Les marchés saluent l’accord sur les droits de douane, les économistes taclent sévèrement l’UE : “C’est une capitulation”

Ursula von der Leyen (Photo by Anna Ross/picture alliance via Getty Images)
Baptiste Lambert

Au lendemain de l’accord sur les droits de douane entre les Etats-Unis et l’UE, les places boursières européenne sont évidemment positives. On ne peut pas en dire autant des économistes de tous horizons, qui n’ont pas de mots assez durs pour qualifier les conditions du deal.

L’Europe s’est acheté une paix commerciale au prix fort. Si les droits de douane sont finalement limités à 15%, ils sont à sens unique et ne concernent que les produits européens. De plus, l’UE s’est engagée à acheter pour 750 milliards d’euros d’hydrocarbures américains sur trois ans, lâchant sa dépendance énergétique à la Russie au profit des Etats-Unis. Le bloc européen devra également investir jusqu’à 600 milliards d’euros chez son voisin outre-Atlantique.

“Une capitulation”

Très vite, les critiques contre la “négociatrice” von der Leyen ont fleuri. Notamment par rapport aux termes de l’accord. “Ce qui m’inquiétait s’est produit, a par exemple réagi Olivier Blanchard, ancien économiste en chef au FMI. Un « accord » totalement inégal entre les États-Unis et l’UE. N’en doutez pas : des droits de douane asymétriques de 15 % sont une défaite pour l’UE. Quand la loi de la jungle prévaut, les faibles n’ont d’autre choix que d’accepter leur sort. Mais l’Europe aurait pu être forte, seule ou en coalition avec d’autres. Elle aurait dû se préparer à des turbulences. Mais elle aurait finalement obtenu un meilleur accord et envoyé un message fort au monde. Une occasion manquée.”

« Cet accord est consternant, c’est une capitulation en rase campagne face aux Etats-Unis », a pour sa part commenté l’économiste Eric Dor, au Soir. Le directeur des études économiques de l’IESEG School of Management souligne que les droits de douane ont ainsi triplé, passant de 4,8% en moyenne au début de l’année à 15%.

Les termes sont identiques du côté de l’économiste français Gabriel Zucman, à l’origine d’une proposition sur la taxe des fortunes. “Après avoir exonéré les multinationales américaines de l’impôt minimum mondial, l’UE capitule en rase campagne face à Trump sur le plan commercial en acceptant des tarifs douaniers de 15% sans contrepartie. Du point de vue de Trump, c’est une victoire considérable : au total, les tariffs américains vont rapporter aux USA de l’ordre de 1% du PIB par an, 3,6 trillions de dollars sur 10 ans — de quoi effacer une grande partie du coût de ses baisses d’impôt. Pour l’UE, c’est une déroute auto-infligée : une déroute, car cela revient à accepter le principe de l’extorsion trumpiste, extorsion qui ne connaît pas de limites. Auto-infligée, car une économie de la taille de l’UE aurait pu dissuader Trump avec des contre-mesures d’ampleur.”

“Des Télétubies”

Du côté politique, les critiques les plus acerbes viennent sans doute de France, mais pas forcément que de l’opposition. Ainsi, Clément Beaune, ancien ministre des Affaires européenne d’Emmanuel Macron, appelle l’Europe à hausser son jeu : “Il faut que l’Europe accélère et se bouge parce qu’on ne peut pas être les Télétubbies du commerce international.”

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L’ancien Premier ministre Guy Verhofstadt, influent dans la sphère européenne, y va lui aussi à la mitrailleuse : “L’accord UE-États-Unis est scandaleux… un désastre… sans une seule concession de la part des Américains… mal négocié…”

Les commentaires vont à peu près tous dans la même direction. Le politologue Joseph Henrotin, directeur du Centre d’analyse et de prévision des risques internationaux (CAPRI, Paris), parle lui aussi de capitulation. Il ajoute que “le libéralisme économique joue dans les deux sens. Les Etats-Unis n’ont jamais été aussi faibles et les concessions faites sont définitivement la preuve que l’UE n’a rien compris à la puissance. Il n’y a pourtant pas d’autre voie.”

Les marchés voient vert

On dit souvent des marchés qu’ils anticipent. Or ici, ils sont plutôt dans la réaction à très court terme. Les places boursières européennes saluent un accord de la “moins mauvaise” des solutions. Tant Donald Trump a joué dur, en annonçant des droits de douane de 50%, puis de 30%.

Le Bel 20 gagne 0,85%, le CAC 40 0,90% et le Dax allemand 0,5%. On est dans le vert, mais pas dans l’euphorie non plus.

Car à plus long terme, ces droits de douane n’arrangent personne et certainement pas le commerce international. Même si Donald Trump aura sans doute plus le sourire que la présidente de la Commission. L’Allemagne, elle, pousse un ouf de soulagement pour son industrie. La France parle de “reddition”. Il est clair que le coût de la désescalade est cher payé.

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