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Ecocide, idées courtes et cheveux longs

Lire la chronique d' Amid Faljaoui Amid Faljaoui, directeur des magazines francophones de Roularta.

La semaine dernière le groupe Ecolo-Groen a déposé une proposition de résolution à la Chambre pour réclamer la pénalisation de l’écocide.

Je rappelle que l’écocide désigne les ravages faits par l’homme à son environnement, c’est une manière forte et symbolique de mettre l’atteinte à la Nature au même niveau que les crimes de sang, d’ailleurs le terme écocide rime avec infanticide ou parricide.

L’idée des hommes et femmes politiques qui ont déposé cette résolution part du principe qu’il faut donner une personnalité juridique à des éléments de la nature pour mieux lutter contre les catastrophes comme la marée noire de l’Erika qui a vu 20.000 tonnes de fioul souiller la Bretagne et tuer 150.000 oiseaux.

Là encore, rien à dire sur le fond du dossier, mais comme toujours, le diable se niche dans les détails et donc dans la manière dont sera rédigé ce texte s’il passe la rampe du Parlement.

C’est vrai que ce crime d’écocide a l’air simple sur le papier, mais en réalité, il peut aussi bien soulager la nature que devenir une machine à procès infinis.

Olivier Babeau, un économiste qui a planché sur le sujet pour la France pose quelques questions : lorsqu’un pays déboise massivement ses forêts pour étendre les terres agricoles et cultiver davantage, est-ce un écocide ? De même, ajoute-t-il, qui empêcherait quelqu’un d’attaquer l’Etat ou la Région en expliquant que les éoliennes relèvent de l’écocide en raison de leur faible apport en électricité, mais aussi par rapport aux atteintes diverses qu’elles portent à l’environnement ?

Allons encore plus loin, nous dit Olivier Babeau : pourquoi la fermeture des centrales nucléaires nous obligeant à la réouverture d’usines à charbon ne serait-elle pas aussi considérée comme un écocide ? Pourquoi évoquer tout ceci ? Mais parce que dans la vie, comme le disait je ne sais plus quel humoriste, il faut se méfier des idées courtes et des cheveux longs.

Pour les cheveux longs, j’ai des doutes, mais pour les idées courtes, aucun. La preuve, d’autres hommes et femmes politiques veulent par exemple imposer qu’on mette derrière chaque publicité une phrase toute simple : “en avez-vous vraiment besoin ? la surconsommation nuit à la planète”.

Dit comme ça, c’est cool, on vote immédiatement. Oui sauf, que c’est quoi “avoir vraiment besoin” de quelque chose, à part boire, manger et dormir, quoi d’autre est vraiment essentiel ? Aller à l’Opéra est-ce vraiment nécessaire ? Aller au théâtre aussi ? N’est-ce pas plus simple de lire un bon livre chez soi, mais dans une pièce chauffée à dix degrés pas plus, car après tout, pourquoi chauffer cette pièce quand trois pulls suffisent ?

L’économiste Olivier Babeau qui est à l’origine de ces exemples caricature à dessein bien entendu. Mais c’est juste pour mieux faire comprendre que contrairement à ce qu’on pense, définir la “surconsommation” ou le “superflu” n’est pas aussi simple que ça en réalité. Chacun a sa version du “superflu”.

Je termine en rappelant qu’écologie et économie peuvent s’entendre, ce n’est même pas nécessaire, c’est carrément obligatoire pour nos enfants et petits-enfants, mais à condition qu’on sorte des discours simplistes. Autrement dit, gardons les cheveux longs et fuyons les idées courtes.

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