La nouvelle vie des gares

Les parkings à vélos sont un élément à améliorer dans de nombreuses gares, comme ici à Gand. © photos pg
Robert Van Apeldoorn
Robert Van Apeldoorn Journaliste Trends-Tendances

Les stations ferroviaires ont de moins en moins de guichets, mais elles devraient proposer de plus en plus de services. Pour les voyageurs comme pour les riverains.

Les problèmes que connaît la gare du Midi à Bruxelles et qui ont fait la une des médias masquent une évolution de ces lieux publics, fort nombreux. Le pays compte 555 gares. Au moment où le transport par rail suscite un nouvel intérêt, ces infrastructures pourraient bénéficier d’un nouvel attrait en proposant des nouveaux services, alors que beaucoup de ces infrastructures semblaient parfois délaissées.

Le reflet de cette évolution se remarque sur le site immobilier de la SNCB. On y trouve des annonces pour des concessions de foodtrucks (à la gare d’Etterbeek), parfois des appels à candidature pour des points de collecte de circuits courts.

La tendance de ces dernières décennies, en Belgique comme ailleurs, était de fermer les gares où les guichets ne voyaient plus grand monde, en raison notamment de l’avènement des automates et des applications. Cette approche centrée sur les coûts n’était pas très populaire, ni auprès des passagers pas plus qu’auprès des élus locaux.

Le virage “La Vie en Gare”

Un virage a été entamé en 2021, lors de l’annonce de la fermeture de 44 salles de guichets, mal accueillies localement. La SNCB a lancé un programme “La Vie en Gare” pour conserver une activité dans ces gares avec des partenaires, et maintenir une salle d’attente et des toilettes. Fermer les guichets ne signifie donc pas forcément fermer le site.

Le campus BeCentral a investi certains des espaces vides de la gare Centrale.
Le campus BeCentral a investi certains des espaces vides de la gare Centrale. © photos pg

“Par exemple à la gare de Jette, en accord avec la commune, la salle des guichets et l’ancien buffet sont utilisés depuis l’an passé comme espaces de réunion ou pour des événements. On peut y boire à certains moments un café ou un verre, et les voyageurs bénéficient encore d’un espace d’attente”, précise Patrice Couchard, directeur de Stations, la direction en charge de la gestion journalière des gares, des bâtiments et terrains de la SNCB, ainsi que des parkings voitures et vélos. Parmi les services développés, il y a aussi des activités de réparation de vélo (à Jambes notamment) et de l’horeca.

On sait aussi qu’à la gare Centrale à Bruxelles, un campus digital a été inauguré, BeCentral, qui exploite certains des espaces libres dont disposait la SNCB. “Nous avions beaucoup d’espaces vides dans ce bâtiment, le développement de BeCentral est un partenariat dont la réussite m’impressionne beaucoup”, poursuit Patrice Couchard. A Bruxelles-Nord, l’espace occupé naguère par l’ancien musée du train sera redéveloppé avec un partenaire pour en faire un centre de conférences.

Editeur et musées dans la station

La politique de la “Vie en Gare” a été étendue à d’autres gares que les 44 stations dont les guichets ont fermé. “A Malines, le musée du jouet va s’installer dans la gare principale de la ville, dans l’espace entre le nouveau parking et la nouvelle gare, ce qui en fait une destination en tant que telle. Dans la gare de Mechelen-Nekkerspoel, qui avait été fermée, un éditeur pour enfants s’est installé.” Les enfants y sont les bienvenus. Même chose à Liège-Guillemins, où une zone d’exposition a été ouverte.

L’objectif est d’offrir une nouvelle vie aux gares, dont les fonctions changent. Par ailleurs, le gouvernement a élargi les services qu’il souhaite voir se développer dans toutes les stations. Le contrat de service public signé fin 2022 entre le gouvernement fédéral et la SNCB va leur donner une importance accrue. Elles verront passer 10% de trains supplémentaires d’ici 10 ans, et 30% de passagers en plus. Les flux dans les gares sont déjà considérables. Ils frôlent les 20 millions de voyageurs par an dans les gares de Bruxelles-Midi, Bruxelles-Central, Bruxelles-Nord ou de Gand-Saint-Pierre, et devraient dépasser ce seuil en 2030.

Centres commerciaux ouverts le dimanche

Les grandes gares sont déjà devenues des centres commerciaux et de services. Bruxelles Midi, malgré les soucis d’insécurité dénoncés par la direction de la SNCB, que les autorités locales cherchent à combattre, a énormément changé en 30 ans. La gare compte plus de 80 concessions, dont un supermarché Carrefour Express qui est l’un des plus performants du pays. Il y aura bientôt moyen d’y faire des prélèvements sanguins, comme c’est déjà le cas à Liège-Guillemins. “Les gares peuvent jouer un rôle local, de lieu de destination, les commerces y sont ouverts le dimanche.”

Pour les gares moyennes et petites, la SNCB espère augmenter l’offre minimale de drink & snack on the go (boisson, sandwich), s’il y a un nombre suffisant de passagers. Sinon l’offre sera au moins fournie par des distributeurs.

Les services en gare font partie de l’attractivité du train que le gouvernement fédéral espère augmenter. Le contrat de service public prévoit des améliorations sur l’accueil des passagers. Un plan d’investissement de 1,8 milliard d’euros sur 10 ans a été lancé. “Le point fondamental est l’accessibilité, qui se base sur quatre critères, dont des quais à 76 cm de hauteur, accessibles de manière autonome par les personnes à mobilité réduite (PMR), via un ascenseur et une rampe”, explique Patrice Couchard. C’est un souci majeur car les gares, souvent plus que centenaires, n’ont pas été conçues pour les PMR. Le contrat de service public prévoit de passer de 98 à 176 gares accessibles d’ici 2032. L’accessibilité autonome des trains prendra plus de temps. “Cela commencera avec la génération du matériel acquis à partir de maintenant.”

© National

Parkings vélos et autos sûrs et garantis, mais payants

Un élément d’attractivité crucial est la multimodalité. Celle des transports en commun est déjà ancienne, celle des vélos doit encore beaucoup s’améliorer pour suivre la croissance de ce type de transport. Les plans d’investissement prévoient de passer à 164.000 places pour les vélos (+ 20.000) d’ici 2032. Le train pourrait devenir plus attractif si les voyageurs pouvaient parquer en toute sûreté leur vélo à la gare de départ. La percée du vélo électrique pourrait se répercuter sur le trafic ferroviaire s’il y a des parkings sécurisés, avec contrôle d’accès, car le coût de ces engins (plus de 2.000 euros pièce) augmente le risque de vols.

Nous construisons systématiquement, dans tous les nouveaux parkings, une zone sécurisée pour vélos, à laquelle on accède avec sa carte Mobib. Mais ça coûte un peu d’argent. On voit que l’adhésion est encore lente, bien que nos études indiquent qu’il y a une demande.” Le tarif annuel de 75 euros (pour les abonnés au train) semble refroidir la demande. “Nous analyserons cela d’ici 12 mois, mais le passage au payant ne semble pas évident. Nous observons tout de même une progression intéressante du vélo sur le train.”

La croissance prévue des parkings pour les voitures est moindre (de 74.600 à 80.000 emplacements d’ici 2032). “L’offre est déjà fort importante, avance Patrice Couchard. Les investissements porteront surtout sur l’amélioration des places de parking existantes, il faut parfois encore construire une dalle de béton, installer plus d’éclairage. Dans le cadre des parkings payants, qui n’est pas le produit le plus populaire de la SNCB, mais nous paraît indispensable pour garantir une place de parking aux abonnés train.” A la gare de Charleroi, par exemple, le tarif est de 35,7 euros pour un mois ou de 1,24 euro par heure (avec un maximum de 7,44 euros sur la journée) pour les voyageurs. “Le subside d’investissement couvre les frais pour aménager les parkings, les sommes facturées représentent le coût d’entretien”, précise le responsable des stations.

Nouvelles gares modulaires

Pour le reste, la SNCB continue à construire de nouvelle gares, adaptées aux attentes actuelles, sur la base d’un concept modulaire, avec des éléments de 8 mètres sur 8, “de verre, de bois et de métal”, détaille Patrice Couchard. Comme la future gare de Visé, celle de Rixensart, de Ciney ou de Waterloo.

Ces reconstructions sont parfois nécessaires car Infrabel modifie l’infrastructure ferroviaire, comme à Waterloo ou Nivelles (pour le réseau RER). Parfois parce que l’ancien bâtiment n’est plus fonctionnel, la SNCB cherche alors à le vendre, et construit une gare plus fonctionnelle à côté.

Quelle est la référence à l’étranger, selon Patrice Couchard? “Nous restons intéressés par le modèle suisse, qui est un exemple comme transporteur ferroviaire mais aussi au niveau de l’activité commerciale animant les gares, lesquelles ont un design sobre et disposent d’une accessibilité bien pensée. Avec un bon mix commercial, une politique d’ouverture vers les localités, pour qui la gare est un peu le magasin du dimanche, et un très haut niveau de standardisation, que nous mettons en place ici.”

© photos pg

La Staytion à Jette

La gare de Jette, à Bruxelles, est un exemple du programme “La Vie en Gare”. La SNCB a recherché des partenaires pour lui donner une nouvelle vie, après la fermeture de son guichet en 2021. Le résultat est le projet Staytion, qui est soutenu par plusieurs partenaires de l’économie locale comme Shop1090, Rayon Vert ou Espaces-Mobilités. Deux espaces ont été aménagés, l’ancienne salle du guichet transformée en café citoyen (avec bières locales) et l’ancien buffet, fermé depuis 20 ans et qui a été aménagé en salle polyvalente. La salle d’attente, toujours accessible aux voyageurs, est utilisée pour des événements.

“Nous testons beaucoup d’activités”, explique Xavier Tackoen, qui dirige Espaces-Mobilités. Parmi les animations figurent un repair café, un coaching mobilité organisé par Bruxelles Environnement, la base d’une parade cycliste pour enfant, ou des activités réunissant des jeunes et des seniors.

www.staytion.be

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