La Wallonie fâchée avec l’électrique
La Région wallonne va modifier la fiscalité automobile en 2025 pour l’adapter aux émissions des véhicules et à leur poids. Elle pénalisera les voitures électriques qui ont une autonomie attractive, pas uniquement les modèles premium.
La Région wallonne a eu toutes les peines du monde à revoir sa taxation des automobiles qui devait, depuis une décennie, être adaptée, en la modulant notamment sur les performances environnementales. Le Parlement wallon a fini par voter une mini-réforme début septembre, centrée sur la taxe de mise en circulation (TMC), et non sur la taxe annuelle (taxe de circulation, ou TC), qui entrera en vigueur en juillet 2025.
L’exercice, mené par le ministre Philippe Henry, en charge du Climat, des Infrastructures, de l’Energie et de la Mobilité, n’était pas évident puisqu’il s’agissait de ne pas affecter le revenu global de la taxe, qui s’élève à 135 millions d’euros pour la TMC et à 505 millions pour la TC.
Des voitures moyennes pénalisées
Le résultat est curieux. Alors que tous les pays voisins versent des primes pour encourager l’achat de voitures électriques, encore onéreuses, la Wallonie va, pour un grand nombre d’entre elles, augmenter fortement la taxe de mise en circulation, actuellement bon marché (61,5 euros).
N’imaginez pas que cette pénalisation ne vise que les premium allemandes au-dessus de 60.000 euros. En analysant les chiffres, il apparaît que des véhicules électriques compacts moyens, comme la MG4 de base, vendue 32.285 euros, sera taxée à environ 500 euros pour la TMC à partir de juillet 2025. Il en va de même pour une VW ID.3 de base (548,4 euros).
Seuls des véhicules à autonomie modérée, comme la Dacia Spring ou la Peugeot e-208, se prêtant peu à de longs trajets, continueront à bénéficier d’un tarif plancher favorable. Les modèles à usage urbain, dont l’autonomie réelle se situe sous les 300 km, échappent à la montée de la TMC. Le cas de la Hyundai Kona est symptomatique: la version à petite batterie et petite autonomie payera 55,7 euros, celle avec 484 km de rayon d’action théorique (batterie de 64 kWh) payera 526,6 euros (calculs Febiac). “Assurément pas le meilleur des arguments pour inciter les particuliers à opter pour une voiture électrique”, s’étonne Christophe Dubon, porte-parole de Febiac.
Cas symbolique, la Tesla Model Y, l’auto électrique la plus vendue en Belgique et dans le monde: sa TMC passera à 1.404,5 euros. En revanche, les voitures hybrides seront favorisées alors que la fiscalité des voitures de société (compétence fédérale) les décourage désormais, en raison de leur impact environnemental discuté.
La puissance fait grimper la facture
Ces changements ne concernent pas la taxe de circulation annuelle, qui reste inchangée. Une voiture électrique gardera le tarif minimum actuel de 97,68 euros.
Pourquoi ces hausses? La future TMC ne prendra pas seulement en compte les émissions, elle intégrera aussi le poids du véhicule et sa puissance. L’objectif était de pénaliser les SUV. Une voiture électrique étant lourde et puissante, elle risque davantage une TMC élevée.
En faisant l’exercice d’appliquer la formule complexe de la future TMC, il nous est apparu que c’est surtout la puissance, plus que le poids, qui fait monter le tarif. Or, les véhicules électriques sont souvent dotés de moteurs nettement plus puissants que les ceux à carburant: 204 CV (150 kW) pour une VW ID.3, 170 CV (125 kW) pour le modèle de base de la MG4, et 275 CV pour la Tesla Model Y de base. Aucune puissance moindre n’est commercialisée actuellement pour ces modèles. Peugeot se démarque avec un moteur à partir de 136 CV (100 kW).
Les voitures électriques sont plus lourdes
“Que le poids soit pris en compte est très compréhensible, avance Jean-Marc Ponteville, porte-parole de D’Ieteren Automotive. Mais les voitures électriques sont, avec les batteries, structurellement plus lourdes que celles à carburant. Il leur faut donc des moteurs plus puissants. Cela devrait être mieux pris en compte dans le calcul de la TMC. Il n’y a pas de bonus pour l’achat d’autos électriques en Belgique, mais en phase de démarrage de cette motorisation, il n’est pas indiqué de mettre en place un malus. Surtout que pour l’instant, les particuliers n’achètent guère de voitures électriques.” Ce sont surtout les entreprises qui le font, à travers le leasing, et celles-ci échapperont à cette réforme fiscale wallonne (lire l’encadré).
Les seuls correctifs que le gouvernement a apportés portent sur les familles nombreuses, avec une réduction de 100 euros pour un véhicule par ménage (la Ligue des Familles souhaitait 500 euros), et tarif dégressif pour les véhicules d’occasion, selon l’âge.
Cette réforme curieuse s’ajoute aux atermoiements de la Région wallonne pour l’installation de bornes de recharge. Elle est en retard sur toutes les régions frontalières. Les autoroutes sont insuffisamment équipées, alors que la France, par exemple, a déployé en deux ans des bornes rapides sur toutes les aires de services des autoroutes. Même chose en Allemagne, aux Pays-Bas, en Flandre ou au Luxembourg.
Le gouvernement wallon a enfin créé récemment une cellule de coordination pour que le réseau électrique puisse supporter un réseau de bornes rapides, et règle le problème des décrochages d’onduleurs qui touchent les propriétaires de panneaux solaires. Elle a aussi lancé, en retard sur Bruxelles et la Flandre, un long processus pour multiplier les bornes à vitesse moyenne sur les voies publiques, encore trop rares. Il était temps: cette année, près de 17% des voitures immatriculées dans le pays sont électriques.
La réforme de la TMC wallonne va élever d’un étage la tour de Babel de la fiscalité automobile en Belgique, fédérale pour la TVA ou le statut des voitures de société, régionale pour les taxes de roulage. Ces dernières divergent de plus en plus. La Flandre a choisi de les faire varier avec la puissance et l’émission de CO2. Bruxelles-Capitale la module selon la puissance, qui est le critère historique, mais veut la remplacer par une redevance kilométrique. Elle s’appliquerait aux véhicules des autres Régions et pays, ce qui crée quelques énervements. Et maintenant, la Wallonie sort cette demi-réforme qui ne sera appliquée que lors de la prochaine législature.
Le leasing pas concerné
La nouvelle TMC wallonne ne concernera pas les voitures de leasing (louées) dont relève la plupart des flottes d’entreprise. Les sociétés de leasing sont soumises à une grille nationale unique de taxes de mise en circulation et de circulation pour éviter une concurrence fiscale entre les Régions. Elles payent les taxes à la Région de leur siège social.
Généralement, elles sont installées en Flandre ou à Bruxelles. La Wallonie ne reçoit donc pas les recettes correspondant aux véhicules en leasing utilisées par les Wallons. La perte est évaluée à plus de 30 millions d’euros par an. L’exécutif wallon aimerait renégocier ce dispositif mais les autres Régions ne sont pas intéressées.
A défaut d’une solution globale, le gouvernement souhaite au moins obtenir que les voitures en leasing utilisées par les organisations publiques wallonnes soient domiciliées dans la Région, pour y payer les taxes de roulage.
Voitures électriques
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