Comment la zone euro s’est renforcée en 2012

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2012 aura encore été une année de tensions en zone euro. Les Européens sont quand même parvenus à surmonter certains de leurs désaccords et à poser les fondations d’une union plus solidaire et vertueuse. Mais la route est encore longue avant la sortie de crise.

2012 aura encore été une année de tensions, de psychodrames et de crises au sein de la zone euro. Mais de sommet en sommet – il y en a eu sept en tout -, les dirigeants européens sont parvenus à surmonter leurs désaccords et à poser les fondations d’une union monétaire plus solidaire, plus vertueuse et plus intégrée, même si la route est encore longue avant la sortie de crise. Ce qu’il faut retenir de cette année qui s’achève et les perspectives pour 2013.

La Grèce confortée dans la zone euro

Le scénario catastrophe d’une sortie de la Grèce de la zone euro, envisagé au début de l’année, s’est aujourd’hui totalement dissipé. Par deux fois cette année, en mars puis en décembre, les créanciers d’Athènes ont accepté, sous la pression des dirigeants de la zone euro, d’effacer une partie de la dette du pays, pour un montant total de près de 130 milliards d’euros. Ces opérations ont permis de réduire l’ardoise grecque de 8% du PIB environ. Comme une récompense inespérée, Standard and Poor’s a relevé de six crans mi-décembre la note de la Grèce, de “défaut sélectif” à “B-“. L’agence de notation salue “la forte détermination” des pays de la zone euro à “préserver l’appartenance” de ce pays à la monnaie unique.

Deuxième élément positif: la mise en place d’un outil de financement à hauteur de 500 millions d’euros par la Banque européenne d’investissement (BEI) permettant de soutenir les exportations grecques, en accordant des garanties aux entreprises à la place des banques commerciales en difficulté. Cet outil devrait servir de bouée aux entreprises grecques étranglées par l’absence de liquidités. Troisième signe de normalisation, la BCE va accepter de nouveau des banques qu’elles déposent en garantie auprès d’elle des titres de dette émis par la Grèce, après le rapport positif de la troïka sur les réformes menées par le pays. “Il y a un net changement dans la perception” internationale de la Grèce, estime l’économiste en chef de la banque Eurobank, Platon Monokroussos. “La Grèce a une chance maintenant”.

2013 sera quand même une année très difficile pour la Grèce qui va devoir mettre en oeuvre un paquet d’austérité budgétaire important de 9 milliards d’économie, alors que le pays devrait connaître une sixième année de récession. Et la question de la dette est loin d’être réglée: pour rendre ses remboursements vraiment soutenables, la Grèce doit réduire sa dette de près de 50 points de PIB. Autrement dit, le pays aura besoin d’un nouvel effacement de sa dette. Et la prochaine fois, ce sont les Etats – et non pas les investisseurs privés – qui risquent d’être mis à contribution.

Des banques sous le contrôle de la BCE

L’idée d’une supervision bancaire, première étape d’une union bancaire, s’est imposée lors du sommet européen de juin. Objectif: mettre la zone euro à l’abri d’une nouvelle crise bancaire dangereuse pour la croissance et éviter que les Etats soient obligés de s’endetter pour sauver leurs banques. Les régulateurs nationaux ayant fait la preuve de leurs insuffisances, la solution semble passer par une surveillance des banques par la BCE. Cette supervision ouvrant alors la voie à une recapitalisation des établissements en difficulté auprès d’un guichet de l’UE. Mais la mise en route rapide de ce projet va se heurter aux réticences de l’Allemagne et de pays extérieurs à la zone euro. En ce sens, le compromis trouvé en décembre constitue un vrai pas en avant. Mais il y a des conditions.

Berlin, qui ne voulait pas entendre parler de recapitalisation directe pour les banques ayant fauté dans le passé, obtient que le mécanisme de supervision ne soit lancé que le 1er mars 2014. Elle obtient également que seules les plus grandes banques de chaque pays soient supervisées par la BCE, les autres restant sous l’oeil des régulateurs nationaux, sauf “circonstances particulières”. Quant aux Etats, qui, comme la Grande-Bretagne, veulent rester à l’écart du système, ils se voient quand même attribuer un droit de regard sur les règlementations qui pourraient les impacter. Ce compromis comporte donc des zones floues qu’il faudra lever.

La supervision n’est qu’un mécanisme de prévention. Pour que l’Union bancaire, véritablement à même de rassurer tout le monde, soit complète, il faudra encore ajouter un mécanisme de gestion des crises et de renflouement ainsi qu’un système de garantie des dépôts. Ce qui suppose que les États abandonnent de nouvelles prérogatives et qu’ils acceptent de mutualiser les dettes bancaires. Les négociations avec Berlin vont être rudes.

Un nouveau pare-feu qui pose question

S’il fallait résumer cette année écoulée, on pourrait se contenter de trois lettres: MES. Décidé en mars en pleine crise de la dette grecque, le mécanisme européen de stabilité a été inauguré début octobre. Tout comme son prédécesseur le FESF, le MES est un fonds de secours destiné à lutter contre la crise de la dette en Europe. Grâce à son intervention sur les marchés obligataires, il doit permettre de faire baisser les taux d’intérêt des pays les plus fragiles. En achetant de la dette d’Etat sur le marché primaire et sur le marché secondaire. Le MES pourra aussi lever de l’argent sur les marchés afin de le prêter à des taux bonifiés aux pays en difficulté et, à partir de 2013, recapitaliser les banques en difficulté sans passer par les Etats, afin d’éviter d’alourdir la dette de ces derniers. Le MES est programmé pour avoir une capacité de prêts de 500 milliards d’euros en 2014. Ajouté au FESF, cela représente une force de frappe de 700 milliards d’euros, ce qui est a priori suffisant pour éviter une défaillance de l’Espagne, mais pas de l’Italie. Néanmoins, combiné à l’action de la BCE qui s’est dit prête à racheter sans limite la dette à court terme des pays en difficulté, le MES peut faire beaucoup de bien à la zone euro.

La BCE et Super Mario en première ligne

La crise bancaire et la crise des dettes souveraines ont forcé la BCE à sortir de son rôle historique centré sur la lutte contre l’inflation pour endosser celui de défenseur n°1 de la zone euro. Elle a d’ailleurs son mot à dire dans tous les dispositifs anticrise. L’aura du nouveau président, Mario Draghi, a d’ailleurs rapidement grossi car il est allé encore plus loin que son prédécesseur, Jean-Claude Trichet. Si ce dernier a initié en 2010 les rachats de dettes d’Etats en difficulté par la BCE, Super Mario, lui, a annoncé fin août qu’ils pourraient être illimités. Un détail qui change tout face aux spéculateurs tentés de jouer à la baisse sur les obligations des pays de la zone euro. Car ils ne savent qu’ils ne sont pas de taille face à un adversaire aux moyens illimités. Une telle ” révolution copernicienne ” n’était pas évidente face à l’hostilité de l’Allemagne. Ce qui explique d’ailleurs les conditions posées à ces rachats illimités.

D’une part, ils ne concernent potentiellement que des titres de maturités de moins de 3 ans. Et surtout, ils sont conditionnés à une demande officielle des Etats qui doivent proposer en échange des mesures d’austérité. Histoire de ne pas inciter les gouvernements à relâcher leurs efforts. Enfin, contrairement à la Fed, son homologue américaine, la BCE se refuse à financer ces rachats en faisant tourner la planche à billets. Elle les neutralise dans ses comptes. Elle ne perd donc pas de vue la priorité de son combat contre l’inflation. De même qu’elle ne fait toujours rien pour agir sur le taux de change de l’euro, dont le niveau élevé est considéré par certains comme le handicap n°1 de la zone euro. En attendant, ce sont bien les décisions de la BCE qui ont initié le retour de la confiance sur les marchés européens…

Le défi de la croissance

La zone euro a replongé en récession cette année (-0,4% cette année). Elle devrait en sortir l’an prochain, mais la croissance restera au point mort (+0,1%), selon les prévisions de la Commission européenne. En cause: une demande intérieure atone, bridée par le désendettement en cours dans la plupart des Etats membres. Le chômage devrait continuer de croître et culminer à près de 12% l’an prochain. En dépit de ces sombres prévisions, Bruxelles ne dévie de sa politique de redressement des finances publiques: l’objectif de réduction des déficits publics à 3% du PIB en 2013 reste la règle pour tous les Etats membres, à l’exception de l’Espagne et de la Grèce. Mais d’autres pays devraient connaître des dérapages budgétaires, au premier rang desquels la France, en raison du manque de croissance. “La stratégie bruxelloise d’un retour rapide et brutal à des finances publiques équilibrées va conduire la zone euro dans un nouvel épisode récessif en 2013, aggravant la situation sur le front du chômage et de la pauvreté, estime Eric Heyer, économiste à l’OFCE. Une autre stratégie est possible et souhaitable: elle consiste à programmer et limiter l’effort d’austérité annuel à 0,5 point de PIB dans l’ensemble des pays européens jusqu’à ce que le déficit public ou la dette publique atteigne son objectif.” La Commission européenne acceptera-t-elle de bouger les lignes? Réponse en 2013.

Yves Adaken et Emilie Lévêque

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