Comment les écologistes veulent créer 100.000 emplois
La transition écologique et solidaire est aussi une opportunité économique, défendent les Ecolo Gilles Vanden Burre et Barbara Trachte, qui portent un plan d’investissement très ciblé et une large réforme fiscale. En se disant prêts à prendre ces portefeuilles ministériels.
Un plan de 15 milliards pour “investir l’avenir”. Voilà la proposition que les écologistes portent en vue des élections fédérales et régionales du 9 juin prochain. Avec l’ambition de créer 100.000 emplois à l’horizon 2030 pour mettre en œuvre une transition “écologique et solidaire”. “Le coût de l’inaction est cinq fois plus important que le coût des investissements nécessaires”, martèle le coprésident d’Ecolo, Jean-Marc Nollet. Mais ce plan entend aussi être un soutien naturel à l’économie.
Gilles Vanden Burre, chef de groupe Ecolo à la Chambre, et Barbara Trachte, secrétaire d’Etat bruxelloise en charge de la Transition économique, soulignent l’ambition de ce plan. “L’urgence climatique et la nécessité d’accélérer la transition sont au cœur de notre programme, rappelle Barbara Trachte. Des solutions existent et les objectifs environnementaux et sociaux sont prioritaires, comme le préconise le Giec. Mais cela offre également des opportunités économiques. Etre les premiers à changer, c’est décisif pour les saisir.”
“Les thèmes liés à l’emploi et à l’économie sont au cœur de notre programme”, insiste de son côté Gilles Vanden Burre. Ces derniers temps, les verts ont été régulièrement accusés de défendre une logique orientée vers la décroissance. On sent, à l’approche du scrutin, une volonté de corriger le tir en présentant un profil plus pragmatique. “Ce n’est pas du tout contradictoire de réorienter l’économie et de créer de l’emploi tout en atteignant nos objectifs climatiques, dit le chef de file fédéral. C’est vraiment cela que nous voulons mettre en avant.”
Un monde plus vert et plus juste doit être économiquement dynamique et solidaire. Paroles d’Ecolo.
Leurs nombreuses rencontres de terrain avec les entrepreneurs, soulignent les deux Ecolo, témoignent que ceux-ci sont parfaitement conscients de la nécessité de changer et d’intégrer les réglementations vertes. “Même ceux qui n’y croyaient pas vraiment, ou n’y voyaient pas intérêt, comprennent que cette transition vers une économie bas carbone est indispensable, ajoutent-ils. C’est là que se crée le plus grand nombre d’emplois: dans la construction, l’isolation des bâtiments quartier par quartier, les énergies renouvelables, l’économie circulaire… On parle bien de la possibilité de créer jusqu’à 100.000 emplois. Et ce n’est pas une lubie écologiste, cela se base sur des chiffres de la Commission européenne, du Bureau international du travail, de bureaux de consultance…”
Le plan écologiste, soutiennent-ils, est le plus clair de tous les partis, le plus ciblé et le plus prévisible: pas de saupoudrage, mais une orientation claire dans les thématiques soutenues. “Notre cap est clair, aux horizons 2030 et 2050, aligné sur les réglementations internationales, et nous sommes contre l’austérité. Ne pas investir aujourd’hui, c’est le pire que l’on puisse faire.”
Le message d’Ecolo est très politique: “Nous sommes capables de prendre ces sujets en main et de les faire prospérer”. En d’autres termes, voilà une offre de services pour des ministères économiques, si l’opportunité se présentait après le 9 juin, au fédéral et en Wallonie. “Le bilan de Barbara à Bruxelles est reconnu, c’était la première fois qu’une écologiste prenait un tel portefeuille”, souligne Gilles Vanden Burre, qui renvoie aussi à l’expérience allemande. “On voit que les acteurs suivent.”
“Brussels bashing”
Pour autant, à Bruxelles, le regard des acteurs économiques n’est pas aussi positif que ce que les deux élus avancent. De nombreuses entreprises menacent de quitter la Région, notamment en raison des problèmes de mobilité – le très contesté plan Good Move – ou de sécurité. “Suite aux crises du covid et de l’énergie, les entreprises ont compris qu’elles devaient bouger, rétorque Barbara Trachte. En matière de mobilité ou de sécurité, il y a certainement des choses dont on peut discuter, mais il n’y a jamais eu autant d’entreprises à Bruxelles qu’aujourd’hui. On continue à être la Région qui en crée le plus. Comme dans toute capitale, elles finissent par quitter quand elles grandissent.”
Pour la secrétaire d’Etat, l’argument revient trop souvent sous forme de “Brussels bashing”. “Mais notre Région reste le moteur économique du pays, insiste-t-elle. C’est la plus avancée en matière d’innovation dans les classements européens. On devrait tous s’en féliciter.”
“Nous sommes contre l’austérité. Ne pas investir aujourd’hui, c’est le pire que l’on puisse faire.”
Barbara Trachte insiste aussi sur la nécessité de défendre l’économie européenne et de mettre des barrières à l’entrée s’il le faut. “Nous devons soutenir l’économie réelle bruxelloise, les producteurs de vêtements, par exemple, face à ce que l’on peut acheter à cinq euros chez Primark. C’est insupportable d’imaginer qu’ils éprouvent des difficultés à cause de cette concurrence déloyale. L’économie de demain, ce sont nos entreprises qui la feront ! La TVA peut être un levier, pour rendre certains biens accessibles, mais aussi pour les défendre.”
“Réformer la fiscalité, une priorité”
Privilégier la production locale, voilà une clé dans la quête de ces 100.000 emplois. “Mais de façon générale, notre priorité numéro un, c’est une réforme fiscale pour faire baisser les charges sur le travail, explique Gilles Vanden Burre, pour faire en sorte que le travail soit plus attractif pour les bas et moyens salaires. Nous étions très constructifs dans les discussions au sein de la Vivaldi, nous étions plutôt partenaires du ministre des Finances, Vincent Van Peteghem (CD&V). On sait pourquoi cela n’a pas abouti: les libéraux ont mis leur veto à la fin. Mais nous, on continue…”
Le MR s’est opposé à la réforme faute de mesures fortes pour doper le taux d’emploi afin de financer le projet sans taxations supplémentaires. “Si l’on veut être sérieux sur le plan budgétaire – ce que l’on veut être – penser que l’on pourra financer une réforme fiscale de cette façon n’est pas très crédible, tacle Gilles Vanden Burre. Nous, nous demandons un effort aux épaules les plus larges.”
“Les conservateurs vous diront que l’on doit punir les chômeurs. Nous pensons le contraire.”
Pour financer le tout, une taxation des richesses est au menu d’Ecolo. “Les épaules les plus larges, en ce qui nous concerne, c’est plus d’un million d’euros net hors maison propre et outils de production. Cela concerne les 4% ou 5% des Belges les plus riches en termes de patrimoine. Ce ne sont pas du tout les entrepreneurs. Notre proposition améliorera, par contre, la situation de 70% des Belges.”
La création de ces 100.000 emplois, précisent encore les écologistes, ne pourra se faire sans un effort majeur en matière de formation. “Le plus gros frein des entreprises actives dans la transition, c’est qu’elles ne trouvent pas de main-d’œuvre. Nous ne comprenons pas que dans ces filières où il y a une demande massive, on soit dans une telle situation. Actiris ou le Forem, on ose le dire, doivent faire mieux! On doit cibler davantage les formations. Les conservateurs vous diront que l’on doit punir les chômeurs. Nous pensons le contraire: on doit donner du sens à la carrière et encourager les projets positifs. Et même permettre le droit à la démission en ayant l’accès aux allocations de chômage: cela donne la possibilité à ceux qui le souhaitent de changer de carrière professionnelle pour se former à un métier en pénurie. C’est humain et normal de pouvoir le faire.”
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