Avec le développement des “mégacités”, les inconnues de la mobilité de demain

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La technologie apporte beaucoup de solutions pour régler les problèmes des mégacités qui se développent. Mais qui va les payer ? C’est l’une des questions abordées par un forum européen, Urbagora, organisé par le Megacities Institute, et soutenu par “Trends-Tendances”.

Est-ce bien raisonnable ? Les SUV constituent désormais, en Belgique comme en Allemagne, un tiers des ventes de véhicules neufs. ” On se demande, entre collègues des administrations des villes, à quoi bon entretenir des routes, plaisante Michael Münter, head of strategic planning and sustainable mobility de la ville de Stuttgart. Ces dépenses sont peut-être inutiles si tout le monde se met à acheter des véhicules conçus pour rouler en off road. ”

C’est l’un des paradoxes soulevés lors des journées Urbagora organisées dernièrement à Paris, par le Megacities Institute. Cet organisme privé, sans but lucratif, fondé en 2017, étudie les réponses à apporter aux soucis de mobilité des grandes villes en développement. Ses fondateurs sont Allianz, un des premiers assureurs mondiaux, Bosch, un des plus grands équipementier de l’automobile, et le bureau d’études GIPA.

La montée des mégavilles

” Les villes et les métropoles représentent 2 % de la surface planétaire, alors qu’elles accueilleront 70 % de la population mondiale en 2050, contre 5 % en 2015 “, avance Franck Cazenave, président du Megacities Institute, en charge des smart cities pour la France et le Benelux chez Bosch. Bruxelles n’est pas en reste, sa population croît annuellement de 12.000 à 29.000 habitants.

Les villes et les métropoles représentent 2 % de la surface planétaire, alors qu’elles accueilleront 70 % de la population mondiale en 2050.” Franck Cazenave, président du Megacities Institute

Le Megacities Institute publie des études et organise un forum, Urbagora, dont la première édition a eu lieu les 5 et 6 avril derniers à Paris, à la Défense, dans la tour Allianz. Un forum dont Trends-Tendances est l’un des partenaires médias. Voici quelques éléments saillants.

Les réponses sont connues : la voiture autonome, la vogue des transports partagés (vélos, autos, etc.), le développement de la multimodalité, à travers des cartes et abonnements uniques pour accéder à plusieurs types de transport. Certaines sont en oeuvre dans quelques villes, d’autres sont en phase de test.

Qui va payer les mobilités alternatives ?

Parmi les multiples sujets développés lors des conférences d’Urbagora, l’équilibre financier des nouvelles approches de mobilité a été débattu. ” Elles doivent toutes être subsidiées d’une manière ou d’une autre, estime Michael Münter, de la ville de Stuttgart. Surtout s’il y a une infrastructure à financer. C’est le cas des vélos partagés, que nous subsidions, comme d’autres municipalités. Le bike sharing est bon marché pour les utilisateurs, mais cher pour la ville. Nous avons aussi la voiture partagée Car2Go, que nous ne subsidions pas, qui appartient à Daimler et qui perd de l’argent. Le problème se pose aussi pour les bornes de recharge de voitures électriques, la société qui les déploie enregistre des pertes. ” Peut-être qu’un jour, la ville sera invitée à apporter son aide pour maintenir le service.

” Cette situation est à peu près identique pour toutes les villes, poursuit Michael Münter. Pour Stuttgart, qui est une ville assez prospère, des aides publiques sont possibles dans une certaine mesure, mais que peuvent faire alors les villes moins riches ? ”

Les voitures bientôt inassurables ?

Le deuxième thème est l’insouciance dans laquelle on avance sur les terrains des voitures connectées et/ou autonomes. Sur ce point, ce sont les assureurs qui s’inquiètent. ” Les mobilités nouvelles entraînent automatiquement des moyens d’assurance nouveaux “, explique Jacques Richier, CEO d’Allianz France. Or, ” le cyber-risque ne relève plus de la science-fiction : les assureurs connaissent des modèles de voitures dont la prise de contrôle de l’unité centrale est facile et circule sur le Net, avec en conséquence des vols sans effraction, la suppression des identifiants et de la localisation et donc le recel à l’étranger “, ajoute-t-il.

Il distingue deux soucis urgents à affronter : le piratage, qui peut modifier l’intelligence d’une auto ” par malveillance “. Et le risque d’accident en série ” provoqué par un défaut de logiciel “. Il concerne surtout la conduite autonome ou semi-autonome des voitures, où un logiciel ou un capteur défectueux pourrait provoquer des accidents. C’est ” une nouvelle forme de catastrophe dont les effets sont de même envergure que le piratage “. Sans réponse rapide, il existe un vrai risque que les véhicules électriques et autonomes deviennent inassurables en responsabilité civile.

La fin de la mutualisation des risques

Avec le développement des

Franck Cazenave, président du Megacities Institute.

La notion d’assurance pourrait être remise en cause par une technologie fort en vogue : le big data, l’usage de données massives générées en temps réel, ici par les véhicules. ” C’est une révolution pour notre métier, estime François Nédey, membre du comité exécutif d’Allianz France. Il remet en cause la mutualisation du risque, qui est une base de notre métier, car on pourrait avoir une mesure du risque individualisée. Demain, si les pouvoirs publics n’interviennent pas, certaines personnes pourraient fort bien ne pas pouvoir trouver d’assureur. ”

Si les assureurs ont l’art de mettre en avant les soucis potentiels, les technologues sont par nature optimistes. Heiko Carrie, président de Bosch France et Benelux, a fait une liste des réponses que cet équipementier a imaginé, depuis des dispositifs de stationnement automatisés à des capteurs pour mesurer la qualité de l’air. Bosch équipe aussi les constructeurs pour tous les types de motorisation (carburant, électrique).

Le tout électrique ne règle rien

Heiko Carrie a profité d’Urbagora pour défendre un principe de neutralité technologique pour les motorisations. ” Il n’y a pas de réponse énergétique unique aux problèmes de mobilité actuelle et future “, a-t-il expliqué. Le tout électrique ” n’est pas la solution énergétique la plus neutre “, car il faut produire l’électricité, parfois avec des centrales au gaz. Une manière de demander que le cas du diesel soit réexaminé. Il soutient les nouvelles mesures plus sévères d’émission mises en place en Europe. Toutefois, ” sans diesel, les objectifs de limitation de CO2 ne pourront pas être atteints en Europe “, soutient-il. Il promet même un moteur à carburant ” dont l’air rejeté est aussi propre que celui aspiré “, sans polluants. Mais à quel prix ?

Les études de Megacities Institute

En un an, l’association Megacities Institute a déjà publié trois enquêtes :

Un baromètre du bien-être urbain mesurant la perception des conducteurs dans 10 villes européennes. Réalisé en 2017, il plaçait en tête Berlin, et dans les dernières places Lyon, Rome et Moscou. Bruxelles n’était pas intégré dans ce premier classement (3.100 personnes interrogées). Les trois premiers soucis sont la congestion, le stationnement et la pollution.

L’usage des voitures dans 20 villes, dans 10 pays, sur un point particulier : l’autonomie. Où les conducteurs roulent-ils souvent, peu ou jamais pour des trajets de 300 km et plus ? Un point essentiel pour mieux connaître les marchés potentiels des voitures électriques. ” Nous avons interrogé 6.600 personnes, et nous avons constaté qu’avec les 300 km d’autonomie électrique réelle promis par les constructeurs d’ici 2020, cela convient très bien au marché chinois, pas à l’Amérique du Sud, indique Franck Cazenave, président du Megacities Institute. Et en partie à l’Europe. A Paris, 35 % des conducteurs ne font jamais plus de 300 km. ”

Les pollutions urbaines. L’étude a été présentée à Urbagora. Elle porte sur la France (réalisation : Toulouse Business School) en attendant la mise en place d’enquêtes en Allemagne et en Belgique. ” Les mesures de pollution existent, comme Airparif à Paris, poursuit Franck Cazenave. Mais personne ne demande l’avis et la perception de la population face à ce phénomène. On veut comprendre les problèmes en interrogeant les personnes, voir si des technologies peuvent changer la donne. ”

La pollution de l’air est le premier souci environnemental perçu, ex æquo avec les incivilités et la saleté, devant le bruit. La proportion des citoyens estimant ” souffrir beaucoup ” de la pollution de l’air est de 46 % chez les Parisiens et de 30 % pour les provinciaux. Environ 12 % des Français sont prêts à payer quelques euros par mois pour un abonnement à un service d’information en temps réel et localisé sur la pollution. On attend le résultat pour la Belgique…

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