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A la place des réductions d’impôts, l’Etat vous envoie des chèques

Lire la chronique de Thierry Afschrift Professeur ordinaire à l'Université libre de Bruxelles.

Une nouvelle mode semble s’instaurer, et pas seulement en Belgique. Au lieu de vous accorder des réductions d’impôts, les gouvernements préfèrent envoyer des “chèques” aux habitants. En pratique, cela ne se présente pas strictement comme un chèque, mais c’est facile à comprendre et c’est une manière de faire croire que c’est l’Etat qui est généreux avec vous.

Donc, le contribuable ne reçoit pas de chèque, mais d’une manière ou d’une autre on lui attribue un montant forfaitaire. C’est là une partie des décisions prises pour compenser l’augmentation énorme des coûts de l’énergie. On nous annonce un chèque de 100 euros mais, en pratique, les fournisseurs d’électricité le déduiront d’office des factures, sans doute à grands renforts de publicité pour l’Etat qui, bien sûr, leur remboursera ce “cadeau”.

La présentation est astucieuse sur le plan marketing pour nos ministres. La réalité est que l’augmentation des prix de l’énergie rapporte des sommes considérables à l’Etat puisque la TVA est calculée, au départ au taux de 21% sur le montant de la facture, laquelle comprend d’ailleurs d’autres taxes et redevances. Par conséquent, plus l’électricité et le gaz sont chers, plus les recettes fiscales sont élevées. L’Etat est donc le premier bénéficiaire belge de ces augmentations de prix.

Le gouvernement n’a corrigé que très partiellement cet effet, puisqu’il n’a décidé de réduire le taux de la TVA de 21 à 6% que pour l’électricité (et non pour le gaz) et seulement pendant quelques mois au printemps quand il fait moins froid et plus clair: on réduit votre facture énergétique quand vous avez un peu moins besoin d’énergie…

Par conséquent, les 100 euros que les contribuables recevront ne sont qu’une toute petite partie des impôts supplémentaires que l’Etat s’accapare grâce à la crise énergétique. Il est tout de même très habile, dans de telles circonstances, de donner l’impression que l’Etat est un saint Nicolas qui vient vous faire des cadeaux, alors qu’il ne fait que vous restituer une part comparativement minime de ce qu’il vous prend de manière contraignante.

Pour faire face à l’augmentation des prix du gaz, majorés de la TVA, les familles n’ont donc droit, sauf lorsqu’elles bénéficient du tarif social, qu’à une maigre compensation de 100 euros. Elles peuvent s’attendre à ce que les prix de cette énergie continuent à être élevés puisque le principal fournisseur, la Russie, n’est pas vraiment en bons termes avec les pays occidentaux et que, grand stratège comme toujours, l’Etat belge se prépare à augmenter la part du gaz dans son mix énergétique, au détriment du nucléaire, dont le coût est beaucoup plus stable.

Le choix d’attribuer le même montant à toutes les familles est évidemment très politique lui aussi. A la différence d’une réduction de la TVA, qui limite les coûts proportionnellement aux consommations, l’attribution d’un montant fixe à chacun a un effet redistributeur. Le gros consommateur, réputé a priori plus “riche” reçoit la même chose que le petit, pour lequel l’Etat contribue par conséquent pour une plus grande part à réduire sa facture énergétique.

On devrait tout de même se rendre compte qu’on ne peut pas mettre de la redistribution partout, à la fois dans les cotisations de sécurité sociale, à l’impôt des personnes physiques et aussi dans les dépenses. Rêve-t-on, dans les sphères gouvernementales, de prévoir des prix différenciés pour l’essence, voire pour le pain, sous prétexte d’encore et toujours redistribuer? Une nouvelle fois, ce sont la démagogie et les procédés clientélistes qui guident les décisions du pouvoir.

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