Lundi, une communication commune des syndicats a mis le feu aux poudres. La réforme des pensions et son malus auraient un impact négatif sur 30% des travailleurs. “Ils perdent en moyenne 318 euros par mois, soit un quart de leur pension, un coup de massue”, ont dénoncé les syndicats. Ce mardi, le ministre des Pensions contre-attaque. Les organisations syndicales ne dévoileraient qu’une seule face de la pièce.
Le communiqué syndical tirait la sonnette d’alarme sur la réforme des pensions du ministre Jan Jambon (N-VA). Selon les organisations syndicales, le bonus-malus sur les pensions, le plafonnement rétroactif des périodes assimilées à 20 %, et la condition de 5 000 jours prestés pour bénéficier du minimum garanti pénaliserait jusqu’à 30% des travailleurs en moyenne de 318 euros par mois.
Les syndicats affirment que les pensions chuteraient de 1 390 € à 1 072 € par mois en moyenne, plaçant de nombreux retraités sous le seuil de pauvreté européen.
En outre, sept travailleurs sur dix touchés seraient des femmes, et les pensions les plus basses subiraient les pertes les plus importantes.
LIRE AUSSI | Réforme des pensions: « 318 euros de pension de moins pour 30% des travailleurs »
Jambon dénonce “une fuite de conclusions trompeuses”
Du côté du gouvernement, la riposte est immédiate. Le ministre des Pensions déplore la fuite de documents confidentiels du SFP, transmis aux syndicats sous condition de confidentialité. « Cette condition a été violée », dénonce le ministre.
Plus fondamentalement, il accuse les organisations syndicales “d’utiliser des données partielles pour effrayer la population”. Car selon l’analyse gouvernementale, les chiffres bruts du SFP ont été interprétés sans tenir compte des comportements réels :
« Les syndicats partent du principe que rien ne changera dans les comportements, alors que le système de bonus-malus vise précisément à encourager les gens à travailler plus longtemps pour éviter le malus. »
Le cabinet affirme que 66 % des personnes parties à la retraite anticipée et 74 % de celles parties à 65 ans n’auraient subi aucun impact négatif si les nouvelles règles de 2033 avaient été appliquées dès 2023. Les 34 % restant n’auraient été touchés qu’en l’absence de toute adaptation, par exemple sans prolonger leur carrière ou bénéficier des ajustements prévus.
“L’objectif même du système de bonus-malus est précisément d’influencer les comportements : une partie des personnes concernées travailleront en réalité plus longtemps (pour éviter le malus) ou resteront (partiellement) en incapacité de longue durée ou au chômage jusqu’à l’âge légal de la retraite (et éviteront ainsi également ce malus)”, ajoute le cabinet du ministre.
Une réforme présentée comme égalitaire
Contrairement aux accusations syndicales de discrimination, le ministre estime que la réforme favorise une plus grande égalité entre hommes et femmes.
« Comme l’a fait l’alignement de l’âge de la retraite des femmes à 65 ans, cette réforme renforce le lien entre travail effectif et droits à la pension, ce qui contribue à réduire l’écart de pension entre les sexes. »
C’est une manière de voir les choses. L’égalité par la contrainte. Ce qui est sûr, c’est que la réforme obligera les travailleurs, en particulier les femmes, à maximiser leurs périodes de travail effectif dans le calcul de la carrière, pour éviter de tomber dans les griffes de la réforme.
L’entourage du ministre rappelle aussi que la réforme est progressive, la plupart des mesures entrant en vigueur à partir de 2027, avec des périodes de transition pour éviter toute rupture brutale.
Trois cas concrets
Trois cas types, calculés sur base de données du SFP, illustrent les effets concrets de la réforme. Ils nous ont été transmis par le cabinet du ministre. Il s’agit d’une infirmière (Nancy), d’une caissière (Cindy) et d’un informaticien (Raoul). Et cette note confirme les chiffres avancés par les syndicats : ils pourraient effectivement voir leur pension baisser jusqu’à 300 euros bruts par mois en cas de départ anticipé à 61 ou 63 ans.
Mais seulement si une carrière de 35 années de travail effectif à mi-temps ne peut être justifiée. En outre, ajoute le cabinet, quelques mois ou années supplémentaires suffiraient à effacer la perte et même à augmenter la pension finale, chiffres à l’appui. « Les revenus et le montant des pensions ne diminuent pas, ils augmentent, tout en réduisant de moitié la croissance du coût du vieillissement d’ici 2070», insiste-t-on encore.
Dans les exemples, on observe effectivement que Nancy peut perdre 15% de sa pension en cas de retraite anticipée à 63 ans, mais que son revenu peut augmenter de 20% en prolongeant sa carrière d’un an, à mi-temps.
On le voit, derrière les chiffres, c’est une bataille de communication qui se joue. En marge de leur communiqué, les syndicats ont lancé un appel en vue de la manifestation du 14 octobre prochain.
LIRE AUSSI | Réforme des pensions : voici tous les détails du bonus, du malus et des nouvelles règles