendances avant le conclave fiscal du gouvernement De Croo et ses propos sont alarmiste.
Est-ce impossible de réaliser une grande réforme fiscale dans ce pays?
Cela dépend ce que vous entendez par “grande réforme fiscale”…
Un vrai basculement des équilibres de la fiscalité, un ‘tax shift” et une simplification.
On a eu cela dans le passé quand cela était nécessaire. Le gouvernement Michel a aussi réalisé un tax shift, mais cela a été fort critiqué. Aujourd’hui, le timing est mauvais, une telle réforme ne peut pas être menée sans connexion avec d’autres dossiers pour trouver des équilibres. Il faut, en outre, beaucoup d’harmonie au sein du gouvernement afin que chaque parti soit bienveillant à l’égard des autres et permette aux autres de concrétiser certains de ses projets. Mais aujourd’hui, le climat est très crispé et certains sont même dans une crise existentielle, sauf les socialistes. A mes yeux, c’est pratiquement impossible de faire encore passer des réformes, surtout une réforme fiscale.
Mais n’est-ce pas un besoin?
Oui, il y a un besoin. Mais vous avez également vu que le Bureau du Plan vient de sortir ses projections et elles ne sont pas agréables à lire pour un économiste. Sans ajustement budgétaire, le déficit structurel se chiffrera à 5,5% du PIB en 2028, c’est le double de ce qui est permis par l’Europe. Or, même cette réalité budgétaire ne fait pas bouger notre gouvernement, comme si cela n’existait pas.
Je ne sais pas comment le dernier sondage a été perçu du côté francophone, mais le score de l’Open VLD était terrible et, à cause de cela, les libéraux vont tirer une ligne bleue sur cette réforme. Plus rien ne sera possible. Le premier deadline était fixé au mois de mai, on arrive tout doucement à la fin juin, cela risque vraiment d’être compliqué.
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Politiquement, c’est compliqué, et budgétairement, il y a peu de place pour une réforme fiscale?
En principe, une réforme fiscale doit être neutre. La note de Vincent Van Peteghem (ministre des Finances, CD&V) n’était pas parfaitement neutre, il y avait un impact important pour les Régions et il fallait escompter la croissance économique pour compenser certains aspects de la réforme. Vu le contexte budgétaire, dans le cadre d’un ajustement, la seule chose que l’on retiendrait dans le plan de Vincent Van Peteghem, ce sont les volontés d’augmenter certaines taxes, notamment en direction des entreprises. Sans le sondage, cela aurait pu se faire. Mais vu les sondages, les libéraux refuseront d’avancer. Un accord sans les principes libéraux, je ne vois pas comment ils pourraient l’accepter.
Le plan Van Peteghem avait pourtant certains mérites, je trouve. Il y avait certainement des points à discuter, il était difficile de le supporter à 100%, mais il y avait des éléments de bon sens. Cela reposait sur un travail solide. L’harmonisation des échelles TVA, par exemple, c’est du bon sens, c’est presque un ‘no brainer’ à mes yeux parce qu’on pourrait presque mettre les exceptions en lien avec les pressions des lobbies. Mais les socialistes vont s’y opposer en raison de l’inflation et les libéraux vont mettre en avant les besoins de certains secteurs économiques. En mars, je me disais que les positions pourraient converger, mais je pense que le momentum est derrière nous.
Le CD&V a fait une campagne avec une calculatrice montrant les « avantages des mesures Van Peteghem ». Les autres partis n’ont pas non plus apprécié cela. Voilà une autre preuve…
Le MR, lui, a déposé une proposition de réforme fiscale de 10 milliards, mais cela semble plus pour la prochaine législature…
Voilà. Mort et enterré, malheureusement.
Une telle réforme fiscale devrait être liée à une réforme des pensions, du marché du travail, des mesures pour la compétitivité aussi.
Ce sera pour la prochaine législature, mais ce ne sera pas simple…
Je pense que si on ne prépare pas dès à présent la coalition possible pour la prochaine législature, on n’y arrivera pas ! Ce sera extrêmement difficile car au Nord et au Sud, les extrêmes vont potentiellement gagner beaucoup de sièges. Je crains que si on ne s’y prépare pas, cela peut être le chaos et une crise systémique pour la Belgique.
Je suis très inquiet parce que le système financier, avec la hausse des taux, pourrait devenir très instable. Si les marchés s’inquiètent sur la santé de la Belgique, cela peut avoir un effet de chaîne. Comme tout le monde le sait dès à présent, ce serait mieux que le gouvernement démissionne, entre en affaires courantes et envisage des élections anticipées.
C’est mon opinion en tant qu’économiste.
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