Pierre-Henri Thomas
Bruxelles : une taxe qui dépasse les bornes
L’idée de taxer les opérateurs de bornes électriques alors que le réseau n’en est qu’à ses débuts pose questions.
La voiture électrique commence à peine à apparaître dans le parc automobile belge – il y aura 200.000 véhicules de ce type fin de l’année, sur un parc automobile de 6 millions de voitures – que déjà, ce que certains appellent « la rage taxatoire » tombe dessus.
Ce mercredi, nos confrères de L’Echo annoncent que la Conférence des bourgmestres des communes de la Région bruxelloise « devrait en principe se mettre d’accord sur un règlement-taxe commun avec un montant identique dans les 19 communes sur les bornes électriques ». Un réseau qui apparaît à peine : il y a, nous dit le site de Bruxelles environnement, 2.500 bornes dans les 19 communes, mais l’objectif est d’en avoir 22.000 en 2035.
Attention à ne pas confondre. Cette nouvelle taxe (ou en tout cas son projet) n’est pas le « tarif de rotation » décidé en juin dernier.
Les bourgmestres bruxellois ont en effet décidé d’un « tarif de rotation » sur les bornes électriques, pour éviter qu’un automobiliste n’occupe tout un week-end un emplacement sous prétexte de recharger sa voiture. La mesure semble logique et d’ailleurs, confie le cabinet du ministre Alain Maron, elle ne devrait dans l’idéal rien rapporter puisqu’il s’agit d’inciter l’automobiliste à laisser la place libre une fois qu’il a rechargé son véhicule.
Mais la seconde taxe en gestation est d’une autre nature : elle consiste tout simplement à taxer les opérateurs de bornes de recharge. On voit ce qui peut pousser à agir de la sorte. Une taxe, pour des communes désargentées, c’est toujours bon. Et c’est d’autant meilleur si elle permet de se positionner en défenseur des riverains qui rechignent à voir pousser des bornes devant chez eux (c’est le syndrome Nimby, not in my backyard, pas dans mon jardin).
Mais on s’interroge. Est-ce vraiment une bonne idée ? Est-ce que cette mesure donne le bon incitant alors que la région (et plus largement le pays) souffre déjà d’un déficit à ce niveau, alors que l’on sait que les gestionnaires répercuteront l’impôt sur le consommateur et alors que l’on cherche à décarboner de la manière la plus douce possible le parc automobile ? Car finalement, pour que le citoyen consente à l’impôt, il faut qu’il en comprenne l’utilité.
Or, les pouvoirs publics bruxellois semblent se comporter ici de manière presque addictive : une nouvelle activité apparaît, cherchons à la taxer. Mais est-ce que cela va vraiment aider à décarboner le parc automobile bruxellois ?
Paradoxalement, la Région wallonne avait commis l’erreur exactement inverse il y a une dizaine d’années lorsqu’elle avait donné, les yeux fermés, des centaines de millions de subsides via des certificats verts pour inciter les Wallons à installer des panneaux photovoltaïques. C’était de l’argent public gaspillé car il avait ciblé des ménages plutôt aisés. On aurait pu décarboner l’économie wallonne dix fois, cent fois mieux en utilisant cet argent autrement.
Hier, l’économiste Estelle Cantillon, professeure à l’ULB, qui présidera le 25e congrès des économistes qui se tiendra à Charleroi le 16 novembre, soulignait qu’un des défis pour arriver à la décarbonation de notre économie était d’améliorer l’efficacité des politiques publiques pour réduire au maximum le coût de la transition. Un autre défi, disait-elle, était d’assurer une bonne coordination des politiques publiques car la transition énergétique se décide à divers niveaux de pouvoirs (Europe, Fédéral, Régional ….). Eh bien, ce n’est pas gagné.
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