Ces banques qui mettent en péril le triple A français

Cela a beau être désormais admis par tous les pays, la recapitalisation des banques est en train de virer au casse-tête. Comment la France peut-elle conserver son triple A tout en préservant ses banques ? Eléments de réponse.
Ce qui était un secret de polichinelle est enfin reconnu par tous, les banques européennes ont besoin d’argent frais pour se recapitaliser. Même la France a fini par l’admettre, après l’affaire Dexia, qui en a été est la douloureuse démonstration. Mais face aux menaces de dégradation de la note française par Moody’s, le renflouement des banques est devenu un véritable casse-tête.
De combien les banques françaises ont-elles besoin ?
C’est très difficile à dire car il n’y a pas de niveau absolu de capital adéquat. En effet, aucune banque ne serait parée en cas de défaut de tous les pays d’Europe. Tout dépendra donc de ce que vont demander les gouvernements et l’Union européenne. Le niveau de fonds propres requis pour chaque type d’établissement bancaire devra être déterminé minutieusement en fonction du profil de risque. Ensuite les nouveaux stress tests devront établir des scénarios de croissance en Europe plus ou moins pessimistes, ainsi que le niveau défaut des pays européens les plus à risques.
Certains instituts d’étude se sont déjà prêtés à l’exercice. Selon Natixis, si la Grèce faisait défaut sur 50% de sa dette, que les titres de l’Italie, de l’Espagne et du Portugal affichaient une décote de 30%, et que le taux de défaut des ménages et des entreprises progressait de 0,3 et 1%, les banques françaises auraient besoin de 32 milliards d’euros de capitaux supplémentaires. Goldman Sachs, qui s’est basé sur des scenarios plus pessimistes encore, anticipe pour sa part un besoin de 40 milliards d’euros pour les établissements hexagonaux (298 milliards pour l’ensemble des établissements européens). Dans tous les cas, BNP risque d’être la banque la plus concernée, suivie de près par la Société Générale et BPCE.
La recapitalisation peut-elle peser sur le triple A français ?
Le précieux talisman financier n’est plus à l’abri de la suspicion croissante des agences de notation. Ce mardi, Moody’s a averti le gouvernement qu’elle se donnait trois mois pour mettre la dette française sous surveillance négative.
La perspective d’une recapitalisation des banques n’est évidemment pas étrangère à cette annonce. L’agence de notation a en effet clairement indiqué qu’une intervention publique dans le système bancaire français serait l’un des éléments qu’elle prendrait en compte pour évaluer la perspective de la note de la France. « Le message de Moody’s revient à dire que la France ne peut pas aider son secteur bancaire », estime ainsi Alex Koagne, analyste financier chez Natixis, auprès de l’AFP.
Outre la menace qui plane sur le « triple A » de la France, ce sont les banques françaises qui risquent de voir leur note se détériorer, avec pour conséquence un nouveau renchérissement des coûts de financement. Fitch a placé jeudi dernier sous surveillance négative les notes de crédit long terme de BNP Paribas, du Crédit agricole et du Crédit mutuel. Le lendemain Standard & Poors a été plus loin en dégradant BNP.
Quel est donc le meilleur moyen de les recapitaliser ?
Théoriquement trois possibilités existent : la cession d’actifs, l’augmentation de capital ou l’injection au capital de fonds publics. Pour l’heure, les trois grandes banques françaises ont commencé à vendre des actifs pour réduire la taille de leur bilan. Problème, si tous les établissements de la zone euro mettent en vente leurs actifs pourris ou bijoux de famille, le marché sera vite saturé. Cela sans compter sur le fait qu’il sera difficile de trouver des acquéreurs prêts à investir dans le secteur en cette période de crise.
L’augmentation de capital elle aussi semble compromise, les investisseurs ayant en effet perdu toute confiance en les banques. Le gouvernement français a beau garantir qu’il fera tout pour que les banques se recapitalisent par elles-mêmes, notamment en faisant appel à leurs actionnaires, la chute des cours de Bourse a plutôt tendance à démontrer le contraire.
Si comme le croient la plupart des économistes, les banques sont obligées de recourir aux aides d’Etat, plusieurs hypothèses sont possibles. Comme en 2008, l’Etat pourrait entrer au capital des banques par le biais d’actions préférentielles. Contrairement aux actions classiques, ce système permet à l’Etat de se rémunérer sur ces titres, avec des taux d’intérêts qui peuvent être très rémunérateurs. Toutefois, il sous-entend une contribution directe de l’argent public au capital des banques, ce qui peut avoir pour conséquence d’alourdir la dette française.
C’est pourquoi certaines voix prônent l’utilisation du fonds de secours européen, le FESF, qui ne suppose qu’une garantie par l’Etat des fonds alloués. Un scénario qui pourrait coûter un peu moins cher au contribuable français, et qui » aurait surtout le mérite d’apporter aux marchés un témoignage de la solidarité politique entre les Etats européens et de soulager la pression sur les Etats périphériques », estime Benoit de Broissia, analyste chez KBL Richelieu. S’alignant sur la position de l’Allemagne, Paris a exclu la semaine dernière de recourir au FESF pour aider les banques. Pas sûr que cette position soit tenable sur du long terme…
Julie de la Brosse, L’Expansion.com