L’histoire de la Maison Veuve Clicquot

“Une seule qualité, la toute première.” Telle est la devise de la maison de Champagne Veuve Clicquot. Et ce, depuis 1772 ou plutôt 1805, lorsque Nicole Ponsardin – alias “la Veuve Clicquot”, une dame qui se fit littéralement un nom – reprit les rênes de l’entreprise.

Communiqué dans La Gazette de France du 3 janvier 1772. Oui, 1772… Pour en souligner l’authenticité, en voici un extrait.

” Sieur Clicquot-Muiron, propriétaire de vignes en lieux-dits champenois de haute renommée, fonde négoce de vins à l’enseigne Clicquot. Il se propose de franchir les frontières du royaume pour porter au goût étranger la finesse des vins de Champagne. ” Fin du communiqué.

Le ” Sieur ” en question est Philippe Cliquot, fils d’une famille de marchands de textiles qui possèdent aussi des vignobles et qui, en 1772, se lancent dans le négoce de vins, en ayant des ambitions d’exportateurs. La première expédition étrangère du champagne Clicquot a pour destination Venise. Très vite, la Maison devient pionnière en matière de champagne rosé : en 1775, le premier lot de ce type de champagne part pour Lausanne.

L’histoire s’écrit de manière rétrospective. Ce qui permet de relativement grands bonds en avant dans le temps. En 1798, Philippe Clicquot intègre dans l’entreprise son fils François qui vient d’épouser Barbe Nicole Ponsardin. Un nom à retenir.

Non pas qu’elle y revendique d’emblée un rôle essentiel. En 1801, son époux prend à son service Louis Bohne pour promouvoir la marque Clicquot à l’étranger – un attaché marketing avant la lettre, en quelque sorte. Et il s’acquitte de sa tâche de manière exemplaire, en voyageur infatigable qu’il semble être : il laisse des traces (et des stocks de champagne) en Angleterre, dans les Provinces-Unies des Pays-Bas, en Allemagne, en Autriche en Hongrie et en Australie. Et, en 1804, il met pour la première fois le cap sur la Russie.

LE DÉSIR D’INNOVATION D’UNE VEUVE

Mais en 1808, François Clicquot, encore jeune, décède, laissant derrière lui une veuve de 27 ans et une petite fille, Clémentine. Et un excellent chiffre d’affaires. Car Louis Bohne oeuvre avec brio. La même année, la maison Clicquot écoule 110.000 bouteilles de champagne, dont 25.000 en Russie. Suite aux guerres napoléoniennes et à l’insécurité le long des routes qui en résulte, les chiffres d’affaires des six années suivantes fléchissent quelque peu mais, dès le retour de la paix sur le Vieux Continent, la maison Clicquot reprend ses expéditions à l’étrangers.

L'histoire de la Maison Veuve Clicquot

A cette époque, la veuve Clicquot a déjà l’entreprise bien en mains, ayant eu l’intelligence de s’adjoindre Louis Bohne comme conseiller. Mais elle se révèle être aussi une femme (d’affaires) ambitieuse (sa devise est : ” Une seule qualité, la toute première “) et visionnaire, au point de ne pas tarder à être sur-nommée la ” Grande Dame de la Champagne “.

Dès 1810, elle fait montre de son sens de l’innovation en produisant le premier millésime de la région de Champagne, un breuvage à base des récoltes d’une seule et même année exceptionnelle.

En 1816, suit une deuxième innovation, adoptée par toutes les autres maisons de champagne et toujours utilisée aujourd’hui : la table de remuage. Soit un râtelier en bois où les bouteilles de champagne sont disposées à l’envers, puis délicatement secouées et retournées. Les sédiments s’accumulent dès lors dans le goulot, ce qui facilite leur extraction. Résultat : des champagnes limpides et transparents.

Deux ans plus tard, la veuve crée la surprise une troisième fois en utilisant les vins rouges de ses vignobles de Bouzy pour produire le premier assemblage rosé de Champagne.

En 1814, elle parvient à contourner le blocus de Napoléon pour approvisionner la cour de Russie à Saint-Pétersbourg.

Mais l’esprit d’innovation de Madame Clicquot ne se limite pas à la viniculture. Ses connaissances de l’univers du luxe lui permettent de percevoir rapidement les avantages de l’internationalisation. En 1814, elle parvient à contourner le blocus de Napoléon pour approvisionner la cour de Russie à Saint-Pétersbourg. L’aristocratie russe tombe sous le charme de ses champagnes. Un enthousiasme international qui n’a jamais faibli depuis.

KLIKOFSKOÉ EN RUSSE

Les humains sont mortels, aujourd’hui comme au 19e siècle. En 1821, Louis Bohne rend l’âme. Entre alors en scène Edouard Werlé, qui jusque-là avait le statut d’élève (il deviendra le nouvel associé de la veuve en 1831). Et en 1866, c’est Madame Clicquot qui décède à l’âge, très respectable pour l’époque, de 89 ans – aurait-elle consommé beaucoup de son champagne ? Edouard Werlé lui succède mais conserve le nom de la marque, toujours actuel : Veuve Clicquot Ponsardin.

L’étiquette jaune est déposée officiellement en 1877. L’importance de la veuve Clicquot n’est guère facile à évaluer. En 1887, l’écrivain et historien Prosper Mérimée (auteur de Carmen) écrivit à son propos : ” Madame Clicquot est la reine de Reims. Elle abreuve la Russie : on appelle son vin “klikofskoé” et on n’en boit pas d’autre “. L’on sait aussi que son champagne était très apprécié d’auteurs russes tels que Pouchkine, Gogol et Tchekhov.

L'histoire de la Maison Veuve Clicquot
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Mais ses successeurs paraissent n’avoir pas démérité eux non plus. Alfred Werlé a contribué à l’extension des vignobles. Bertrand de Mun a, lui, expérimenté de nouvelles techniques dès 1907, signant ainsi une forte augmentation des capacités de production et de conservation. En 1986, la marque a rejoint le groupe – coté en Bourse – Louis Vuitton, devenu plus tard groupe Louis Vuitton-Moët Hennessy (LVMH), qui en est toujours le propriétaire. Les innovations telles que la Clicquot Ice Jacket isotherme (2004) démontrent que l’esprit d’innovation de Madame Clicquot y est toujours d’actualité.

CRAYÈRES ET HÔTEL DE LUXE

En 2015, la Maison propose plusieurs champagnes, le plus célèbre étant le Brut Carte Jaune (Yellow Label), le ” vin standard ” qui illustre magistralement l’art de l’assemblage de Veuve Clicquot. Le pinot noir, dominant, apporte la structure typique des vins de la maison, la légère touche de pinot meunier complète l’arrondi du breuvage et le chardonnay lui confère sa finesse et son élégance. Le champagne est fabriqué à partir des récoltes de 50 à 60 crus différents. La vinification fait aussi appel à une forte proportion de vins de réserve (25 à 35 %, voire 40 %) issus de différentes années de récoltes (généralement 5 ou 6) pour assurer la pérennité du style Veuve Clicquot.

Qui désire goûter à l’essence même et à la maestria de Veuve Clicquot optera pour La Grande Dame, un millésime lancé pour la première fois en 1972 à l’occasion du 200e anniversaire de la Maison.

Lancé en 2006, le Veuve Clicquot Rosé est le pendant rosé du Brut Carte Jaune. Ce champagne sensuel, féminin et délicat affiche les mêmes proportions : de 50 à 55 % de pinot noir, de 15 à 20 % de pinot meunier et de 28 à 33 % de chardonnay, auxquels on ajoute 12 % de vin rouge fabriqué à base de raisins noirs spécialement cultivés et sélectionnés à cet effet.

Qui désire goûter à l’essence même et à la maestria de Veuve Clicquot optera pour La Grande Dame, un millésime lancé pour la première fois en 1972 à l’occasion du 200e anniversaire de la Maison. Depuis, ce champagne légendaire est la tête de cuvée de Veuve Clicquot. Il est fabriqué à partir des meilleurs raisins de l’année (2/3 de pinot noir et 1/3 de chardonnay), issus des 8 communes ” grand cru ” où la veuve Clicquot en personne avait acheté des vignobles : Verzenay, Verzy, Ambonnay, Bouzy, Aÿ, Avize, Mesnil-sur-Oger et Oger.

Viennent enfin le Vintage et le Cave Privée. Le Vintage est une sélection de divers vins tranquilles d’une année exceptionnelle, sélectionnés et assemblés par le chef de cave Dominique Demarville, le Cave Privée étant, lui, une collection de grands champagnes qui, en raison de leur qualité exceptionnelle et de leur processus de maturation singulier, ont été conservés durant des décennies dans les caves de craie de Veuve Clicquot à Reims. Disponibles en divers formats (standard, magnum et jéroboam), les bouteilles réfèrent à plusieurs années bénies : 1990, 1989, 1982 et 1972 – tant en blanc qu’en rosé.

Des caves de craies ? Absolument. Les bouteilles de Veuve Clicquot sont conservées dans les Crayères de Reims qui offrent des conditions de conservation optimales : excellent taux d’humidité et température constante de 10-12° C. Le tout à l’abri de la lumière et des vibrations. Situées sous la place des Droits de l’Homme, il s’agit d’anciennes carrières du Moyen Age dont la craie fut extraite pour construire de nombreux monuments de la ville. Le terrain fut acheté en 1907 par le très prévoyant Bertrand de Mun. Une partie de ce réseau de galeries de 24 kilomètres est accessible au public du printemps à l’automne.

Un privilège également réservé aux hôtes de l’Hôtel du Marc que Madame Clicquot et Edouard Werlé firent construire en 1840. Les membres de leur conseil supérieur y logeaient et nombre de relations et clients importants y furent accueillis. Si d’aventure l’âme de la veuve erre encore quelque part, ce ne peut assurément être que dans ce lieu-ci.

Texte: Guy Bourgeois en Ben Herremans

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