Chômage et indexation : le Conseil supérieur de l’emploi ouvre une voie royale à une grande réforme du travail
C’est une petite révolution que vient de lâcher le Conseil supérieur de l’emploi. Car pour la première fois, il remet ouvertement en cause les allocations de chômage illimitées dans le temps. Il ouvre aussi la voie à une réforme de l’indexation automatique des salaires. Bref, du pain béni pour une future coalition Arizona. Notons toutefois que le rapport du CSE n’a pas fait l’unanimité. C’est une première aussi.
Le constat est le même depuis des années. Le taux d’emploi en Belgique est trop bas, au regard de la moyenne européenne : 72,1% contre 75,3%. Avec de grandes disparités entre les régions : 76,8% en Flandre, contre 65% environ en Wallonie et en Région bruxelloise.
Les années 2021 et 2022, de la relance post-covid, ont été de très bons crus en termes de création d’emplois, avec 100.000 jobs créés pour atteindre, c’est une première, plus de 5.000.000 de personnes sur le marché de l’emploi en 2023. Mais l’année dernière, notre pays est retombé au niveau pré-covid, avec 41.000 emplois créés. Pas de quoi rattraper notre retard avec nos voisins.
Le mal belge est connu : une difficulté de recrutements, un manque de main-d’œuvre dans certains secteurs et des incitants insuffisants pour rejoindre le marché du travail. Le chômage de longue durée est trop important au sud du pays : il n’y a pas assez de différence entre travailler et ne pas travailler. L’autre volet, qui concerne tout le pays, se situe au niveau des malades de longue durée, deux fois plus nombreux que le nombre de chômeurs indemnisés.
Limitation des allocations de chômage dans le temps
Dans ses recommandations, voici le passage du rapport qui a suscité la division du CSE, provoquant certaines abstentions, voire oppositions : “Le système de chômage est un dispositif d’assurance faisant partie de la sécurité sociale dont le rôle est de garantir un revenu de remplacement aux demandeurs d’emploi ; il n’est pas un dispositif d’assistance. Les personnes qui ne sont pas (ou plus) en recherche d’emploi ne devraient pas en dépendre.”
Mais le CSE, à la majorité, fait bien la recommandation suivante : “Une majorité de membres au sein du Conseil sont d’avis que le paramétrage de ce dispositif (en particulier concernant la durée d’indemnisation, qui est une spécificité du système belge) peut être amélioré pour renforcer et augmenter la transparence des incitants au travail. Toute réforme qui aurait un effet sur la durée d’indemnisation ne pourrait toutefois en aucun cas conduire à une augmentation du risque de pauvreté pour les personnes impactées. »
En d’autres termes, ceux qui ne joueraient pas le jeu seraient exclus du chômage. “C’est désormais au tour du politique de trancher”, a lancé Steven Vanackere, vice-président du Conseil et vice-gouverneur de la Banque nationale de Belgique, et ancien membre du cd&v. Rappelons que la Belgique est le seul pays d’Europe à ne pas limiter les allocations de chômage dans le temps.
Indexation
Dans son rapport, le CSE insiste également pour améliorer l’accompagnement des demandeurs d’emploi et de travailler à la réintégration des malades de longue durée. Pour les peu diplômés, le CSE estime qu’il faut réduire le coût du travail des bas salaires, mettre en place des incitants à travailler plus élevés, et promouvoir des métiers manuels et de la formation continue.
Enfin, concernant l’indexation automatique des salaires et la loi de 1996, le CSE estime que ces deux faces d’une même pièce ne sont pas assez flexibles. Avec la forte indexation automatique des salaires, la marge pour augmenter les salaires a été nulle et le sera probablement encore en 2025 et 2026. De sorte que les pays voisins devraient finir par nous rattraper. Plusieurs années après, toutefois.
Le CSE ne remet pas en cause l’indexation automatique des salaires en tant que telle, mais il estime qu’elle agit aveuglément, “en considérant que chaque entreprise a la même évolution de sa productivité”, commente Steven Vanackere. “Un nouvel équilibre doit être trouvé”, a-t-il plaidé.
La productivité, qui a toujours été un marqueur de l’économie belge, tend à diminuer avec la forte augmentation des coûts salariaux. L’indexation automatique des salaires a ce désavantage qu’elle emprisonne des personnes dans des secteurs et des entreprises peu porteurs, forcément au détriment de secteurs plus productifs.
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