Faillites en pagaille en Belgique : pourquoi ça pète ?
En plus d’un effet de rattrapage, les entreprises belges font face à un triple coup de pression : l’indexation des salaires, les prix de l’énergie et le resserrement des taux.
Le nombre de faillites est en forte hausse. 3.162 entreprises ont mis la clé sous la porte au premier trimestre 2024, soit une augmentation de 14,1% par rapport à l’année dernière. Cela a conduit au licenciement de près de 6.000 personnes. La Flandre a même subi un record avec 1.793 faillites au compteur, c’est plus qu’en 2019. Pour le moment, seule Bruxelles n’est pas revenue au nombre de faillites d’avant-crise.
Pour le reste de l’année, tout indique que cette tendance à la hausse devrait se poursuivre, les entreprises faisant face à un triple coup de pression.
Ainsi se paye l’indexation automatique des salaires
L’indexation automatique des salaires a eu du bon. Elle a permis de maintenir le pouvoir d’achat des ménages, ce qui a soutenu la demande intérieure et boosté la croissance de notre pays, au-delà de la moyenne de la zone euro. De plus, la boucle salaire-prix que certains économistes craignaient ne s’est pas vraiment matérialisée. Certes, l’inflation est à nouveau en hausse en 2024, mais elle devrait se limiter à 3,3% cette année, selon les dernières prévisions du Bureau fédéral du plan. Malgré tout, cela mènera à une nouvelle indexation des salaires et des allocations de 2% en mai 2024 et en mars 2025, dans la fonction publique et ensuite dans les autres secteurs.
Le contrecoup, ce sont les entreprises qui le subissent. Globalement, les marges bénéficiaires restent solides en Belgique, mais elles commencent à s’éroder sous le coup des augmentations salariales. En outre, selon la Banque Nationale, le tableau d’ensemble cache de fortes disparités, selon les secteurs et la taille des entreprises.
D’après les tout derniers chiffres d’Eurostat, le salaire horaire en Belgique est le 3e plus élevé de l’Union européenne. Pour une économie ouverte comme la Belgique, c’est létal, surtout par rapport aux pays voisins. Le coût de la main-d’œuvre était de 47,1 euros de l’heure en Belgique en 2023, contre 41,1 euros en Allemagne, 42,2 euros en France et 43,3 euros aux Pays-Bas. Ainsi, les coûts salariaux sont 14% plus élevés en Belgique qu’en Allemagne.
La productivité est légèrement meilleure en Belgique, mais les coûts salariaux belges augmentent plus rapidement : de 8,2 % en 2023, contre 6,8 % aux Pays-Bas, 4,8 % en Allemagne et 3,6 % en France, selon une récente analyse du Conseil central des entreprises. Et d’après la FEB, l’organisation patronale, le handicap salarial accumulé vis-à-vis des trois pays voisins devrait tourner autour des 12% cette année.
Pas étonnant qu’ArcelorMittal réfléchisse à déplacer son investissement d’1 milliard d’euros de son site de Gand à son site de Dunkerque. Ou qu’Audi ne reconduira pas ses 400 intérimaires à Bruxelles et remet en question l’avenir de l’entreprise en Belgique. La situation de Van Hool est plus particulière et combine mauvaise gestion et désindustrialisation qui touche toute l’Europe. Même si là encore, la situation se dégrade plus rapidement en Belgique que dans les pays voisins.
Prix de l’énergie et resserrement des taux
La fin du moratoire sur les faillites et des aides en tous genres, qui a suivi les crises sanitaire et énergétique, a signé la mort des entreprises zombies, ces entreprises qui n’auraient pas survécu sans aides publiques. Mais les prix de l’énergie jouent toujours un rôle. Ils restent importants malgré la baisse de ces derniers mois. L’énergie est plus chère en Europe qu’ailleurs dans le monde, et l’énergie est plus chère en Belgique qu’ailleurs en Europe.
De tous les secteurs, l’horeca et la construction sont les plus touchés. En plus des prix de l’énergie et de l’inflation, l’horeca doit faire face à un problème structurel de main-d’œuvre : le secteur ne trouve plus de personnel. Pour le secteur de la construction, le facteur le plus important reste le resserrement des conditions d’accès au crédit. Le marché de l’immobilier s’est refroidi face à la hausse des taux, les acheteurs y réfléchissant à deux fois. Plus que jamais, tout le monde a les yeux tournés vers la BCE, qui pourrait décider d’une première baisse des taux au mois de juin, selon les scénarios les plus optimistes.
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