Bruno Colmant: “On ne mesure pas encore le choc financier auquel nous allons faire face”


L’économiste et académicien analyse la vision politique de Donald Trump visant à délier les Etats-Unis de tous ses engagements. Son système politique est “égoïste et fascisant”. Sa quête d’un dollar faible va provoquer un choc d’envergure, que l’on mesure au prix de l’or, qui explose. Dans notre Trends Talk, Bruno Colmant expose aussi ce qui anime sa frénésie d’expressions.
L’économiste et académicien Bruno Colmant, chroniqueur régulier de Trends Tendances et omniprésent dans les médias, est l’invité de notre Trends Talk, qui passe en boucle ce week-end sur Canal Z. L’occasion pour lui d’exposer en profondeur son regard sur la tempête provoquée en ce début d’année par le président américain, Donald Trump.
Un néolibéralisme débridé
“On a aimé le néolibéralisme, on va désormais adorer sa version la plus aboutie, que j’appelle l’exolibéralisme, c’est-à-dire une économie de marché tout à fait débridée, entame-t-il. Ce que Trump est en train de montrer, c’est qu’il veut délirer les Etats-Unis de tous les engagements qui auraient pu contraindre la prospérité de son pays. Cela veut dire sortir des organismes internationaux, remettre en cause le commerce international et le multilatéralisme. Les Etats-Unis se dépouillent de ces contraintes au profit d’une prospérité qu’on espère pour eux, mais qui se fera au détriment du reste du monde. Donald Trump a réussi par sa seule force de parole à faire s’écrouler les marchés boursiers mondiaux, ce qui veut dire que sa puissance est réelle.”
Bruno Colmant pense qu’il y a une vraie vision derrière l’apparent chaos de ces cent premiers jours. “La vision politique, c’est d’avoir un pays complètement déréglementé, dérégulé, qui ne soit pas engagé vis-à-vis du reste du monde, pour que dans un logique calviniste et protestante, chacun doive donner le meilleur de lui-même pour contribuer à la prospérité individuelle et collective. C’est un bouleversement complet pour le monde puisque la démocratie américaine bascule vers un système politique égoïste au point qu’il pourrait devenir fasciste ou fascisant.”
Les Américains affirment, ce faisant, leur autonomie par rapport à l’Europe et leur absence de contrainte morale vis-à-vis du reste du monde.
Le risque d’un choc financier
Mais les premiers effets de ces annonces erratiques, notamment sur les droits de douane, mettent à mal l’économie et la croissance. Un paradoxe? “Ce n’est pas positif et les Américains vérifient tous les jours que les promesses de Trump ne sont pas tenues en matière d’inflation, acquiesce Bruno Colmant. Mais on sous-estime un attribut des Américains qui est le patriotisme. Quand le président, qui est l’émergence d’un peuple, engage des souffrances pour un avenir qui sera meilleur, les Américains vont se soumettre.”
L’économiste épingle souvent la volonté délibérée d’affaiblir le dollar pour affaiblir les ardoises de la dette. “Les Etats-Unis sont un pays trop endetté, dont l’endettement n’est plus du tout sous contrôle et qui le sera encore moins avec les baisses d’impôt que Trump a promises, argumente-t-il. La dette américaine est essentiellement détenue aux Etats-Unis et pour un quart par le reste du monde. Quand les Américains s’étranglent sous leur propre dette, ils déprécient le dollar.” Il y a eu deux précédents en 1934 avec Roosevelt et en 1971 avec Nixon, rappelle-t-il.
“Ce sont les prémices d’un choc financier que l’on n’a pas encore bien appréhendé, souligne-t-il. L’indice de l’envergure de ce choc à venir, c’est le prix de l’or qui ne réagit pas du tout à l’inflation, mais anticipe des problèmes monétaires.”
Nos libertés menacées
L’académicien évoque aussi longuement la “rupture de confiance” perceptible en Belgique vis-à-vis du gouvernement De Wever.
Qu’est-ce qui fait courir cet intellectuel omniprésent? “L’écriture est avant tout une révolte et l’urgence de transmettre, explique-t-il. Je n’ai jamais aimé la Belgique bien pensante et bourgeoise, contente d’elle-même. Quand on a la chance de pouvoir s’exprimer dans les médias, c’est important d’interpeller. Nous sommes tous des acteurs de changement.”
L’époque est-elle préoccupante? “Les libertés sont menacées. Je pense souvent que nous avons vécu une période extraordinaire de libertés, notamment des minorités et des femmes. On ne rend pas assez hommage à à Elio Di Rupo qui a été l’acteur de ce changement, on l’oublie trop souvent. Nous avions attteint un certain degré d’humanisme, au terme d’une renaissance, qui est aujourd’hui menacée, on le voit clairement aux Etats-Unis.”
Un Trends Talk à ne pas manquer.
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