CO₂ : les amendes record pour les constructeurs automobiles, réalité ou exagération ?
Les constructeurs automobiles européens craignent une amende ultra salée en cas de dérapage sur leur empreinte carbone. Ont-ils raison ou n’est-ce là que du lobbying pour influencer les législateurs ?
Les constructeurs automobiles européens craignent les lourdes sanctions financières prévues pour 2025 si leurs objectifs de réduction des émissions de CO₂ ne sont pas atteints. Ces pénalités sont fixées par la réglementation européenne « CAFE » (Corporate Average Fuel Economy). Celle-ci impose une réduction moyenne de 15 % des émissions de CO₂ des véhicules neufs vendus, avec une amende de 95 euros par gramme de CO₂ excédentaire multiplié par le nombre de véhicules vendus.
Des dizaines de milliards d’euros, vraiment ?
Ces sanctions pourraient atteindre des dizaines de milliards d’euros, selon les estimations des constructeurs. Certains constructeurs, notamment Renault, utilisent ces projections pour plaider en faveur d’un report des amendes ou d’un assouplissement des règles. Ces craintes sont accentuées par le ralentissement des ventes de véhicules électriques en Europe depuis le début de l’année, particulièrement en Allemagne, où les subventions à l’achat ont été brutalement supprimées.
Une baisse des ventes surtout conjoncturelle
Des analystes financiers et experts cité par Les Echos jugent ces prévisions excessivement alarmistes. Premièrement, la baisse serait conjoncturelle. Elle pourrait être compensée dans les mois à venir. En effet, les constructeurs tendent à retarder les livraisons de véhicules électriques avant les échéances réglementaires, pour optimiser leurs performances de réduction d’émissions au début de l’année suivante. Ce phénomène avait déjà été observé en 2019, juste avant la première phase de réduction des émissions en 2020.
Des lancements stratégiques fin 2024-début 2025
Deuxièmement, en prévision des normes de 2025, les constructeurs ont intensifié leurs investissements dans les modèles électriques et hybrides. Les baisses de 15 % d’émissions de CO2 ont été actées en 2018. En six ans, les constructeurs s’y sont préparés. Ils ont adapté leur plan produit en fonction de cette échéance. Ils ont ainsi planifié des lancements stratégiques en fin d’année 2024 et début 2025 pour répondre avec une gamme nouvelle aux attentes du marché tout en atteignant les objectifs réglementaires. Ayant diversifié leur gamme avec des modèles électriques abordables, des groupes comme Stellantis s’opposent même à la suppression des pénalités. Des marques comme Citroën, Hyundai et Renault élargissent eux aussi leur offre de véhicules électriques à des segments plus accessibles, espérant capter une clientèle plus large et maintenir la dynamique de l’électrification.
Troisièmement, les analystes financiers relativisent le montant des pénalités.
La menace réelle des pénalités doit être relativisée
Selon HSBC, le scénario médian prévoirait des amendes de l’ordre de 5 milliards d’euros pour l’ensemble du secteur. Soit bien en deçà des montants avancés par certains constructeurs. L’Institut Mobilités en Transition et l’organisme indépendant ICCT (International Council on Clean Transportation) estiment également que les constructeurs disposent de moyens techniques et de flexibilité réglementaire, comme le recours au « pooling, soit de faire appel à des partenariats pour « mutualiser » leurs émissions avec des marques plus vertueuses, ce qui réduit le risque de sanctions. D’autres leviers pour réduire les émissions incluent la montée en puissance des motorisations hybrides, qui offrent des gains notables en termes de réduction de CO₂ par rapport aux modèles essence.
Du bon travail de lobbyiste ?
Ce contexte favorable aux véhicules hybrides, ainsi que la hausse progressive des ventes de voitures électriques, laisse penser que les objectifs de 2025 sont atteignables pour de nombreux constructeurs. Une confiance encore alimentée par les discours relativement rassurants adressés aux marchés financiers par les constructeurs. Tout cela fait que malgré un contexte de marché et un soutien politique parfois fluctuants, les prévisions alarmistes de sanctions devraient donc beaucoup à du simple lobbying de la part de certains constructeurs. Selon Jean-Philippe Hermine, le directeur général de l’Institut Mobilités en transition français, toujours dans Les Echos, « A l’exception du Groupe Volkswagen, aucun constructeur n’est réellement en risque de payer une amende en 2025. »
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