“Est-ce que tout doit être facturé ?” : les chiffres  du travail au noir en Belgique

travail au noir
Alain Mouton Journaliste chez Trends  
Ilse De Witte Journaliste chez Trends Magazine

Les Belges seraient les champions du travail au noir. Dans une perspective européenne en tout cas, nous nous situons au-dessus de la moyenne en la matière. Le gouvernement tente de réduire le phénomène et obtient progressivement des résultats.

Une connaissance qui pose des panneaux solaires sur son toit. Un collègue qui construit. Un autre collègue qui fait couvrir sa terrasse. Un membre de la famille qui fait refaire son jardin. Chacun d’entre eux s’est vu demander par les entreprises chargées des travaux : “Est-ce que tout doit être facturé ?”.

Le travail non déclaré est un travail qui n’est pas déclaré et qui, par conséquent, ne donne pas lieu au paiement de cotisations sociales, d’impôts, de TVA ou d’autres charges. C’est moins cher pour le prestataire et pour le client, mais le Trésor public et la sécurité sociale sont perdants. Tout comme les entrepreneurs qui travaillent dans les règles de l’art.

Le travail au noir en Belgique : les chiffres

L’économie souterraine représente environ 15,4 % du produit intérieur brut (PIB) de la Belgique, selon plusieurs études internationales. 77 milliards d’euros de la richesse de notre pays sont ainsi créés au noir. Cela nous place dans le top 5 européen et plus haut que nos voisins allemands (10 %), français (12 %) et néerlandais (7,5 %).

Le poids de l’économie souterraine est certes en baisse depuis 20 ans. En 2003, 21,3 % de notre PIB était encore du travail au noir, a calculé le professeur autrichien Friedrich Schneider.

L’hôtellerie et la construction

Deux secteurs sont invariablement les plus cités en matière de travail non déclaré : l’hôtellerie et la construction. L’Institut des comptes nationaux a estimé le chiffre d’affaires non déclaré du secteur belge de l’hôtellerie et de la restauration à 15 % supplémentaires avant l’introduction de la caisse blanche. L’ICN est parvenu à ce chiffre sur la base du chiffre d’affaires déclaré réel de l’horeca et d’études sur les dépenses des consommateurs dans le secteur de l’horeca.

Les contrôles effectués par le Social Intelligence and Investigation Service (SIOD) sont également éloquents. L’industrie hôtelière est le deuxième secteur le plus contrôlé après la construction. Le nombre d’infractions reste très élevé depuis des années, et a même atteint un pic au premier trimestre 2023 : du travail au noir a été détecté dans 57 % des contrôles. Il s’agit principalement de personnes qui ne sont pas officiellement enregistrées en tant que salariés, ou de personnes bénéficiant officiellement d’allocations de chômage. Même si le SIOD souligne que les chances de se faire prendre ont augmenté car les contrôles sont beaucoup plus ciblés aujourd’hui, notamment grâce à l’utilisation de l’intelligence artificielle pour collecter des données.

L’Eurobaromètre 2019 – le plus récent – donne ensuite une autre indication de l’ampleur du travail au noir dans la construction. À la question de savoir s’ils ont payé des biens ou des services au noir au cours de l’année précédente, 16 % des Belges ont répondu ” oui “. La moyenne européenne est de 10 %. Le secteur de la construction et de la rénovation se distingue avec 34 % des Belges déclarant avoir déjà payé ces services au noir, contre 30 % en moyenne en Europe.

41 % des Belges disent connaître quelqu’un qui travaille au noir, contre 33 % en moyenne dans le reste de l’Europe.

À la question de savoir s’ils connaissent quelqu’un qui travaille au noir, 41 % des Belges ont répondu “oui”, contre 33 % en moyenne dans le reste de l’Europe. Lorsqu’on leur demande s’ils ont eux-mêmes travaillé au noir, seuls 6 % répondent par l’affirmative, contre 3 % dans le reste de l’Europe.

Les Belges sont également beaucoup plus tolérants à l’égard du travail non déclaré que les autres Européens. Lorsqu’on leur demande s’ils trouvent acceptable que des entreprises et des particuliers travaillent et soient payés au noir, les Belges sont nettement plus nombreux à répondre qu’ils n’y voient pas ou peu de problèmes.

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