Le Tesla européen du véhicule utilitaire arrive

Camionnettes électriques
Les camionnettes sont également entraînées vers l’électrification. © D.R.
Robert Van Apeldoorn
Robert Van Apeldoorn Journaliste Trends-Tendances

Les camionnettes sont également entraînées vers l’électrification. Une coentreprise entre Renault, Volvo et CGA CGM développe une gamme d’utilitaires légers électriques axés sur la livraison urbaine. Basée sur des logiciels Google et une approche très orientée smartphone.

“L’union fait la force”, estime Luca de Meo, PDG du groupe Renault. Il vient d’inaugurer une coentreprise, Flexis, avec le groupe Volvo (producteur de camions, différent de Volvo Cars) et CGA CGM, le champion français du transport maritime, pour la fabrication d’une nouvelle gamme d’utilitaires légers électriques. C’est pour lui une illustration d’une politique qu’il espère voir se développer dans l’Union européenne afin que son industrie automobile puisse développer une mobilité électrique compétitive face à la concurrence chinoise.

Les véhicules sortiront d’une usine Renault à Sandouville (Normandie) à partir de 2026, qui va recruter 550 personnes supplémentaires. « Ce seront des véhicules uniques, conçus pour la livraison, le last mile delivery, court, de la taille d’un grand Kangoo », dit Luca de Meo, lors d’une conférence de presse, en compagnie des dirigeants des autres actionnaires. « Il tourne aussi court qu’une voiture, car le moteur n’est pas à l’avant. Ce sera le premier véhicule du groupe Renault basé sur le logiciel (software defined vehicule (1)), avec une connexion à un cloud, la possibilité de mise à jour, d’ajouter des fonctions. » Il le présente un peu comme un Tesla de la livraison. La plateforme, sorte de skateboard, pourra être déclinée en différents formats d’utilitaires, dont seules des formes ont été dévoilées.

Des applications comme pour un smartphone

Luca de Meo a présenté ce véhicule comme un smartphone. « Le véhicule sera basé sur un logiciel Google et des puces Qualcomm. C’est un peu comme un Android », poursuit Luca de Meo. « Pour créer ce type d’architecture vous-même, il faudrait 2 000 à 5 000 ingénieurs pour coder cela, mais là, il y a 6 millions de personnes dans le monde qui peuvent coder pour Android. Imaginez le nombre de services que vous pouvez ajouter. » Le cloud sera fourni par Google. Différentes applications pourraient être créées pour optimiser le parcours des livraisons selon les besoins de chaque client et être mises à jour régulièrement. Le véhicule sera équipé d’une batterie de 800 volts, dont la recharge est très rapide (contre 400 volts pour la plupart des voitures électriques).

Un coût total 30% moins élevé

Le marché potentiel est celui des livraisons pour l’e-commerce, mais aussi celui des artisans (électriciens, plombiers, fleuristes, etc.), en particulier dans les villes qui développent, comme Bruxelles, des zones à faibles émissions. Le tarif ? Luca de Meo reconnaît qu’il sera plus élevé que celui des camionnettes à carburant de Renault. « Mais globalement, le coût d’utilisation sera réduit de 30 % par rapport à celui d’un véhicule à carburant. Si vous imaginez qu’une camionnette coûte entre 100 000 et 120 000 euros pour toutes les dépenses qu’elle entraîne : carburant, assurance, réparation, et que vous avez un coût total 30 % inférieur, c’est comme si vous aviez le véhicule gratuitement. » Il a indiqué que la plateforme pourrait devenir la base d’un successeur au Renault Trafic. La famille de véhicules sera commercialisée par Renault, Volvo, sous diverses marques, peut-être de partenaires, comme Nissan. Luca de Meo prévoit qu’une version sera en produit blanc (white label), pour de gros clients souhaitant adapter des véhicules à leur usage. Le groupe Renault et Volvo Group investissent chacun 300 millions d’euros dans la coentreprise, qui leur confère chacun 45 % des parts. CGA CGM a investi 120 millions d’euros dans l’affaire pour 10 %. Il intervient en tant que client potentiel, avec une flotte de 1 500 fourgons.

CGA CGM et Rodolphe Saadé dans l’aventure

“En tant que compagnie maritime et logistique, nous sommes engagés dans la réduction des émissions de CO2”, déclare Rodolphe Saadé, PDG de CGA CGM, lors de la conférence de presse. “Nous sommes également un opérateur logistique utilisant des véhicules électriques. Nous avons investi 1,5 milliard d’euros dans un fonds pour financer des initiatives de décarbonation dans le transport maritime et la logistique, Pulse ; c’est lui qui investit avec Renault et Volvo.” Il semblait curieux de voir sortir les premiers véhicules en 2026, un délai de développement très court pour le secteur.

La recette du partenariat pour financer la transition

Le groupe Renault développe une stratégie de partenariats tous azimuts. Il a ainsi créé en juillet dernier une entreprise commune avec Geely, Horse, pour y loger le développement des moteurs à carburant. Il a fait la même chose pour son activité de voitures électriques, Ampère, depuis le 1er novembre dernier, avec Nissan et Mitsubishi comme possibles co-actionnaires. Cette approche permet au groupe français d’affronter la masse d’investissements de la transition vers la mobilité électrique sans avoir les moyens d’un BMW ou d’un Mercedes. Le partenariat avec Google et Qualcomm procède de la même méthode.

La coopération face à la concurrence chinoise

Luca de Meo a récemment publié une “Lettre à l’Europe” pour demander une stratégie de compétitivité pour l’industrie européenne, pour la renforcer face à “l’offensive de la concurrence chinoise”. Il propose notamment de créer une sorte d’Airbus de la voiture pour que plusieurs constructeurs puissent s’associer pour développer des petites voitures urbaines électriques à petit prix. Notamment avec des coup de pouce fiscaux. Il souhaite y associer les 200 plus grandes villes, en souhaitant qu’elles attribuent des avantages fiscaux ou d’accès aux petits véhicules y compris les vans électriques ou à hydrogène, pour en encourager l’achat.

(1) Tous les constructeurs s’efforcent de passer à la voiture centrée sur le software (software defined vehicule, SDV), qui fonctionne avec un serveur central, ce qui permet d’améliorer le véhicule tout au long de sa vie par des mises à jour à distance. Jusqu’à présent les voitures recourent à une approche décentralisées, les calculateurs et les softwares sont disséminés fonction par fonction (moteur, ABS, infotainement,…) et sont mis à jour séparément, généralement en concession, généralement des corrections techniques. L’architecture SDV permet d’ajouter des fonctions.

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