Bruxelles est en train de décrocher face à la Flandre et la Wallonie

Le ministre-président bruxellois Rudi Vervoort (PS) et le Premier ministre Bart De Wever (N-VA) en mai. BELGA PHOTO JAMES ARTHUR GEKIERE
Baptiste Lambert

Alors que la Flandre et la Wallonie montrent des signes de reprise économique modérée, Bruxelles peine à retrouver son souffle. La capitale affiche, sur la période 2025-2030, une croissance structurellement inférieure aux deux autres régions du pays.

Le constat est sans appel. D’après le rapport Perspectives économiques régionales 2025-2030 publié par le Bureau fédéral du Plan, la Région de Bruxelles-Capitale est engagée dans une trajectoire de croissance structurellement plus faible que celle de la Flandre et de la Wallonie. Entre 2025 et 2030, le produit intérieur brut (PIB) bruxellois progressera en moyenne de 0,8 % par an, contre 1,3 % en Flandre et 1,1 % en Wallonie

Dès 2025, l’écart est visible : la croissance du PIB atteint 1,5 % en Flandre, 1,2 % en Wallonie, mais seulement 0,7 % à Bruxelles. Cette dynamique se répète ensuite d’année en année. En 2026 : 1,3 % en Flandre, 1,1 % en Wallonie, 0,7 % à Bruxelles. En 2027 : 1,1 % en Flandre, 0,9 % en Wallonie, 0,6 % à Bruxelles. Et pour la période 2028-2030, la tendance se confirme : 1,4 % en Flandre, 1,2 % en Wallonie, 0,9 % à Bruxelles en moyenne.

Une industrie en déclin et une construction atone

Plusieurs facteurs expliquent cette sous-performance. D’abord, la contribution de l’industrie et de la construction à la croissance bruxelloise reste nettement inférieure à celle observée dans les deux autres régions. À cela s’ajoute la fermeture d’une grande entreprise industrielle, avec Audi, à Forest, qui impacte durablement l’emploi et la valeur ajoutée de la région.

Autre moteur en panne : le secteur des « crédits et assurances », habituellement un pilier de l’économie bruxelloise. Après un rebond temporaire en 2024 (contribution de 0,5 point au PIB), sa croissance s’essouffle dès 2025, pesant mécaniquement sur l’ensemble de l’activité régionale.

Un emploi sous pression

Le marché du travail suit la même logique. Sur la période 2025-2030, la croissance de l’emploi intérieur bruxellois n’atteindrait que 0,4 % par an, contre 0,9 % en Flandre et 0,8 % en Wallonie.

La croissance de la population d’âge actif ralentit également, notamment à Bruxelles, où le solde migratoire devient négatif à partir de 2026. Le vieillissement de la population est moins marqué qu’en Flandre et en Wallonie, mais la stagnation de la population totale pèse mécaniquement sur les perspectives de croissance.

En outre, le revenu disponible réel par habitant progresse moins rapidement à Bruxelles qu’en Flandre ou en Wallonie entre 2023 et 2025. L’impact de la réforme limitant dans le temps les allocations de chômage est particulièrement marqué dans la capitale, où de nombreux ménages sont directement concernés. Le pouvoir d’achat commencerait à redécoller en 2028, suite à la réforme fiscale.

Finances publiques : Bruxelles reste sur la touche

Alors que la Flandre et la Wallonie verront leur situation budgétaire s’améliorer ou se stabiliser à partir de 2027, Bruxelles dénote encore. Selon les projections, le déficit budgétaire de la Région de Bruxelles-Capitale et de la Commission communautaire commune ne cessera de se creuser, passant de -1,2 milliard d’euros en 2022 à -1,8 milliard en 2030.

Ce décrochage budgétaire est d’autant plus inquiétant qu’il intervient dans un contexte où les plans de relance (wallon et flamand) arrivent à échéance et où les autres entités parviennent à contenir leurs déficits. La Communauté flamande, par exemple, réduit le sien de moitié entre 2024 et 2027. La Wallonie aussi diminue son déficit, notamment grâce à la réduction des dépenses publiques. À Bruxelles, en revanche, la situation ne s’améliore pas, malgré la fin des investissements massifs et l’absence d’un choc économique exogène majeur.

Plusieurs explications se dessinent. D’une part, la faiblesse structurelle de la croissance économique pèse mécaniquement sur les recettes fiscales. D’autre part, les dépenses sociales liées à une population plus jeune et plus précaire restent élevées. Enfin, la régionalisation incomplète de certaines compétences crée des tensions de financement spécifiques à Bruxelles, où coexistent la Région, la COCOM et les commissions communautaires unilingues.

L’éléphant dans la pièce

Le rapport s’abstient de toutes considérations politiques, mais on ne peut constater ce décrochage de la capitale sans évoquer l’absence de gouvernement depuis plus d’un 1 an.

Un gouvernement de plein exercice pourrait tenter, à tout le moins, de corriger certains manquements, de stimuler l’emploi et la croissance, d’encourager la consommation, mais surtout, de contrôler le dérapage des finances publiques.

En tout cas, la faible éclaircie du début de semaine s’est rapidement éteinte. Il n’y a toujours le début d’une négociation à Bruxelles.

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