Bornes à domicile: les 5 étapes d’une installation
La meilleure expérience de la voiture électrique passe par la recharge à la maison, quand elle est possible. Elle n’est pas bon marché, surtout si elle s’opère avec une borne intelligente, mais c’est la solution la plus pratique.
En se promenant en périphérie des villes, dans les campagnes, il n’est plus rare de voir des bornes sur les emplacements de parking des maisons. Leur nombre n’est pas répertorié, mais en appliquant la métrique utilisée aux Pays-Bas, où la moitié des voitures électriques chargent à domicile, on peut, à la grande louche, estimer au moins 100.000 installations, sur un parc d’environ 200.000 autos à batterie.
Ce marché intéresse beaucoup de monde. Dernier en date : Telenet, qui vient d’annoncer le lancement du service Blossom. Il explique son arrivée surprise sur le marché par le nombre d’installations à domicile prévues à l’horizon 2030, soit au moins 800.000 pour un parc de 1,7 million de véhicules électriques. Une croissance que les télécoms ne connaissent plus. Blossom vise dans un premier temps les entreprises proposant à leurs salariés des voitures de société, avant d’attaquer le marché des particuliers.
“C’est un luxe aujourd’hui”
“Charger à la maison, c’est relativement facile, c’est un luxe aujourd’hui”, estime Tangi Merckx, head of sales and marketing d’EDI, filiale du groupe D’Ieteren, active dans l’installation de bornes à domicile et en entreprise. La borne à domicile est parfaite pour passer à l’auto à piles ou alimenter des hybrides rechargeables. Elle offre à ceux qui ont le logement qui s’y prête le meilleur confort, limitant les inconvénients de la recharge sur la voie publique, dont les tarifs sont très variables. A domicile, il peut se situer autour de 35/40 cents par kWh ; sur une borne de rue, il peut dépasser les 60 cents.
Aujourd’hui, les premiers clients des installateurs sont les entreprises. Les particuliers, qui ne représentent guère que 10% des immatriculations électriques neuves, devraient arriver en nombre d’ici quelques années.Les employeurs qui proposent la borne à la maison recourent à des prestataires vendant à la fois des bornes intelligentes et une plateforme pour organiser le remboursement des kWh chargés dans la voiture, le split billing.
Des acteurs comme EDI ou Blossom qui travaille avec Optimile (AG et BNP Paribas Fortis), proposent ce type de service. Les particuliers qui s’intéressent à la recharge à la maison, hors du contexte de la voiture de société, voient surtout la borne en association avec des panneaux photovoltaïques.
“L’un des points importants en choisissant un fournisseur est de s’assurer que le matériel fonctionne sur un standard ouvert.” – Tangi Merckx (EDI)
Mariage borne et panneaux solaires
Une entreprise très présente dans ce secteur, comme Energreen (groupe Green&Durable) à Wavre, installe ses propres bornes, “uniquement dans le cadre d’équipement de panneaux solaires”, dit Alexandre Vander Putten, directeur et fondateur de l’entreprise. Le véhicule peut alors consommer le courant produit par les panneaux, et bientôt alimenter la maison aux heures de pointe, plus tard le réseau public de distribution (grid), pour réduire la facture d’électricité. “Pour le moment ce n’est pas encore autorisé pour alimenter les maisons ou le grid, mais ça viendra”, affirme le responsable. L’association borne/photovoltaïque devrait se développer. C’est dans cette perspective qu’EDI a racheté un installateur de panneaux, Go-Solar.
Le marché de la recharge domestique est encore en plein développement. Il a connu des couacs, comme la faillite de Powerdale, un fabricant belge de bornes et de câbles intelligents, qui a causé des soucis à certains clients car les bornes étaient gérées par une plateforme maison. L’usage des bornes devenait compliqué. “L’un des points importants en choisissant un fournisseur est de s’assurer que le matériel fonctionne sur un standard ouvert, c’est ce que nous faisons”, recommande Tangi Merckx. Cela évite le risque de devoir changer de borne en cas de faillite d’un fabricant.
Dans son argumentaire, Blossom a aussi retenu la leçon. “Pour sa solution de recharge, Blossom mise entièrement sur les normes ouvertes”, indique la société dans un communiqué de presse. Cela permet aussi d’assembler du matériel de différentes origines.Ce type d’installation n’est pas bon marché. Brancher un véhicule sur une simple prise n’est pas autorisé, sauf via un câble avec module de sécurité, qui va éviter une surchauffe. La borne est le dispositif le plus pratique, avec une bonne performance. Cela en coûte entre 2.000 et 2.500 euros pour un système intelligent, un peu moins pour une borne basique.
Quels tarifs de remboursement ?
Sujet très délicat pour les bornes à domicile utilisées pour les voitures de société : à quel tarif l’employeur peut-il rembourser le salarié ? Beaucoup d’entreprises utilisent le tarif moyen observé par la Creg ou le Vreg (en Flandre), mis à jour tous les mois.
“Dans une réponse au Parlement, le ministre des Finances estime que ce n’est pas correct, qu’il faut rembourser le coût réel payé par le salarié”, indique Tangi Merckx, d’EDI. Cette approche est logique, elle vise à éviter un remboursement excessif, donc un gain non taxé.
“Cela pose un problème pratique. Le salarié devrait déclarer tous les mois son tarif d’électricité, qui peut être variable”, souligne Romain Denayer, d’EV Belgium. C’est lourd voire impossible avec l’évolution vers des tarifs dynamiques, déjà proposés en Flandre, variant heure par heure.
EV Belgium et d’autres fédérations demandent que le tarif Creg/Vreg reste temporairement autorisé en attendant qu’une solution automatisée puisse être mise en place, notamment via des compteurs électroniques.
L’équivalent de quatre à cinq fours électriques
La recharge à domicile est un dispositif complexe qui doit être fortement sécurisé. Il n’y a quasi aucun appareil du domicile consommant autant de courant. Une voiture branchée à une borne à domicile de 11 kW tire autant d’électricité que quatre ou cinq fours électriques pendant parfois plus de six heures.
L’installation, le câblage, doivent donc être dimensionnés et sécurisés, avec une liaison propre vers le tableau électrique. Il y a des bornes simples, fortement sécurisées, mais aussi des bornes intelligentes et connectées.Ainsi, il vaut mieux qu’une borne comporte un module de load balancing, qui freinera la charge en fin de journée, quand l’équipement de la maison va consommer beaucoup de courant, évitant que le disjoncteur ne saute. Ce dispositif peut optimiser la consommation dans le cadre du tarif capacitaire, en application en Flandre, en projet à Bruxelles et en Wallonie, où le coût de distribution gonfle en fonction des pointes de consommation.
Le “load balancing” permet d’optimiser les charges pour tirer parti des heures les moins chères.
Même chose pour les tarifs dynamiques, variables d’heure en heure, disponibles en Flandre, bientôt ailleurs dans le pays : le dispositif intelligent peut ou pourra optimiser les charges pour tirer parti des heures les moins chères.Un autre module peut associer la recharge à des panneaux solaires, pour alimenter l’auto uniquement avec le courant produit par le soleil. Ces bornes, qui sont connectées, via wifi ou carte SIM, peuvent aussi être commandées et programmées à distance, via un smartphone. Enfin, la borne intelligente et connectée est nécessaire pour le split billing.
Les 5 étapes d’une installation
Quelles sont les étapes pour installer une borne ?
1. Le choix de l’installateur et de la borne. Dans le contexte d’une voiture de société, c’est l’affaire de l’employeur, qui s’adresse à une entreprise qui propose un pack de services dont une plateforme pour rembourser aux salariés les kWh chargés à domicile, et centraliser les recharges sur la voie publique. Cette dernière peut aussi s’occuper des bornes sur les parkings de l’entreprise.Le particulier devra chercher son fournisseur dans un marché encore un peu obscur. Il peut se tourner vers un électricien ou un installateur de panneaux solaires, par exemple. Les distributeurs d’autos proposent des partenaires : Peugeot travaille avec ZEborne, Hyundai ou Mercedes avec Eneco e-mobility. Des acteurs connus du public pourraient émerger. Auto5 cherche à entrer sur le marché. Il propose des bornes à la vente, mais cherche encore la manière de proposer un pack avec l’installation à un tarif compétitif sur un marché où les marges sont faibles.Le particulier peut demander des devis, et aussi bénéficier jusqu’à la fin août 2024 d’un coup de pouce fiscal : 15% de remboursement de la borne, avec un maximum de 1.750 euros pour le coût de la borne, qui doit être intelligente et fonctionner avec de l’électricité verte.
2. L’audit. Parfois l’installateur passe, parfois il se contente de quelques photos prises avec un smartphone transmises en ligne. Il analyse l’installation pour voir comment il pourra brancher une borne, voir s’il faut renforcer le compteur.
3. L’installation. L’opération dure deux ou trois heures pour une pose simple, avec une borne installée très près du tableau électrique. Elle prendra plus longtemps s’il faut tirer un câble sur des grandes longueurs et traverser des murs.
4. La certification. L’installation de la borne doit être en principe certifiée pour s’assurer qu’elle est conforme au RGIE (Règlement général sur les installations électriques). Ce contrôle inclut notamment une mesure de la prise de terre, qui pose problème plus souvent qu’on ne le croit. Nombre de certifications sont refusées en raison d’une prise de terre insuffisante voire inexistante.
5. La déclaration de la borne. Toute installation doit être déclarée au distributeur local de courant (Fluvius en Flandre, Sibelga à Bruxelles, ORES, AIEG, AIESH, Resa ou REW en Wallonie). Cela permet de dimensionner le réseau.
Borne ou câble ?
L’installation d’une borne chez un salarié pose quelques difficultés. Que se passe-t-il s’il quitte l’entreprise quelques mois plus tard ? Certaines entreprises conviennent d’un contrat de quatre ans, dans le cadre du budget de la voiture. Si le salarié part avant l’échéance, il paye le solde.
“Certains employeurs préfèrent fournir un câble intelligent plutôt qu’une borne”, déclare Tangi Merckx, d’EDI. Ces câbles ont un module avec une carte SIM qui peut envoyer les informations pour le split billing. Ils peuvent même se brancher sur une prise industrielle dans la maison et fournir jusqu’à 22 kW de puissance, si l’installation le permet.
“Le câble évite une installation définitive, l’employeur peut le réaffecter à un autre salarié”, conclut Tangi Merckx.
Le cas délicat des copropriétés
Pour les copropriétés, la situation est plus complexe. En principe, la loi a simplifié les choses depuis 2019. Elle impose l’installation de câbles pour le déploiement de bornes pour les immeubles neufs ou en rénovation. Pour les autres immeubles, un copropriétaire peut installer sa propre borne et tirer les câbles nécessaires, à ses frais, pour équiper son stationnement. Il doit en notifier le syndic ou les copropriétaires. Le projet est ensuite voté en assemblée générale (majorité simple).
“C’est une avancée, mais il y a un risque que se multiplient des installations individuelles dans les parkings d’immeuble”, regrette Romain Denayer, coordinateur d’EV Belgium, fédération d’entreprises actives dans la mobilité zéro émission. “Cela peut engendrer des soucis si ces installations se multiplient dans le même immeuble, avec des problèmes pour les pointes de consommation. Il sera plus judicieux d’envisager une infrastructure commune qui pourra gérer les pointes de manière intelligente.”
Pour cela, il faut convaincre les copropriétaires qui, aujourd’hui, ne se sentent pas tous concernés, mais qui pourraient le devenir d’ici quelques années.
La solution du câble intelligent
Si des installations individuelles se multiplient à mesure que le parc s’équipe, les copropriétés pourraient devoir tout de même revoir le système et prévoir une installation commune, éventuellement avec des bornes de charge partagées.
Dans un contexte de voitures de société, la copropriété est très ou trop complexe. “Nous évitons d’installer des bornes en copropriété, avance Tangi Merckx, d’EDI. C’est actuellement trop compliqué, la procédure est trop lourde. En outre, il y a des soucis de connectivité pour des parkings souterrains. Or, il faut transmettre les données pour les remboursements des kWh par l’employeur.”
EDI préfère fournir un câble de recharge avec un module intelligent. “Il est transportable. Une fois qu’il quitte le parking souterrain, il peut transmettre les données.” Mais il faut au moins une prise de bonne qualité (avec prise de terre), ce qui donne une charge lente.
Voitures électriques
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