Revoilà les menaces de mise sous tutelle : le nouveau coup de pression financier et politique sur Bruxelles
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
Hier après-midi, la banque Belfius a indiqué au gouvernement bruxellois réduire sa ligne de crédit de trésorerie. Pas de quoi bouleverser les finances de la Région, mais un nouveau signal en direction du monde politique : il est temps de former un gouvernement. Certains agitent à nouveau le spectre d’une mise sous tutelle de Bruxelles.
Belfius a donc réduit sa ligne de trésorerie de 500 à 200 millions d’euros, a annoncé jeudi le ministre bruxellois du Budget, Sven Gatz (Open VLD). À l’instar de ce qui s’est passé en Wallonie, la banque réduit ses risques financiers, en vue de respecter des normes plus strictes, suite à la crise bancaire de 2008. Miser sur des pouvoirs publics surendettés n’est pas ce qui a de plus sûr.
Néanmoins, il ne faut pas surinterpréter ce mouvement. La Région bruxelloise utilise très peu cette ligne de crédit et se finance sur les marchés à un taux qui est encore très raisonnable. La question, c’est pour combien de temps ? Faute de gouvernement, impossible de prendre des réformes structurelles et de retrouver une trajectoire budgétaire viable. Rappelons que sans gouvernement, l’application des douzièmes provisoires réitère le budget de 2024, à savoir un déficit d’au moins 1,3 milliard d’euros sur un budget de 7 milliards. Peut-être même davantage, avec les dépenses supplémentaires liées aux primes Renolution.
L’épée de Damoclès
L’agence S&P analysera bientôt le dossier bruxellois en vue de remettre une note pour le mois de juin. En mars dernier, l’agence de notation l’avait dégradée de AA- à A+ en maintenant toutefois une perspective stable. La Cour des comptes, dans son rapport de novembre dernier, estimait qu’il s’agissait d’une forme de sursis, expliquant que cette perspective stable anticipait “une amélioration des performances budgétaires (…) à la suite des élections régionales de juin 2024”. Il n’en est rien.
Au Parlement, lundi, Sven Gatz tirait déjà la sonnette d’alarme : “Si un nouveau gouvernement ne parvient pas à faire des choix clairs en matière de réformes, d’économies et de recettes, une dégradation de la note par Standard & Poors est imminente. Bruxelles serait alors rétrogradée à la situation de la Région wallonne. Le recours à l’emprunt deviendrait alors plus coûteux et désastreux. Les charges d’intérêt augmenteraient de plusieurs dizaines de millions.”
La charge sur la dette pourrait passer à 548 millions d’euros d’ici la fin de la législature contre 335 millions d’euros en 2024, ce qui en ferait le troisième poste de dépenses le plus élevé de la Région.
Tutelle financière
“Si on ne veut pas que Bruxelles rime avec tutelle, il est grand temps que la classe politique bruxelloise prenne ses responsabilités, car il est minuit moins une”, a averti Georges-Louis Bouchez, ce jeudi, à la Chambre. “La gauche bloque institutionnellement une Région confrontée à de graves difficultés“, a-t-il lancé dans une nouvelle diatribe.
Les menaces de tutelle politique se multiplient ces derniers jours en raison du blocage complet des négociations, qui devrait d’ailleurs mener à la démission du formateur, David Leisterh (MR), ce vendredi. Rappelons qu’une tutelle politique est impossible dans la configuration actuelle. Parce que cela nécessiterait de modifier la Constitution et donc une 7e réforme de l’État.
Une mise sous tutelle financière relève moins du fantasme. Une dégradation de la note bruxelloise pourrait créer des conditions d’emprunt plus compliquées. Les banques pourraient refuser de prêter, comme ce fut le cas pour certaines communes wallonnes, il y a quelques semaines, nécessitant l’action de la Région, qui, en retour, a exigé des réformes. Si Bruxelles connaissait des difficultés à emprunter, elle devrait se tourner vers un autre niveau de pouvoir qui pourrait, à son tour, imposer des conditions. Mais cela reste très hypothétique, à ce stade.
Fonds Beliris
Ce qui est beaucoup plus concret, c’est le levier actuel du pouvoir fédéral : le fonds Beliris. Il s’agit d’un fonds fédéral qui cofinance des projets d’envergure dans la capitale. Ils concernent la mobilité, le développement d’infrastructures ou encore le patrimoine. Songeons, par exemple, à la future ligne 3 du métro ou la restauration des parcs de Forest, du Cinquantenaire, Duden et Jupiter. Pour 2023-2024, on parlait quand même d’une enveloppe non négligeable de 771 millions d’euros.
Or l’accord de gouvernement Arizona a clairement Beliris dans le viseur. Notamment par rapport à ses missions : “Le gouvernement veillera à ce que Beliris concentre ses moyens prioritairement sur des projets autour de la mobilité et des investissements stratégiques de développement sur le territoire bruxellois et qui sont importants pour plusieurs Régions“, est-il écrit dans l’accord. Ce qui veut donc dire que le fonds devra profiter à plusieurs régions.
L’autre changement concerne l’enveloppe : Beliris est alimenté de 125 millions d’euros par an. Selon les premières estimations liées aux tableaux budgétaires de l’Arizona, le fonds pourrait perdre 25 millions de 2026 à 2028, puis de 50 millions d’euros en 2029.
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