Donald Trump s’apprête à engranger une somme monstrueuse via ses droits de douane. Mais derrière cette montagne de dollars se cache une mécanique aux effets économiques contrastés et aux promesses budgétaires encore floues.
Jamais les États-Unis n’avaient récolté autant d’argent via les droits de douane. En juillet, les services du Trésor ont collecté près de 30 milliards de dollars en un seul mois. Sur un an, le total pourrait atteindre 360 milliards, pas si loin des recettes générées par l’impôt sur les sociétés (530 milliards d’euros).
Ce boom résulte d’un relèvement rapide et massif des taux douaniers : en six mois, les tarifs moyens sont passés de 2,4 % à plus de 17 %. Une hausse sans précédent depuis les années 1930, motivée par une volonté affichée de rééquilibrer la balance commerciale américaine. À court terme, la stratégie semble porter ses fruits : le déficit commercial s’est réduit, et les importations chinoises ont chuté de 59 %.
Même la presse américaine hostile à Trump reconnait qu’il s’agit de montants considérables. Comme on peut le voir ci-dessous, avec ce graphique du New York Times.

L’hélicoptère monétaire
« Il y a tellement d’argent qui rentre », s’est félicité Donald Trump, évoquant un possible “dividende” versé aux ménages américains. Le sénateur républicain Josh Hawley a déjà proposé l’envoi de chèques de 600 dollars par personne. Une initiative qui rappelle les chèques COVID distribués en 2020. Donald Trump est un habitué de l’hélicoptère monétaire.
Mais cette annonce soulève deux problèmes majeurs : d’une part, le financement reste incertain, car une redistribution de cette ampleur creuserait le déficit fédéral, déjà estimé à 1.400 milliards de dollars pour l’exercice en cours. D’autre part, elle repose sur une confusion entre recettes réelles et promesses d’investissements étrangers — souvent des garanties ou des prêts, et non des transferts liquides.
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Qui paie la facture ?
Contrairement à la rhétorique présidentielle, ce ne sont pas les exportateurs étrangers qui supportent le coût des tarifs. Ce sont bien les entreprises américaines qui s’en acquittent à l’importation, et qui répercutent ensuite tout ou partie du surcoût sur les consommateurs.
Les prix des biens importés à forte valeur ajoutée (électronique, pièces métalliques) sont en hausse, tandis que l’inflation reste supérieure à 3 %, bien au-delà des niveaux européens. En parallèle, plusieurs enseignes comme Walmart ou Procter & Gamble annoncent des hausses de prix à venir.
Une croissance sous pression
L’économie américaine commence déjà à ressentir les effets collatéraux de la politique protectionniste : ralentissement de la consommation, chute des investissements et incertitude. Le PIB réel, corrigé des stocks et des dépenses publiques, n’a crû que de 1,2 % au deuxième trimestre 2025.
Le marché du travail, quant à lui, donne des signes de faiblesse : les créations d’emplois ont été révisées à la baisse, et plusieurs études montrent une prudence accrue des entreprises en matière de recrutements. Le Budget Lab de Yale estime que les tarifs pourraient coûter 0,5 point de croissance cette année et l’an prochain.
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Une stratégie économiquement risquée
Si le trésor douanier semble alléchant, ses effets macroéconomiques posent question. En d’autres termes, l’argent qui entre dans les caisses fédérales est largement compensé par des pertes fiscales induites par une croissance plus faible et une consommation ralentie. « Ce que vous gagnez en recettes douanières, vous le perdez en impôt sur le revenu et en cotisations sociales », résume Ernie Tedeschi, directeur économique du Budget Lab, cité par CNN.
Derrière l’effet d’annonce et les promesses électorales, les arbitrages restent entiers. Utiliser les recettes pour réduire la dette ? Les redistribuer ? Ou simplement combler le déficit ? Rien n’est encore tranché. Mais une certitude émerge : cette manne n’est ni gratuite, ni inépuisable.