Bruno Colmant : “L’Europe, échec et mat”

Bruno Colmant, économiste , n’a pas cherché à adoucir son propos. Sur Trends Z, il dresse un constat sans concession de l’accord récemment conclu entre l’Union européenne et les États-Unis. « C’est une capitulation, une humiliation totale pour l’Europe », tranche-t-il. L’accord, qui fixe des droits de douane à 15 %, est certes en deçà des 30 % que l’on redoutait, mais il marque selon lui une nette défaite politique et économique du Vieux Continent.

L’image est symbolique : Ursula von der Leyen se rendant dans un golf privé de Donald Trump en Écosse pour négocier. Une scène qui résume, pour Colmant, le déséquilibre des forces.

Une triple dépendance : militaire, énergétique, économique

L’économiste pointe trois obligations majeures imposées à l’Europe dans cet accord : Les achats militaires aux États-Unis, des engagements énergétiques, notamment via l’importation de gaz naturel liquéfié et un devoir d’investissement outre-Atlantique, incitant les entreprises européennes à délocaliser une partie de leur production. « Ce sont des pans entiers de la production européenne qui vont se délocaliser. C’est un échec complet, et nous n’en sommes qu’au début », alerte Colmant

Le volet énergétique inquiète particulièrement l’économiste. L’arrivée massive de gaz liquéfié américain risque de faire grimper les prix à moyen terme. “Il est évident que quand ce dispositif sera en place, qui sera bien structuré au niveau européen, les prix vont commencer à augmenter. Donc en fait, à ce moment là, ce sera Trump dira vous prenez mes produits ou de nouveaux, j’augmente les droits de douane. Ce qui veut dire que le droit de douane n’est pas figé. C’est un instrument mobile, on va dire en mouvement permanent, qui permet de grader l’intensité des relations entre les deux continents. Donc pour l’Europe, c’est l’accomplissement d’une dépendance complète“.

Mais Bruno Colmant va plus loin : il évoque une zone d’ombre majeure, peu évoquée publiquement, concernant le financement de la dette américaine. “Il y a une autre zone d’ombre dont on ne parle pas mais qui, à mon avis, fera l’objet de discussions, c’est que Trump veut absolument, et c’était dans ses plans d’ailleurs originaux, que la dette publique américaine soit souscrite, soit financée par des pays avec lesquels il négocie des accords commerciaux. Donc je ne serai pas étonné que dans les prochaines semaines, on apprenne que, tout d’un coup, on va devoir financer par nos banques, compagnies d’assurance la dette publique américaine qui est en forte augmentation. »

En filigrane, c’est une partie du tissu industriel européen qui risque de se délocaliser, emportant avec elle des emplois, des investissements et des perspectives de croissance.

Bruno Colmant n’épargne pas non plus l’Union européenne elle-même, incapable selon lui de réagir en bloc. Il observe des réactions très contrastées selon les pays : l’Allemagne semble satisfaite pour son industrie automobile, l’Italie s’en sort correctement dans le secteur alimentaire, tandis que la France se retrouve fragilisée. « Cela montre bien que l’Europe n’est pas intégrée, n’est pas homogène et n’a toujours pas de politique industrielle commune », déplore-t-il.

Même si la Belgique pourrait être moins exposée que la France, les conséquences seront bien réelles : perte de croissance, d’emplois, et accélération de la désindustrialisation. « Ce sont des gains de productivité qui seront captés par les États-Unis à notre détriment » dit-il.

Il conclut son analyse en s’interrogeant sur l’avenir politique européen. Comment Ursula von der Leyen pourra-t-elle terminer son mandat après ce qu’il considère comme un revers majeur ? Ce n’est pas seulement une question d’image ou de leadership : c’est l’idée même d’une Europe forte et souveraine qui vacille sous le poids de cet accord.

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