Baudouin Meunier: “Le ministre de la Santé devra faire preuve d’un grand courage politique”
Spécialiste en management public, auteur de Management public et non marchand, Baudouin Meunier analyse la crise des hôpitaux et les solutions possibles.
TRENDS-TENDANCES. Aurait-on pu mieux préparer les hôpitaux à cette pandémie?
BAUDOUIN MEUNIER. Un des grands outils de gestion publique, c’est l’établissement de scénarios dans lesquels on envisage toutes les hypothèses, y compris les pires. Il n’y a pas eu un tel plan, alors que pas mal de spécialistes évoquaient ce risque pandémique. Quand vous demandez aux hôpitaux de tout arrêter pour privilégier les patients covid alors qu’ils sont financés essentiellement aux admissions et à l’acte, forcément, vous les mettez en difficulté. Il n’y avait pas de plan B. Le gouvernement a prêté de l’argent aux établissements afin qu’ils s’en sortent, mais il doit clarifier cette situation rapidement et transformer ces prêts en dons. Certains hôpitaux sont fortement fragilisés.
Le financement des hôpitaux doit-il être revu en profondeur?
Nous venons d’un système où ils étaient financés à l’acte et à la journée d’hospitalisation. Leur intérêt, c’était que les patients restent le plus longtemps: il fut un temps où certaines familles amenaient les grands-parents en gériatrie pour un check-up à leur départ en vacances et venaient les chercher à leur retour. Pour mettre fin à ces excès du passé, on a donné des signaux dans l’autre sens en incitant les hôpitaux à garder les patients moins longtemps et en passant à une partie forfaitaire. Mais le système est devenu d’une complexité sans nom et le contrôle administratif est énorme. Nous sommes au milieu du gué. Il faut simplifier le système et permettre à l’hôpital d’avoir une lisibilité sur son budget.
Quelles sont les solutions?
Un financement au forfait par rapport à des pathologies donnerait davantage de latitude aux hôpitaux dans leur traitement, leur donnerait davantage d’autonomie et favoriserait l’innovation. Le fonctionnement en réseaux serait une autre source d’amélioration. C’est fondamental. Prenons l’exemple de l’orthopédie: au lieu d’avoir quatre spécialistes par hôpital, il y en aurait 25 dans un réseau de six hôpitaux, qui pourraient se spécialiser: un pour le coude, un autre pour la hanche… Toutes les études montrent que ce serait déterminant pour améliorer la qualité des soins. En ce qui concerne les médecins, cela les amènera à se sur-spécialiser et à chercher le top du top dans leur domaine. Une autre réforme très importante concerne la nomenclature des actes pour les médecins et le fait de ne plus les financer qu’à l’acte intellectuel. Il s’agit d’éviter le grand écart actuel entre les revenus des médecins qui évaluent parfois dans un rapport de un à sept.
Pour tout cela, le ministre en charge devra faire preuve d’un grand courage politique. Maggie De Block (ancienne ministre de la Santé, Open Vld, Ndlr) voyait juste pour ces réformes, même si sa gestion du début de la pandémie a, par ailleurs, été hautement critiquable. Les résistances sont nombreuses, tant dans le chef des socialistes, qui risquent de perdre leur mainmise sur les hôpitaux publics, que des hôpitaux eux-mêmes ou de médecins. Mais cette réforme de fond est indispensable.
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