Droits de douane : quelle sera la facture et qui va la payer ?

Illustration © Belga
Baptiste Lambert

“Capitulation”, “reddition”, “soumission”… les commentateurs n’ont pas eu de mots assez durs pour qualifier l’accord UE-USA sur les droits de douane. Mais dans les faits, qui va vraiment payer les 15% sur les produits européens ?

À ce stade, malgré quelques incertitudes, notamment sur le secteur pharma, on sait que la plupart des produits européens seront taxés à 15%. Une exemption est uniquement prévue pour des produits dits “critiques”, comme les semi-conducteurs, les matériaux critiques, certains produits chimiques et quelques médicaments ainsi que certaines pièces du secteur aéronautique.

Pour les pays européens avec une balance commerciale largement positive vis-à-vis des États-Unis, comme l’Allemagne ou la Belgique, le verre peut être vu comme à moitié plein. Dans la mesure où leur économie échappe au pire : des droits de douane punitifs de 30, voire de 50%.

De quel montant parle-t-on ?

Au niveau des biens, les pays de l’UE ont exporté pour 532,3 milliards d’euros vers les États-Unis en 2024, contre 334 milliards d’importations. À la grosse louche, cela va donc rapatrier vers les États-Unis près de 80 milliards d’euros par an. Tout dépendra du taux de taxation des produits pharmaceutiques qui représentent 22,5% des exportations de biens vers les États-Unis. Aux dernières nouvelles, ils seraient bien soumis à un taux de 15%, mais une enquête est en cours aux États-Unis sur base de l’article 232, pour évaluer l’impact réel de ce secteur.

Ce sera également déterminant pour la Belgique. Notre pays a exporté pour 32,9 milliards d’euros vers les États-Unis en 2024, prenant la 6e place des pays de l’UE, et même le 2e rang, derrière l’Irlande, en parts du PIB. Or, la moitié de nos exportations sont des produits pharmaceutiques. Dans le pire des scénarios, c’est environ 5 milliards par an dans les caisses des États-Unis.

Précision importante, toutefois. Le droit de douane moyen avait déjà augmenté depuis ce début d’année, de 1,5% à approximativement 5%, en mai dernier. L’accord de dimanche augmente donc de 10% le droit de douane qui était déjà appliqué.

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Qui va vraiment payer la facture ?

Il faut savoir que cette taxe de 15% s’appliquera aux marchandises qui passeront par la douane américaine. C’est bien l’importateur du produit qui doit s’acquitter de ce montant, c’est-à-dire le grossiste américain, le détaillant américain ou l’entreprise américaine.

Ce montant est dû “hors frais de transport et d’assurance”, et les 15% se font sur le prix du transfert et pas sur le prix en rayon pour le consommateur américain.

Cela ne veut pas dire que ce coût sera uniquement porté par l’importateur ou que le consommateur final échappera à toute hausse des prix. Au contraire, le coût sera partagé entre tous les maillons de la chaîne. En moyenne, on estime que 10 à 20% de la facture est à charge de l’exportateur et donc 90% à 80% à la charge de l’importateur et du consommateur final, rapporte aux Echos Bruno De Moura Fernandes, économiste chez Coface.

Dans la réalité microéconomique, c’est plus compliqué. Tout dépendra du rapport de force. Un grand groupe pourra peser de tout son poids et fera porter le coût à la chaîne d’importation. Ce sont les entreprises qui disposent d’un “pricing power“. À l’inverse, l’entreprise qui tentait de percer le marché américain sera fortement impactée. Dans le premier cas, on peut penser à un constructeur automobile allemand. Dans le second cas, à la distillerie belge de spiritueux sans alcool NietsCo, par exemple, qui nous indiquait en avril dernier être entré en négociation avec ses clients pour partager les coûts à 50/50.

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Investissements et achats d’énergie

Ce constat fait dire à certains économistes, comme Nicolas Potiers du think tank Bruegel, que ces droits de douane, même s’ils sont à sens uniques, pourraient être plus nocifs pour les États-Unis que pour l’Union européenne.

D’autres estiment que beaucoup d’autres pays s’en sortent et s’en sortiront moins bien, comme beaucoup de pays d’Asie, ce qui donne finalement un avantage concurrentiel au bloc européen.

Ce sont des considérations quelque peu prématurées, puisqu’il faudra aussi mettre dans la balance les achats de quelque 750 milliards d’euros d’hydrocarbures américains, en moyenne plus chers qu’ailleurs, et donc avec un impact pour le consommateur européen.

Mais aussi les 600 milliards d’investissements aux États-Unis promis par la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen. S’il ne s’agit pas d’un montant calculé sur un coin de table, il pourrait coûter des milliers d’emplois en Europe, transférés vers les États-Unis.

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