Il n’y aura pas d’Apple Car: pourquoi Apple jette des milliards à la poubelle ?

Apple nourrissait depuis près de dix ans le rêve secret de construire une voiture électrique. Mais après de nombreux rebondissements, Tim Cook a jeté l’éponge cette semaine. Une décision qui signifie des milliards de dollars partis en fumée, mais aussi que l’entreprise mise tout sur l’IA. Récit d’un revirement qui a eu l’effet d’une bombe.

Apple aurait commencé à travailler sur une voiture en 2014. Un projet relativement secret puisqu’il n’avait jamais été confirmé publiquement. Certains parlant même d’un énorme coup de bluff. Selon Bloomberg, près de 2.000 employés du fabricant de l’iPhone travaillaient pourtant sur ce projet baptisé Titan.

Un spectaculaire revirement

En dix ans, on estime que le groupe a dépensé des milliards de dollars de recherche-développement dans ce projet qui était aussi l’un des plus ambitieux du groupe. L’idée était que si les Tesla sont des « smartphones sur roues », pourquoi les fabricants de smartphones ne se lanceraient-ils pas eux-mêmes dans ce secteur très prometteur. Des experts auraient même été recrutés chez BMW, Lamborghini, Porsche ou encore Aston Martin, précise Les Echos.

Si l’intention était claire (créer un produit électronique ultime matérialisé dans une voiture électrique et autonome pilotable par la voix), sa réalisation va vite se transformer en un parcours semé d’embûches. Le projet va connaître 5 patrons en 7 ans. Car les patrons d’Apple vont rapidement se rendre compte que maîtriser les logiciels ne suffit pas. Produire une voiture à relativement grande échelle est particulièrement complexe. L’enquête de The Information (publiée en 2022) revient sur les nombreux problèmes du projet Titan. Les premières estimations parlaient d’une voiture commercialisée à 100.000 dollars dès 2020. En 2024, toujours pas de voiture à l’horizon. Et même si beaucoup pensait encore qu’une Apple Car était toujours prévue à moyen terme (2025 ou 2028), le projet vient donc bel et bien d’être enterré à en croire la note de Tim Cook.

Cette décision constitue une “véritable bombe pour l’entreprise”, commente Bloomberg, car le projet représentait “plusieurs milliards de dollars” et “l’aurait propulsé dans un tout nouveau secteur d’activité ».

IA générative

La marque à la pomme délaisse donc Titan pour se concentrer “sur l’accélération et l’exécution d’une vaste stratégie d’IA générative au sein de l’écosystème Apple”. Une bonne partie des employés qui travaillaient sur le projet Titan y seront d’ailleurs affectés.

Apple n’est pas le seul à se ruer sur l’IA. Les géants de la Tech sont engagés dans une course effrénée au déploiement d’agents d’IA et d’outils de création, Google et Microsoft en tête, suivis par Meta (Facebook, Instagram) pour les réseaux sociaux ou Amazon dans le cloud (informatique à distance). Samsung a de son côté présenté de nouveaux smartphones conçus autour de l’IA. Mais Apple en a jusqu’à présent très peu parlé au-delà des outils d’édition de photos.

Ce revirement spectaculaire est probablement dû en partie à une baisse des ventes du groupe et des perspectives moins riantes en Chine. De quoi rendre les actionnaires nerveux et peu enclin au projet pharaonique dans un secteur sans pitié. Le secteur de la voiture électrique est en effet un marché où la concurrence est de plus en plus sanglante et qui demande des investissements titanesques sur le long terme. C’est aussi un secteur qui est aussi limité par de nombreuses contraintes réglementaires et avec des normes de sécurité très strictes.

A tout cela s’ajoute aussi une demande qui ne progresse pas autant qu’annoncé et des voitures autonomes qui peinent à s’installer.

À maintes reprises, le directeur général d’Apple, Tim Cook, s’est vu poser la même question : Que fait Apple en matière d’intelligence artificielle générative ? Il a toujours répondu : Stay Tuned. Sauf que les investisseurs commencent à perdre patience, selon le Wall Street Journal, car Apple n’a vraiment pas encore fait de grande percée dans le domaine de l’IA, malgré l’arrivée de John Giannandrea de Google en 2018. Si le lancement de Siri en 2011 a fait d’Apple un des premiers produits d’IA axés sur les consommateurs, la société a depuis pris du retard.

La décision d’Apple de déplacer certains employés vers l’IA et d’annuler son projet de voiture électrique a donc été accueillie avec enthousiasme chez les investisseurs. Les actions de l’entreprise ont augmenté d’environ 1 %. Mercredi, Cook s’est à nouveau voulu rassurant lors de l’assemblée annuelle des actionnaires. “Nous voyons également un potentiel de percée incroyable pour l’IA générative, c’est pourquoi nous investissons actuellement de manière significative dans ce domaine.” Apple devrait annoncer de nouvelles fonctionnalités d’IA générative lors de sa conférence annuelle des développeurs généralement tenue en juin.

La question légitime était donc de savoir pourquoi Apple devait continuer à investir dans une industrie aux marges bien plus faibles que les leurs ? Les constructeurs automobiles ne dégagent qu’entre 6 % et 12 % de rentabilité opérationnelle, soit environ trois fois moins que les Gafa. Apple n’a pas non plus besoin de nouveaux investisseurs boursiers, puisqu’elle les a déjà.

Miser sur l’IA plutôt que la voiture électrique semble donc un choix intelligent pour l’avenir. C’est d’autant plus porteur que la fin du projet Titan va plus facilement permettre à son logiciel de navigation CarPlay d’être présent dans un plus grand nombre d’automobiles. Apple n’abandonne donc pas complètement le secteur, mais choisit d’être fournisseur plutôt que constructeur. Car les analystes s’accordent tous pour dire que les logiciels occuperont une part croissante de la valeur des voitures du futur. Une véritable manne qu’il n’est pas question de laisser filer. C’est aussi ce que vise Google avec Waymo ou Amazon qui crée des partenariats avec Stellantis. Sony (Sony Mobility) ou Foxconn (aussi fournisseur d’Apple) continuent eux par contre d’avancer dans l’automobile. Mais pour combien de temps encore ?

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