Rudi Vervoort (PS) et Svan Gatz (Open Vld), du gouvernement sortant, ont entamé les discussions avec l’agence de notation Standard & Poor’s, ce lundi. L’objectif : éviter une nouvelle dégradation de la note, ce qui compliquerait la capacité de la Région bruxelloise à emprunter. Mais à quel point ?
Ces dernières semaines, les commentaires catastrophistes à l’égard de la situation politique à Bruxelles n’ont pas manqué. Selon le président des Engagés, Yvan Veroegstraete, la Région sautera dans l’inconnu en janvier prochain, à la fin des douzièmes provisoires, avec un risque de ne plus pouvoir se financer.
Selon son homologue du MR, le couperet arriverait même vers “juin-juillet”, suite à la dégradation de la note par Standard & Poor’s. Et ensuite ? Une mise sous tutelle financière, prédisent Georges-Louis Bouchez et le Premier ministre, Bart De Wever (N-VA).
Dans l’autre sens, le ministre-président sortant, Rudi Vervoort (PS), tentait de relativiser, assez maladroitement, arguant que qu’il ne fallait “pas céder aux oiseaux de mauvais augure” et que Bruxelles restait “solide”.
Une situation financière périlleuse
Sur le plan économique, les avis divergent aussi. Dans le Podcast “Les Clés”, Xavier Debrun, chef du département des études à la Banque nationale de Belgique, compare la situation des finances bruxelloises “à la Grèce de 2010”. Il faut dire qu’avec un endettement de 14,5 milliards d’euros pour des recettes évaluées à 7 milliards d’euros en 2024, le ratio dettes/recettes est de 230%, là où il est de 61% en Flandre.
Mais le pire, avance l’économiste, c’est le niveau déficit, qui est proche de 1,4 milliard d’euros par an, et sa nature : il ne permet plus de faire croître le PIB, mais sert de plus en plus à rembourser les intérêts sur cette dette. 334 millions d’euros en 2024, et bientôt 548 millions d’euros en 2029, selon le CERPE, voire 649 millions d’euros, selon les projections du Bureau du Plan.
Une conséquence relative
Mais qu’entraînerait réellement une dégradation de la note bruxelloise ? Interrogé par nos confrères de Canal Z, l’économiste Bruno Colmant minimise. Une dégradation de la note par Standard & Poor’s “aurait un impact de 0,1 à 0,2% sur les taux d’intérêt”.
Étienne de Callataÿ, interrogé par La Libre, abonde. Une dégradation de la note aurait “un impact de l’ordre de 0,1 à 0,3%“. “Effectivement, on n’en meurt pas, même si c’est quand même très idiot comme dépense”, ajoute le Chief Economist d’Orcadia Asset Management.
Il met toutefois en garde contre l’effet d’emballement. À un moment donné, les marchés perdent confiance. C’est ce qui s’est passé avec la Grèce en 2010 : un élément a déclenché une spirale infernale. Cet élément pourrait être une nouvelle dégradation de la note pour Bruxelles, assure-t-il, même si le risque est faible.
Bruno Colmant relativise. L’analyse des agences de notation se fait toujours dans un cadre global : “Elles ne vont pas laisser tomber la Bruxelles dans un trou. Les agences de notation intègrent toujours les Régions au regard de la Belgique dans sa globalité. Donc, je suis beaucoup moins inquiet que certains.” Le scénario le plus probable, selon l’économiste, est que la note de Bruxelles ne soit pas dégradée, car elle l’a déjà été l’année dernière, de AA– à A+.
Cela reste un cran au-dessus de la note wallonne et deux crans au-dessus de la note de la Fédération Wallonie-Bruxelles.
Un électrochoc extérieur
Dans sa chronique, dans De Standaard, Dave Sinardet déplore qu’une pression extérieure ait autant d’impact sur le sort des négociations. D’autant que ses conséquences sont visiblement limitées.
C’est symptomatique des récentes négociations gouvernementales en Belgique, selon le politologue. L’absence de pression interne est telle qu’on s’invente des éléments extérieurs pour déclencher la prochaine phase de formation.
Cette absence de pression intérieure se traduit par des négociations larvées, où les deux principaux partis – MR et PS – négocient chacun de leur côté plutôt que de se parler.
Aux dernières nouvelles, le PS essaye de former un gouvernement avec Ecolo, avec le soutien du PTB depuis le Parlement. Le MR, lui, doit présenter une note technique à laquelle seuls Les Engagés et DéFI ont visiblement participé.
En attendant, le gouvernement en affaires courantes essaye de ficeler un budget pour rassurer cette même agence de notation. On marche sur la tête.