Alors que Donald Trump est dans la provocation, la Chine frappe fort, l’UE patiente et cible ses frappes

Ursula von der Leyen - Photo by Nicolas TUCAT / AFP)
Baptiste Lambert

Le président américain s’amuse des pays qui lui “lèchent le cul”, pleurnichant chez lui pour négocier. La Chine n’en fait certainement pas partie et réplique par un droit de douane tout aussi féroce. L’Europe préfère prendre son temps et choisit ses cibles : soja, volaille, motos, mais pas le bourbon. Chaque stratégie a ses raisons.

Donald Trump avait la langue bien pendue devant ses partisans, hier soir. Il se félicitait des pays qui étaient désormais enclins à négocier, sans les citer. Mais on sait que le Japon se montre désormais ouvert à des discussions, tout comme la Corée du Sud ou Israël, qui est étonnamment aussi visé par des droits de douane. Son Premier ministre, Benyamin Nétanyahou, a été reçu à la Maison-Blanche, hier. En tout, le locataire de la Maison-Blanche aurait entendu une cinquantaine d’États, selon lui.

“Ces pays nous appellent pour nous lécher le cul”, a plaisanté grassement le président américain, lors d’un dîner, devant des représentants républicains. “Ils meurent d’envie d’avoir un accord : ‘S’il vous plaît, s’il vous plaît, monsieur, faites un accord, on fera n’importe quoi pour un accord‘”, a-t-il singé. Donald Trump joue avec son bonheur, sans se rendre compte qu’il met son pays en danger.

Plus loin dans son discours, il a intimé ses partisans à ne pas croire ceux qui affirment que ces droits de douane sont des taxes déguisées pour les Américains. “Je sais ce que je fais, croyez-moi. C’est d’ailleurs pour cela que vous avez voté pour moi. Personne ne négocie comme je négocie.” Le républicain est sûr de ses forces et du bien-fondé de la stratégie de Pete Navarro.

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La riposte chinoise ne s’est pas fait attendre

Ça n’aura pas traîné, bien sûr. Le gouvernement chinois a annoncé cet après-midi qu’il augmentait les droits de douane sur les produits américains à 84%, en représailles aux taxes imposées sur ses exportations par Washington.

Cette taxe entrera en vigueur dès demain. C’est une réponse, œil pour œil, aux 84% de taxes douanières supplémentaires exigées par Trump. Ce qui porte le total à 104% en tout sur les exportations chinoises.

Qui pliera ? Les États-Unis et la Chine se livrent une bataille dont les enjeux vont au-delà de la guerre commerciale douanière. En arrière-plan, c’est une lutte pour la première place qui se joue. Il est fort probable que Donald Trump ne lâche rien contre son plus grand opposant, qui n’en fera rien non plus. Ce qui fait craindre le pire pour toute l’économie mondiale.

L’Europe prend son temps

L’Europe, elle, prend son temps. Avant-hier soir, elle proposait de baisser les taxes douanières à 0% pour tous les biens industriels. Demande rejetée par le locataire de la Maison-Blanche, qui intègre la TVA et les barrières non douanières dans ses calculs (environnementales, sanitaires, etc.) Comprenne qui pourra.

À retardement, l’UE vient à peine de lister les produits qui seront soumis à de nouvelles barrières douanières, suite aux taxes de 25% exercées sur les importations d’acier et d’aluminium. La Commission européenne a choisi ses cibles : les motos, le soja, la volaille, le riz, plusieurs fruits, le bois, certains produits plastiques, électriques ou de maquillage, tout en se disant prête à les suspendre “à tout moment”. C’est quasiment du sur mesure. L’ensemble porte sur une assiette fiscale de 22 milliards d’euros, là où les taxes américaines sur l’acier et l’aluminium pèsent 26 milliards.

C’est à la fois une volonté et une contrainte de la part de l’UE. Attendre que la poussière retombe, ne pas se précipiter et ne pas répondre aussi bêtement que le fait Donald Trump n’est sans doute pas la pire des stratégies.  Ursula von der Leyen, a insisté sur l’importance de limiter les effets secondaires pour l’industrie et les consommateurs européens. Les droits de douane mettront un certain temps à se matérialiser, l’Europe a du temps et peut voir quelle stratégie sont mises en place par les autres pays, moins patients.

C’est aussi une contrainte. Les droits de douane sont une prérogative de la Commission, mais chaque capitale tente évidement de tirer la couverture vers elle : l’Allemagne pour les automobiles, la France pour ses vins et spiritueux, l’Italie et l’Espagne pour leurs biens industriels. C’est ce que représente sans doute le mieux la visite de Georgia Meloni à la Maison-Blanche la semaine prochaine.

Gageons toutefois que Donald Trump y sera beaucoup plus poli.

Pour sa part, l’UE garde en réserve sa mesure “anti-coercition”, qui contraindrait l’arrivée de certains biens et services américains sur le marché unique européen. C’est l’arme ultime avec les droits de douanes sur les services des géants du numérique.

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