Le padel, ce sport qui affole les investisseurs

En quelques années, le padel est devenu le deuxième sport le plus pratiqué en Belgique. Convivial et amusant quel que soit le niveau, il séduit les jeunes de 7 à 77 ans. Logiquement, de nombreux complexes multi-terrains ont vu le jour aux quatre coins du pays. D’autres grands projets sont en cours de développement. Analyse d’un phénomène de société qui affole les investisseurs.
Mélange de squash et de tennis qui se joue en double sur un terrain resserré (20m sur 10) et dont la surface est composée d’un gazon artificiel, le padel est, sans doute aucun, le sport qui progresse le plus dans le monde entier. Autrefois cantonné dans les pays d’Amérique du Sud et en Espagne, il cartonne désormais aux quatre coins de l’Europe.
La Belgique ne fait pas exception à la règle. Selon l’édition 2024 du rapport de la fédération mondiale (IPF), notre pays comptait, l’an dernier, 2.000 terrains et était le neuvième pays le mieux équipé. Depuis, à voir les nouveaux complexes qui ont fleuri aux quatre coins du pays, ces chiffres ont été très largement dépassés. Sous réserve d’inventaire, le padel aurait dépassé le tennis et, avec 225.000 pratiquants réguliers, serait devenu le deuxième sport le plus populaire de Belgique derrière le football.
À titre de comparaison, le hockey ne recense que 50.000 pratiquants.
Une fédération reconnue

Depuis des années, le monde du padel francophone était coupé en deux avec d’un côté, Tennis Padel Pickleball Wallonie-Bruxelles (TPPWB), l’ancienne Association francophone de tennis (AFT), et, de l’autre, l’Association francophone de padel (AFPadel). Début février, la ministre des Sports de la Fédération Wallonie-Bruxelles, Jacqueline Galant, a tranché et a accordé sa reconnaissance à la TPPWB pour la période allant jusqu’au 31 décembre 2032. Un choix somme toute logique puisqu’un bon tiers des clubs de tennis francophones font désormais de la place au padel dans leurs installations.
L’exemple le plus frappant est le club de Justine Henin à Limelette qui, depuis l’an dernier, accueille cinq terrains de padel. Ils ont pris la place de deux des 18 terrains de tennis. Une opération réalisée par le groupe Tero des frères Lhoist qui, parallèlement, ont dopé à Limelette les versants horeca et événementiel.
“Le padel va permettre aux clubs de tennis de survivre, assure Nicolas Lhoist, le CEO du groupe Tero. À Arlon, nous avons racheté le club Garisart. Nous y avons réduit les terrains de tennis de 10 à 7 et avons 6 terrains de padel. L’objectif est d’y en installer 12. Cette partie padel est plus vite rentable : aucun entretien (ou quasi) des terrains, quatre personnes à la fois sur le terrain, aucune influence de la météo avec les terrains couverts, etc. Clairement, le padel dynamise la partie horeca des clubs. D’une part, il amène, mécaniquement, plus de joueurs au club-house. D’autre part, il crée de véritables communautés. Aujourd’hui, nous avons déjà 40 équipes d’interclubs de padel à Garisart. Rentabilité plus rapide et donc retour sur investissement qui suit une courbe identique.”
Le padel aurait dépassé le tennis et, avec 225.000 pratiquants réguliers, serait devenu le deuxième sport le plus populaire de Belgique derrière le football.
Complexes multi-activités
La folie padel s’est emparée des frères Lhoist à la sortie de la pandémie. Leur Knokke Out, haut lieu de la vie nocturne à Waterloo, s’est mué, à l’automne 2023, en un gigantesque club de padel doublé d’une brasserie et d’un lieu pour les événements, les séminaires, les team-buildings, etc. Soit un investissement d’un million d’euros.

“À titre personnel, la famille était déjà actionnaire dans un club à Rochefort avant le covid, poursuit Nicolas Lhoist. Le succès incroyable dans une petite ville comme celle-là a orienté notre choix. En sortie de pandémie, avec notre discothèque de Waterloo fermée pendant des mois, nous avons donc transformé le lieu. Nous avons, surtout, changé d’image et de clientèle. Le club de padel de Waterloo a été un succès immédiat. Aujourd’hui, le club est déjà saturé. Le lien avec nos activités de bien-être et d’événements pour entreprises permet de remplir les créneaux de la journée. En fin de journée et le week-end, le taux de remplissage est de 100%.”
Le succès de Waterloo a donné des ailes au groupe Tero. Après le partenariat à Limelette, il a racheté, au printemps 2024, le Tennis Club de Belgique, le célèbre club couvert de l’avenue Louise à Bruxelles, et, en quelques mois, l’a transformé en un club 100% padel avec sept terrains. Là aussi, le taux de remplissage frôle les 100%. La famille ne compte pas s’arrêter là.
“Nous développons un très gros projet à Suarlée, près de Namur, explique Nicolas Lhoist. Avec neuf terrains indoor . Deux sociétés gèrent le projet. Une immobilière qui s’occupe du bâtiment, des abords, du parking et des autres activités : fitness, centre paramédical, horeca, etc. Soit un investissement de 4 millions d’euros. Et une société opérationnelle qui va s’occuper du padel. Elle va financer la construction des neuf terrains ( un terrain coûte entre 25.000 et 30.000 euros, ndlr ), des vestiaires et de la boutique et gérer le club. Il est question ici d’un investissement proche des 400.000 euros. Actuellement, nous avons en développement cinq complexes multi-activités. L’idée est de créer de véritables écosystèmes de sports et de loisirs. Comme à Liège, par exemple, où nous travaillons sur une offre qui allierait trampoline, tennis, padel, foot indoor , etc.”
Tom De Sutter et Marc Coucke…
Si Tero est le groupe le plus important dans la partie francophone du pays, au nord, c’est l’ancien Diable Rouge Tom De Sutter qui tient le haut du pavé. C’est en vacances à Majorque que l’ancien avant-centre d’Anderlecht et du FC Bruges a découvert le padel. “J’ai été immédiatement conquis. Peu après, j’ai ouvert mon premier club à Bruges en 2017. J’étais toujours joueur de foot. Ce n’est qu’il y a six ans qu’avec Mattias Van Holm, mon ami d’enfance et ancien directeur du Decathlon de Wavre après avoir géré celui de Roulers, nous avons porté Arenal sur les fonts baptismaux.”
En ce printemps 2025, Arenal compte 10 clubs dans le nord du pays et trois aux Pays-Bas. Il y a deux ans, l’entreprise a fusionné avec Padelworld, la société détenue par Marc Coucke. “Développer des clubs coûte cher, poursuit Tom De Sutter, qui a bien réussi sa reconversion professionnelle après sa carrière de sportif de haut niveau. Il faut compter au minimum 1,5 million d’euros quand on part d’une feuille blanche. Avec Marc, qui est devenu notre actionnaire majoritaire, nous avons pu accélérer le développement. Lors de la fusion, nous nous étions fixé un objectif rapide de 200 terrains. Nous en sommes à 101 actuellement. L’objectif demeure le même. Il nous manque encore quelques grandes villes flamandes comme Gand, Louvain ou Hasselt. Et évidemment Bruxelles.”
À l’origine, les discussions avec Marc Coucke portaient sur Tomaspor, fondée par De Sutter et Van Holm en 2016. Cette société distincte construit des terrains de padel de A à Z. En quelques années, elle a aménagé 500 terrains en Belgique et est co-leader du marché.

… et le groupe Beaulieu
À côté de Marc Coucke, l’ancien footballeur est parvenu à fédérer deux autres poids lourds économiques flamands. D’abord, le groupe Beaulieu, la société de Waregem spécialisée dans les solutions de revêtements de sol et présente dans 16 pays avec 27 usines. “Tous les terrains que place Tomaspor sont équipés d’un gazon artificiel développé par Beaulieu via sa société Arc Sports, poursuit Tom De Sutter. C’est actuellement le revêtement considéré comme le meilleur au monde. Beaulieu est d’ailleurs le leader européen en la matière. Ils ont développé un fil texturé inédit et innovant spécifiquement pour le padel. Il offre une surface de très grande qualité, constante et qui demande très peu d’entretien.”
Au début de l’année dernière, Arenal a développé un nouveau partenariat avec Vandelanotte, le plus grand cabinet comptable indépendant de Belgique avec une vingtaine d’agences réparties dans toute la Belgique. “Il y a un côté sponsoring et organisation d’événements, confie Tom De Sutter. Comme la Business Cup by Vandelanotte qui, l’an dernier, a opposé 300 entreprises dans nos clubs pendant une quinzaine de jours. Avec activités de réseautage et des conférences. Mais Vandelanotte, c’est aussi un organisme de conseil aux chefs d’entreprise. Ils nous apportent, avec Marc Coucke, du soutien stratégique dans le cadre de notre expansion.”
Un sport indoor

Si le padel déchaîne les passions des pratiquants, il ne plaît guère au voisinage des clubs. En cause ? La pollution sonore. Les ricochets incessants issus du rebond de la balle contre la raquette ou les parois du terrain peuvent rapidement devenir insupportables pour les oreilles des habitants des maisons voisines. De nombreux clubs, notamment à Lasne ou à Estaimpuis, ont été contraints de fermer ou de supprimer leurs terrains extérieurs. Pour cette raison notamment, tous les projets développés concernent une pratique indoor évidemment plus onéreuse.
“Cela évite, de fait, les problèmes de voisinage, confirme Nicolas Lhoist. Mais cela permet surtout d’augmenter le taux de remplissage des terrains. Si vous ne jouez que dehors, vous retombez dans les défauts du tennis vu notre magnifique météo. À Waterloo, à l’origine, nous avions trois des neuf terrains à l’extérieur. Nous avons obtenu l’autorisation de les couvrir et le taux d’occupation a tout de suite grimpé. L’autre avantage, c’est que l’indoor garantit aux joueurs des conditions parfaites de jeu quelle que soit la période de l’année et offre l’assurance de pouvoir jouer.”
Des clubs sur des friches industrielles
Tant en Wallonie qu’en Flandre, les autorités verraient d’un bon œil que les clubs de padel se développent sur des friches industrielles ou dans des parties de zoning industriel. À Ath, le club Athois Le Padel s’est installé dans le zoning des Primevères que la ville entend vider de son activité industrielle au profit de celui de Ghislenghien. Six terrains couverts et trois extérieurs sont déjà installés. Victime de son succès et plus grand club de Wallonie picarde, le club vient de déposer un permis d’urbanisme pour détruire le bâtiment laissé vide par feu Belgique Loisirs et y installer cinq terrains couverts supplémentaires.
“Ces zonings sont une piste, reconnaît Nicolas Lhoist. Willy Borsus, quand il était ministre wallon de l’Aménagement du territoire, voyait cette solution d’un bon œil. Après, il va falloir définir où placer le curseur de la durabilité. Certes, ces projets tiennent de l’économie circulaire, mais ils supposent souvent le tout à la voiture, vu leur faible accessibilité via les transports en commun.”
“Nous disposons déjà de quatre clubs situés dans un zoning comme à Malines et Grimbergen, renchérit Tom De Sutter. C’est parfois une façon plus rapide d’obtenir toutes les autorisations nécessaires. Pour le reste, comme Nicolas Lhoist, nous nous focalisons sur l’indoor et sur l’ajout d’activités supplémentaires, quand c’est possible. Nous avons racheté une série de clubs de tennis. La plupart du temps, ils sont devenus 100% padel sauf, par exemple, à Roulers où nous avons gardé du tennis.”
L’élite mondiale à Bruxelles
L’autre raison de la folle expansion du padel dans notre pays tient dans l’émulation et les vocations suscitées par les plus grands joueurs du monde depuis trois ans. Un événement coorganisé par Vincent Laureyssens et les frères Lhoist, et qui a intégré le circuit Premier Padel créé par Nasser Al-Khelaïfi l’an dernier. Du 19 au 27 avril prochain, le gratin mondial fera étape dans le cadre majestueux de la Gare Maritime à Tour & Taxis pour le Lotto Brussels Premier Padel. Comme du temps du tournoi de tennis d’Anvers, le vainqueur pourra remporter une magnifique raquette en or 20 carats. Pour autant qu’il gagne trois fois le tournoi en cinq ans.
“Nous espérons attirer 70.000 visiteurs contre 64.000 l’an dernier, souligne Vincent Laureyssens, et vendre 30.000 tickets pour le central. Nous sommes en catégorie P2, soit l’équivalent en tennis d’un ATP 500. Mais nous attirons plus de joueurs de l’élite vu le cachet de la Gare Maritime et notre organisation. Elle est reconnue par la fédération internationale qui nous a proposé de passer à l’échelon supérieur. C’est une belle reconnaissance, mais elle vient un tout petit peu tôt.”

De Tour & Taxis à l’Asie
Organisateur de tournois depuis 2017, Vincent Laureyssens est aussi le propriétaire du club de Tour & Taxis installé dans le shed n°4, un club magnifique dans un environnement construit en 1902 et classé. “C’est un club que j’ai créé en partenariat avec Nextensa qui possède Tour & Taxis. J’ai un contrat de location pour 36 ans. Nous avons huit terrains et une mezzanine-bar. Mais c’est déjà trop peu : le taux d’occupation est de 100% le week-end et de 80% la semaine. Il existe un projet d’extension dans la moitié du shed d’à côté.”
Les ambitions de Vincent Laureyssens ne s’arrêtent pas à Tour & Taxis. Avec Carl Mestdagh, le CEO d’Equilis, il va décliner un nouveau concept sous la marque Ankha. Il s’agit de lieux qui vont rassembler au même endroit des espaces fitness et wellness (pilates, yoga, sauna, hammam, etc.), des terrains de padel et de pickleball (du tennis léger qui fait fureur aux États-Unis) et des espaces horeca.
“Deux projets sont en développement en Belgique, dont un dans la Région bruxelloise, explique Vincent Laureyssens. Ce dernier sera le plus grand club d’Europe. Des contacts sont aussi établis à Rome, Lille, Berlin et à Athènes où un projet de 12 terrains de padel pourrait voir le jour sur le site olympique. En tant que directeur pour la Thaïlande et le Vietnam de Bullpadel, l’équipementier espagnol le plus répandu dans l’élite mondiale, j’ai aussi de très gros projets de clubs sur place. L’Asie est le prochain continent à conquérir. Ce sont des fous de sports de raquette, badminton et squash notamment, et le padel y est promis à un grand avenir. On espère aussi y organiser une manche de Premier Padel à Bangkok dans les cinq ans. J’espère devenir Mr Padel en Asie !”

Du padel dans un club de golf
Si ajouter du padel dans les clubs de tennis paraît logique, le pratiquer dans un club de golf l’est moins. C’est pourtant le cas du Sept Club, installé depuis quatre ans dans le cadre magique du Golf Club Sept Fontaines à Braine-l’Alleud. Un cas unique en Belgique et une initiative cornaquée par Douglas Wymeersch et Victoria De Kepper.“Les deux clubs sont des entités séparées, explique Douglas Wymeersch, même si en tant qu’administrateur du club de golf, je fais le lien entre les deux clubs. Nous louons, à l’entité golf, le magnifique espace où nous avons installé trois terrains extérieurs et un club-house. Avec le recul, je me rends compte qu’il y a moins de passerelles entre les deux pratiques que je ne le pensais au départ. Relativement peu de joueurs sont membres des deux clubs. Ceci dit, de nombreux jeunes joueurs de golf préfèrent notre club-house qui est plus relax que celui du golf.”
Le Sept Club a nécessité 250.000 euros d’investissements consentis par les traditionnels family, friends & fools. Aujourd’hui, une relative baisse de fréquentation et la piètre météo de ces derniers étés poussent les fondateurs à envisager un projet couvert.
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