250 ans sous du béton : la Belgique inaugure son mausolée radioactif

Credit : ONDRAF
Baptiste Lambert

À Dessel, la Belgique a lancé la construction de sa première installation de stockage définitif pour déchets nucléaires. Un chantier titanesque porté par le consortium NucleusSafe, dont fait partie Besix.

C’est une étape historique pour le nucléaire belge. Ce 18 septembre, à Dessel, le gouvernement fédéral a donné le coup d’envoi d’un projet de 2,6 milliards d’euros destiné à enterrer, pour des siècles, les déchets radioactifs de faible et moyenne activité à vie courte.

Le site, sécurisé et inaccessible au grand public, accueillera à terme 34 bunkers répartis en deux tumuli. Le premier, long de 300 mètres, sera constitué de 20 modules en béton armé. Le second, plus modeste, en comptera 14.

Le chantier est confié à NucleusSafe, un groupement d’entreprises comprenant Besix, Vanhout, Stadsbader et Deckx. L’objectif : garantir un isolement hermétique des déchets sur une période de surveillance active de… 250 ans. Après quoi, la sécurité passive – par simple inertie – prendra le relais.

Bart De Wever – BELGA PHOTO JONAS ROOSENS

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Une capsule temporelle… et 50.000 fûts à traiter

Une capsule temporelle a été symboliquement scellée dans le béton lors de la cérémonie d’inauguration, en présence du Premier ministre Bart De Wever (N-VA). Ce geste, lourd de symbole, rappelle la vocation de ce site : assumer le passé sans hypothéquer l’avenir.

En attendant, 50.000 fûts sont déjà entreposés à Dessel. Ils pèsent une tonne chacun. Certains datent des années 1980 et contiennent des résidus d’exploitation nucléaire compressés, incinérés puis cimentés. Parmi eux, 10.000 sont aujourd’hui considérés comme problématiques : une réaction chimique a provoqué un gonflement du béton, les rendant inéligibles au stockage définitif. Ils seront transférés dans un bâtiment distinct en attendant leur réemballage.

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Béton spécial, toiture temporaire et surveillance robotisée

Chaque bunker de la première phase mesurera 25 mètres de large, 27 mètres de profondeur et 11 mètres de haut, avec des parois de 80 centimètres d’épaisseur. Le tout est construit sur un socle rehaussé – gravier et sable-ciment – pour éviter toute infiltration d’eau. Une toiture temporaire en acier précédera une couverture finale composée de béton, argile, sable et terre végétale. Le tout formera une colline herbeuse censée traverser les siècles.

Besix insiste sur l’expertise technique mobilisée : coulée monolithique des parois, bétons composites, coffrages innovants. « Ce projet s’inscrit dans la continuité de notre expertise nucléaire et industrielle », souligne Mark Beyst, directeur général pour la Belgique-Luxembourg.

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Un projet sous surveillance

L’ensemble du projet s’étendra jusqu’en 2375. Le remplissage des bunkers prendra 20 ans, leur surveillance active, près de 250. D’ici là, les déchets resteront théoriquement récupérables. Une exigence exprimée par la société civile, rappelle l’Ondraf (agence de gestion des déchets nucléaires), pour garder la main sur le futur technologique ou politique.

Mais derrière la prouesse technique, une question reste entière : que faire des déchets de haute activité (catégories B et C) ? Leur sort reste suspendu à une décision politique jamais prise depuis l’arrêté royal de 2002 sur le stockage en profondeur. Un flou qui souligne les nombreuses hésitations du monde politique à l’égard du nucléaire, même si l’actuelle majorité semble indiqué un cap plus clair.

A priori, c’est l’enfouissement géologique à 400 mètres dans le sous-sol qui devrait être retenu. Aucun lieu ou technologie n’ont été arrêtés, mais certaines évaluations estiment son coût à plus de 60 milliards d’euros. Une autre paire de manches.

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Une industrialisation encadrée, mais coûteuse

En ce qui concerne les déchets A, le coût n’est pas totalement arrêté. Les 2,6 milliards d’euros – valeur 2021 – devront être réévalués en 2027. Et pour cause : ces montants incluent la construction, l’exploitation, la fermeture et la surveillance du site. Un investissement étalé sur plusieurs générations.

Dans l’intervalle, les déchets continuent de s’accumuler, et les attentes citoyennes de se durcir. Face à ce défi de gouvernance, la Belgique enterre ses résidus, mais pas ses responsabilités futures.

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