L’entrepreneuriat durable, une affaire rentable?
Durable = surcoût. Cette idée reçue s’est imposée dans les esprits, sans doute pas complètement erronément. Mais l’entreprenariat basé sur la longévité économique, l’environnement et le social peut aussi permettre de réaliser des économies dans son “business plan”.
Faire du business autrement. La thématique est à la mode. Toutefois, pour ces jeunes sociétés, il ne s’agit pas de s’inscrire dans une tendance, mais de concrétiser l’entreprenariat durable au quotidien.
Nul ne sait exactement quel est leur nombre. Surtout parce que pour certaines sociétés, il s’agit plus d’un argument marketing que d’une réalité. Un recensement risquerait donc de comparer des pommes et des poires… Mais celles qui s’engagent réellement partagent trois points communs : respect de l’environnement, finalité sociale et modèle économique viable sur le long terme. Les trois piliers de toute firme durable qui se respecte, auxquels les théoriciens ajoutent parfois le critère de bonne gouvernance.
Celles qui se conforment à ces principes de base font le plus souvent partie de la catégorie PME, voire TPE.
Beaucoup sont actives dans le secteur alimentaire, sans doute celui qui permet le plus aux dirigeants de coller à leur vision de l’économie et de la société.
Plus verte, plus équitable, plus locale, plus pérenne, etc. Mais on retrouve aussi des start-up alternatives dans d’autres domaines, comme la construction, les services, la consultance, l’énergie…
Ce choix de la durabilité est-il nécessairement synonyme de surcoûts à la production, de frais plus élevés, de marges faibles, de tarifs salés pour les clients finaux ? Ou, contre toute attente, permet-il aussi de générer des économies, de réduire certains postes ? En d’autres termes, s’agit-il d’une contrainte à surmonter ou d’un avantage à exploiter ?
Certains secteurs plus propices
“Cela dépend des secteurs, répond Marc Lemaire, fondateur d’EcoRes, un bureau d’études spécialisé dans ces questions. Certains ont le vent en poupe. Parfois ça coûte un peu plus cher mais des consommateurs sont prêts à payer davantage pour cela.” Et de citer l’horeca, les matériaux isolants, la mobilité douce, les livraisons vertes, la récupération et la transformation de matières premières…
“Par contre, poursuit-il, il y en a d’autres où cela devient plus compliqué, où il n’y a pas de marché. Dans le textile, par exemple. Les prix en général sont tellement bas que ceux qui se lancent sont vraiment des convaincus. Dans certains marchés de niche, comme la haute couture ou la parfumerie, c’est également difficile, car ces produits restent chargés de symboles sociétaux. Même constat dans la production industrielle : pour s’y aventurer, il faudrait vraiment de gros moyens.”
Tout dépend également des objectifs fixés. Celui qui souhaite à tout prix devenir rentable et riche en moins de temps qu’il ne faut pour le dire devra sans doute explorer un autre chemin… En économie durable, l’horizon se dessine à long terme. “Regardez l’entomophagie, illustre Marc Lemaire. On sait qu’il s’agit d’une alternative à la viande, mais il n’y a pas si longtemps, personne ne croyait en l’idée de manger des insectes. Aujourd’hui, les mentalités évoluent. On travaille à 10, 15 ans.”
“Une question de bon sens”
Les bénéfices aussi ne se mesurent qu’à plus ou moins longue échéance. Bénéfices économiques, mais aussi sociétaux. Il y a derrière cette forme d’entrepreneuriat l’idée de transformer le futur, de repartir sur des bases de consommation plus saines. Aux yeux de ceux qui y adhèrent, cette philosophie vaut bien un surcoût.
“C’est une question de bon sens. Forcément, au moins on consomme d’énergie, au mieux c’est, pointe Romain Depireux, chargé de projet en ‘animation économique verte’ chez Groupe One. Au début, cela nécessite des investissements plus importants, mais qui sont vite rentabilisés par la suite. Il ne faut pas non plus se montrer dogmatique, ni vouloir être parfait tout de suite. On peut s’améliorer petit à petit, au fil du succès de l’entreprise.”
Il reste néanmoins des postes sur lesquels des économies peuvent être effectuées dès le début de l’activité. Par exemple pour l’approvisionnement en matière première, lorsqu’il s’agit de récupérer des matériaux inutilisés. La start-up PermaFungi (lire l’encadré) a eu l’idée d’utiliser du marc de café pour faire pousser des pleurotes.
Une ressource gratuite, dont les cafetiers ne savaient jusqu’à présent que faire. L’association française Le Relais, également présente en Belgique, récolte de vieux vêtements en coton dont les gens veulent se débarrasser et les transforme en isolants.
Les frais de transport peuvent aussi être revus à la baisse, les entreprises durables misant sur la relocalisation de l’économie. Collaborant donc avec des partenaires géographiquement proches. Une politique souvent couplée à celle privilégiant une mobilité douce. Faire ses livraisons à vélo, cela revient — sans surprise — moins cher que d’investir dans une camionnette…
Le durable peut aussi devenir un sérieux atout marketing. “Nous existons depuis sept ans. Nous avons réussi à nous positionner sur notre marché et, depuis trois ans, nous avons la chance de ne presque plus devoir prospecter, les clients nous contactent”, raconte Xavier Schreuer, associé chez Cellule Verte, une agence de communication qui se définit comme engagée.
“Le fait de consommer local peut aussi entraîner une sorte de fierté, observe Frédéric Dufays, chercheur au sein du centre d’économie sociale de l’Université de Liège. Les sociétés doivent jouer la transparence par rapport à leur mode de production. Cela peut conduire à une sorte de contrat moral, les personnes se sentent liées à l’entreprise, elles en deviennent des ambassadeurs, ce que l’on retrouve moins dans l’économie classique.”
“Green lassitude”
Mais attention à ne pas se reposer uniquement sur cet argument, devenu moins porteur que dans un passé récent, aux yeux de Marc Lemaire. “En 2006, avec la sortie du film Une vérité qui dérange d’Al Gore, il y a eu un engouement. Puis la crise est arrivée et le mouvement est désormais descendant, banalisé. Nous nous trouvons en pleine green lassitude.”
C’est là que doit intervenir une bonne dose d’innovation. Pour faire parler de soi, attirer des partenaires, séduire les clients, obtenir des financements… Sur ce plan, il existe par ailleurs une série de subsides, fonds et formules de crédit spécialement taillés pour les entrepreneurs durables, pour pallier la réticence bancaire qui ne manquera sûrement pas de se manifester.
A tort ou à raison ? “Jusqu’à présent, nous n’avons jamais eu de sinistralité sur ce genre de dossiers. Il s’agit souvent de projets très élaborés, même s’ils sont petits, décrit Bernard Horenbeek, directeur de la banque Credal. Je suis persuadé que c’est là qu’on retrouvera les perles du développement économique de demain.”
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