Dexia : les enjeux du bras de fer Etat/Régions

© Image Globe/Benoît Doppagne

L’Etat veut passer en force et imposer “sa” solution pour Dexia : un renforcement de sa propre position dans Dexia Banque Belgique et la constitution d’une bad bank. Les Régions refusent de se laisser faire. Les discours s’enveniment… et rappellent, par certains côtés, l'”affaire Fortis”.

Ce que veut l’Etat : son renforcement dans Dexia Banque Belgique et la constitution d’une bad bank

Le gouvernement fédéral veut renforcer au maximum la position belge au sein de Dexia Banque Belgique, ont indiqué jeudi le ministre des Finances et le Premier ministre à l’issue d’un comité ministériel restreint. D’aucuns ont interprété cette annonce comme les prémisses d’une nationalisation de la banque, une option que Didier Reynders a refusé de commenter.

“Du côté belge, nous souhaitons clairement renforcer notre position au sein de Dexia Belgique, a affirmé le ministre des Finances. Il y a plusieurs scenarii sur la table. Celui qui retient le plus notre attention est celui qui renforce le plus la participation belge dans la banque en Belgique.”

A côté de Dexia Banque Belgique, subsisterait cependant une structure de défaisance, que le ministre des Finances a qualifiée de “banque résiduelle”, et qui bénéficierait de la garantie de l’Etat belge, mais aussi de l’Etat français, a insisté Didier Reynders : “Je n’imagine pas que la Belgique prenne à 100 % la charge de la garantie de cette banque résiduelle.” Selon lui, cette garantie sera sans doute inférieure à celle donnée lors de la crise de 2008, soit alors jusqu’à 90 milliards d’euros pour la Belgique.

Cette structure devrait comprendre une certain nombre d’émissions à longue durée de Dexia dans le cadre de ses activités de financement des collectivités locales, ainsi que le portefeuille obligataire de la banque, d’assez bonne qualité mais qui doit être refinancé et dont la maturité est à long, voire très long terme. Fin juin 2011, ce portefeuille en run-off s’élevait à 95,3 milliards d’euros.

Le scénario retenu par le gouvernement fédéral écarte de facto la formule de spin-off proposée par les trois Régions. A bonne source, l’on indiquait que les autorités françaises n’y étaient pas favorables.

Ce que veulent les Régions : une Dexia Banque Belgique indépendante

Les Régions s’opposent clairement au projet de nationalisation de Dexia Banque Belgique et maintiennent leur propre proposition, qui consiste à lancer une banque indépendante autour des actionnaires actuels de Dexia, a souligné le ministre-président flamand, Kris Peeters : “Nous proposons ce qu’il y a de mieux pour la banque et les actionnaires. Le gouvernement fédéral également, mais les visions ne se sont pas encore complètement rapprochées. Les principaux clients de la banque sont les entités locales. Il est important que la solution puisse être accueillie positivement par ces clients traditionnels.”

Le ministre-président bruxellois, Charles Picqué, a appelé l’ensemble des protagonistes à parler d’une seule voix, l’objectif étant de “sauver la banque et les épargnants”. Il est normal, a-t-il ajouté, que les Régions soient “sensibles à certains aspects (du dossier), comme la subsistance du Holding Communal”. Le ministre-président wallon, Rudy Demotte, n’a pas commenté outre mesure la situation : “Il faut trouver une même ligne avec le fédéral”, s’est-il contenté de dire.

Pour Michel de Herde, échevin des Finances de Schaerbeek, “si les deux idées du gouvernement fédéral devaient se concrétiser, cela signifierait que les actionnaires actuels de Dexia ne seraient plus actionnaires que de la bad bank“. Or, d’après un analyste bancaire, la valeur de l’action bad bank serait d’environ 0,20 euro, ce qui entraînerait, selon l’échevin, automatiquement la faillite du Holding Communal et d’Arco, et de lourdes moins-values pour les Régions et Ethias. Avec, à la clé, des pertes désastreuses pour les communes.

Les rapports de l’Etat et des Régions se crispent autour du dossier Dexia

Exposer les divergences de vues entre Régions et fédéral irrite passablement le vice-Premier ministre Steven Vanackere (CD&V) : “Cela affaiblit la position de la Belgique par rapport à la France !”

Vincent Van Quickenborne, ministre (Open VLD) pour l’Entreprise, va plus loin : à ses yeux, les actionnaires de Dexia, parmi lesquels on retrouve les communes (que les Régions soutiennent en première ligne), “doivent savoir que, lorsqu’on prend des risques, on ne peut pas, lorsque cela va mal, les répercuter sur la communauté”.

Le ministre des Finances Didier Reynders (MR) a répété que le fédéral tenterait avant tout de consolider sa position dans Dexia, assurer le financement du groupe avec la France, rassurer l’ensemble de la clientèle et soutenir l’emploi.

Traduction : priorité aux épargnants et aux employés ; les investisseurs, eux, doivent assumer leurs choix. Ce qui n’est pas sans rappeler le discours tenu lors du “sauvetage” (en fait, un dépeçage en règle) de Fortis, où le même Didier Reynders avait opposé clients (qu’il fallait sauver à tout prix) et actionnaires (qui devaient accepter avoir “joué en Bourse, et perdu”)(ici, par exemple).

A ceci près qu’à l’époque, l’action Fortis était encore considérée comme un “placement en bon père de famille”, et non comme un investissement à risque, une lubie de boursicoteur. Bref, que nombre d'”épargnants” de Fortis étaient aussi actionnaires. Aujourd’hui, on compte, parmi les “grands” actionnaires de Dexia, les Régions et les communes belges. Leur servir ce discours : “Vous avez joué en Bourse, vous avez perdu”, risque bien d’avoir des répercussions sur l’ensemble des citoyens du pays.

Trends.be, avec Belga

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