Tarifs, financements… Les habits neufs de la SNCB

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Robert Van Apeldoorn
Robert Van Apeldoorn Journaliste Trends-Tendances

Une nouvelle réforme de la SNCB promet des améliorations de service, des tarifs parfois flexibles et quelques moyens supplémentaires, en attendant une possible mise en concurrence. Un contrat de gestion à cinq accents majeurs.

Cette fois sera-t-elle la bonne? La SNCB est entrée dans un nouveau régime depuis début janvier, celui d’un contrat de service public de 10 ans. Il devrait améliorer le service aux voyageurs, promet une série d’engagements, d’améliorations, avec des engagements précis des pouvoirs publics et des objectifs chiffrés, des “KPI” (key performance indicators), qui seront évalués.

Il s’agit d’un document de plus de 300 pages (annexes comprises) annonçant davantage de trains (+10%) roulant plus souvent, plus tard, avec plus de correspondances, plus d’espace pour les vélos à bord, plus de gares accessibles aux PMR et moins de retards.

Gains de productivité

Les pouvoirs publics souhaitent augmenter la part du train dans les déplacements, sujet important pour le ministre fédéral de la Mobilité, Georges Gilkinet (Ecolo), qui a signé le contrat fin décembre. “Nous visons une croissance de 30% en nombre de voyageurs, de 40% de nos recettes”, explique Frédéric Nyssens, head of corporate strategy à la SNCB.

L’Etat fédéral s’engage sur un programme de subsides de compensation de la mission de service public tournant autour du 1,9 milliard d’euros par an (voir tableau ci dessous). La SNCB promet des gains de productivité de 4,5% par an. “Ces subsides financeront en partie la hausse de l’offre”, continue Frédéric Nyssens. Une croissance de l’offre qui devra tout de même encore un peu attendre, en raison de la hausse du coût de l’énergie, puis du télétravail qui a réduit les flux des voyageurs (-10% en 2022 par rapport à 2019).

Depuis 10 ans, il n’y avait plus de contrat de gestion. La situation était devenue confuse ; il fallait donc réformer la réforme.

Ce n’est pas la première fois que la relation entre le gouvernement fédéral et la SNCB est régie par un contrat de ce genre. Depuis plus de 30 ans, ce dernier est supposé “objectiver” les relations de l’entreprise avec les pouvoirs publics, limiter les interventions politiques intempestives, fixer des objectifs de service. La présence à la tête de la structure de managers issus du privé matérialise cette volonté. La CEO Sophie Dutordoir en est un exemple: elle vient du secteur de l’énergie. Mais depuis 10 ans, il n’y avait plus de contrat de gestion. La situation était devenue confuse ; il fallait donc réformer la réforme, et son résultat peut être ici résumé en quelques points.

1. Contrat imposé et contrôlé par l’Europe

Ce sont de nouvelles réglementations ferroviaires européennes, avec l’ouverture des lignes intérieures à la concurrence, qui ont poussé le gouvernement à signer un nouveau type de contrat de gestion en décembre dernier. Le règlement (européen) 1370 rend en effet obligatoire l’établissement d’un tel contrat entre autorités organisatrices de transport et opérateurs ferroviaires fixant les missions et les compensations financières de l’Etat.

Le principe de base de ce règlement 1370 est l’appel d’offres. Mais comme d’autres pays, la Belgique a choisi une disposition qui permet une attribution directe, sans appel d’offres, à l’opérateur public historique, pour 10 ans. Donc jusqu’en 2032.

De son côté, Infrabel, qui gère le réseau ferroviaire, a signé simultanément un contrat de performance, qui a la même finalité que le contrat de service public de la SNCB.

2. Concurrence dans 10 ans ou maintenant?

On le sait, le transport ferroviaire ne relève plus d’un monopole. “Depuis 2019, les lignes intérieures sont ouvertes pour des services en open access, hors missions de service public”, rappelle Frédéric Nyssens. Et sans subsides, donc.

En d’autres termes, n’importe quel transporteur ferroviaire disposant des certifications nécessaires peut lancer des lignes de passagers en Belgique. C’est potentiellement rentable sur des trajets à haute fréquentation tels Bruxelles-Anvers ou Bruxelles-Liège. Mais à partir de 2033, les missions de service public assurées aujourd’hui par la SNCB devraient aussi être soumises à marché public. Et tant l’opérateur historique que d’autres opérateurs pourraient présenter leur candidature. Cela se fait déjà pour les réseaux provinciaux aux Pays-Bas ou ceux des länder en Allemagne.

“L’Etat devra choisir ce qu’il souhaite faire, dit Frédéric Nyssens. Il pourrait diviser le réseau en lots et organiser plusieurs appels d’offres, ou opter pour un appel d’offres sur la totalité.” Le head of corporate strategy estime en effet que les règles européennes actuelles permettront encore au gouvernement une attribution directe, sans appel d’offre, pour une partie du réseau après 2032. “Ou même sur la totalité, mais cela paraît peu probable.” Les conditions seraient alors plus contraignantes pour la SNCB – la Commission y veillerait.

On notera que le gouvernement actuel a déjà prévu de tâter le terrain de l’appel d’offres pour un service public ferroviaire sur une ligne (ou un lot) en Flandre, et une autre en Wallonie. Deux initiatives pilotes pour lesquelles une étude est en cours. Mais qui supposent une mise à jour du cadre législatif, en concertation avec les niveaux des gouvernements régionaux, indique le cabinet du ministre de tutelle, Georges Gilkinet.

3. Des tarifs flexibles surtout à la baisse

Le précédent CEO de la SNCB, Jo Cornu, avait demandé une flexibilité des tarifs. Sophie Dutordoir a fini par l’obtenir… mais dans une certaine limite. Pas question de faire varier tous les prix, le contrat prévoit en effet des tarifs régulés: ticket standard en seconde classe, réductions (seniors, enfants, étudiants, interventions sociales majorées, etc.), avec un dispositif d’indexation (+8,73% en moyenne au 1er février 2023), et des cas de gratuité.

Mais la SNCB pourra aussi proposer d’autres tarifs. “Nous avons négocié une autonomie pour des produits non régulés, dit Frédéric Nyssen. Nous adapterons notre gamme tarifaire, notamment en stimulant les déplacements en heures creuses.”

Dans les faits, les tarifs ne pourraient varier que vers le bas, pour remplir les trains aux heures calmes. Le taux d’occupation et les recettes devraient ainsi augmenter, compenser cette baisse de prix. “La SNCB est l’un des opérateurs qui connaît les plus grandes variations entre les heures creuses et les heures de pointe, note Frédéric Nyssens. Nous voulons augmenter l’attractivité du train.”

4. Un financement assuré, mais…

Un des grands apports du contrat de service public est la vue à long terme qu’il offre à la SNCB, puisque le gouvernement s’est engagé sur 10 ans à la fois en matière d’investissements et de compensation des coûts d’exploitation, avec une amélioration des moyens. Mais un bémol: la SNCB ne bénéficiera pas de hausse pour 2023 et 2024. Les finances publiques sont en effet trop affectées par les conséquences du covid et du conflit ukrainien. La hausse est renvoyée au prochain gouvernement.

“Les compensations sont ce qu’elles sont, l’Etat nous paiera un peu moins les premières années, mais plus par la suite”, assure Frédéric Nyssens. Il y aura donc un rattrapage: la SNCB augmentera son endettement pour compenser ce démarrage lent, “dans les limites autorisées, puis celui-ci devrait diminuer.”

Ce calendrier change des habitudes des dernières années, quand le gouvernement faisait varier sa contribution selon les circonstances. Il lie les prochains gouvernements, même si le contrat prévoit la faculté de modifier les engagements en cours de route dans certaines limites et à condition de respecter le règlement européen 1370.

5. Evaluation régulière

Le contrat de service public prévoit en outre une série de 12 critères d’évaluation des services de la SNCB. Ces key performance indicators seront régulièrement vérifiés, et donneront lieu à des bonus et des malus.

Parmi les critères mesurés: la satisfaction des clients, le nombre de correspondances planifiées et réalisées, les minutes de retard à charge de la SNCB (hors incidents externes), la suppression des trains à charge de l’opérateur, les objectifs de productivité en millions de passagers par km, le niveau d’information des voyageurs, le niveau d’accessibilité des gares, les objectifs d’émissions de CO2, et la ponctualité générale (donc en incluant cette fois les retards dus à des origines externes à l’exploitation). C’est le SPF Mobilité qui, tous les ans, se chargera de l’évaluation du résultat de ces indicateurs de performance.

Cette batterie de critères est nouvelle: les contrats de gestion précédents n’incluaient guère que les retards, selon un mode de calcul assez rudimentaire. Mais les conséquences des évaluations resteront sans doute relatives. D’une part, un indice négatif peut être compensé par un critère positif. Ensuite, leur impact financier annuel sera de maximum 5 millions d’euros, en plus ou en moins. Une somme qui paraît surtout symbolique, même si le malus le plus douloureux pourrait être indirect. “Si on ne réalise pas la trajectoire de recettes ou celle de la productivité, le risque est aussi pour nous”, conclut Frédéric Nyssens.

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