Comment réorienter 126.000 travailleurs bientôt déclassés?

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Pierre-Henri Thomas
Pierre-Henri Thomas Journaliste

Environ 477.000 nouveaux emplois seront créés d’ici à 2030, mais derrière ces créations se cache une dynamique  qui verra s’éteindre 126.000 jobs…

Ces dernières années, malgré les crises et les conflits, un élément ne cesse d’étonner: la solidité du marché du travail. Contre vents et marées, notre taux de chômage (selon Eurostat) est passé de près de 9% fin 2015 à 5,5% aujourd’hui.

Entre 2016 et 2021, notre économie a créé 307.000 emplois supplémentaires. Nous avons franchi le cap des 5 millions de personnes employées. Nos entreprises continuent d’embaucher: il y a actuellement 210.000 postes vacants. Et les dernières analyses prévoient la création de 351.000 emplois de plus d’ici à 2030.

Tout n’est cependant pas pour le mieux dans le meilleur des mondes. Agoria, la Fédération des entreprises de Belgique (FEB) et le consultant Deloitte ont présenté un rapport (The Future of Work), qui met le doigt sur le travail qui nous attend pour relever à la fois les défis de la transition énergétique, de la digitalisation, de la compétitivité et de la position concurrentielle de nos entreprises.

Mobiliser les parties prenantes

Car, souligne Jeroen Franssen, expert senior auprès de la Fédération des industries technologiques Agoria, derrière ces créations d’emplois se cache une double dynamique. “D’un côté, notre économie devrait créer 477.000 emplois. De l’autre, 126.000 jobs devraient disparaître. De plus, il y a aujourd’hui 210.000 postes vacants parce que notre taux d’activité est encore trop faible. Il faut donc activer les personnes inactives mais aussi aider les 126.000 personnes qui ont un emploi qui pourrait disparaître demain”, dit-il.

Si ces travailleurs “déclassés” se retrouvaient tous au chômage, cela se traduirait par une charge supplémentaire de 4,8 milliards par an pour les finances de l’Etat.

Environ 50.000 emplois administratifs devraient disparaître ces prochaines années. Mais, estime Deloitte, plusieurs milliers de ceux-ci (7.600) pourraient, par exemple, être transformés en data stewards, c’est-à-dire en personnes qui assurent la qualité des données collectées pour l’entreprise.

“Les organisations commencent à optimiser leurs processus en les automatisant sur base de données, explique Nathalie Vandaele, partenaire chez Deloitte. Dans le secteur financier, l’octroi et le remboursement des prêts s’automatisent. La digitalisation ne fait pas disparaître des emplois mais les modifie.”

“Notre culture d’apprentissage est médiocre.”

De nouveaux concepts apparaissent, comme celui de “super jobs” (qui vont coordonner un ensemble de tâches automatisées) ou de “super teams” (qui mêlent au sein d’une même équipe des machines et des hommes). Mais cela nécessite de former une main-d’œuvre aux nouveaux défis digitaux.

“Tout l’enjeu est donc de mobiliser les trois parties prenantes – employeurs, employés et pouvoirs publics – afin de soutenir une culture de formation qui n’est pas encore bien ancrée dans le pays, résume Monica De Jonghe, directrice générale de la FEB. Notre culture d’apprentissage est médiocre.” Nous sommes en effet dans le fond de la classe européenne sur ce point alors que, pourtant, les entreprises belges dépensent davantage que leurs consœurs européennes. Mais selon les sondages, seuls 17% des employés se disent prêts à réaliser cet effort d’adaptation. L’enjeu? Convaincre les 83% restants.

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