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Le modèle allemand en question ?

Les Etats-Unis sont en plein doute sur la robustesse de la reprise économique. Le marché immobilier encore très fragile et les déclarations très prudentes du président de la Fed sont à la source de ces doutes légitimes. La zone euro, par contre, semble mieux se comporter pour le moment.

Les Etats-Unis sont en plein doute sur la robustesse de la reprise économique. Le marché immobilier encore très fragile et les déclarations très prudentes du président de la Fed sont à la source de ces doutes légitimes. La zone euro, par contre, semble mieux se comporter pour le moment. Les indicateurs de confiance restent bien orientés et la croissance au deuxième trimestre est apparue solide.

S’agissant de la zone euro, il faudrait plutôt parler de la situation de l’Allemagne en particulier. Avouons que le moteur allemand tire pour le moment l’économie de la zone euro, alors que l’écart se creuse de plus en plus par rapport à des pays de la périphérie (Grèce, Portugal, Espagne) englués dans le sauvetage de leurs finances publiques. L’Allemagne se porte donc très bien.

La meilleure preuve en est l’exceptionnelle croissance qu’a connue cette économie au deuxième trimestre de cette année : le PIB y a augmenté de pas moins de 2,2 % par rapport au trimestre précédent. Ceux pour qui les chiffres du PIB restent nébuleux pourront se convaincre de la santé de l’économie allemande par de nombreux exemples. Prenez au hasard une marque automobile allemande, à l’hélice pour ne pas la citer, « contrainte » d’augmenter les cadences de production dans ses usines allemandes, en raison de l’incapacité de ses usines en Chine à satisfaire la demande.

Comment expliquer ce succès ?

Le modèle allemand est fondé d’abord sur l’innovation et des produits de qualité. Mais il est aussi fondé sur la culture de la compétitivité. Celle-ci s’est notamment traduite par une profonde réforme du marché du travail intervenue au début des années 2000 (les lois Hartz pour ceux qui s’en souviennent). Entre autres choses, ceci a facilité la création d’activité, mais a aussi flexibilisé le marché du travail. La culture de la compétitivité est aussi (et surtout) basée sur une très forte modération salariale, ce qui permet de contenir les coûts et de rester compétitif sur les marchés internationaux. A titre d’illustration, on cite souvent que le handicap salarial cumulé depuis la fin des années 1990 par la Belgique par rapport à ses voisins est de l’ordre de 5 à 6 %. Mais par rapport à l’Allemagne, il dépasse de loin les 10 %.

Attention à l’excès de confiance

Le modèle allemand présente aussi certaines failles. La principale concerne la consommation des ménages. Depuis le début des années 2000, elle n’a pour ainsi dire presque pas augmenté. Et plus récemment, malgré la forte croissance de l’activité, la consommation a eu du mal à se redresser. Quoi de plus normal finalement, sachant que les ménages allemands ne voient pas leur revenu augmenter, et par ailleurs sont parmi les champions de l’épargne en Europe.

Une telle situation peut-elle se maintenir sans créer de troubles sociaux ? Les premières revendications d’augmentations salariales émises par les organisations syndicales allemandes en vue des prochaines négociations sont assez élevées : on parle de 6 % brut sur deux ans. C’est un signe que la pression monte, et que les travailleurs allemands veulent aussi profiter de la vigueur de leur économie. C’est légitime, mais cela risque de remettre en cause ladite culture de la compétitivité. L’équilibre entre compétitivité et stabilité sociale risque donc de devenir de plus en plus difficile à trouver.

Par ailleurs, le modèle allemand reste tributaire de la santé des autres grandes économies mondiales. Jamais, si ce n’est durant la période de la réunification, l’économie allemande n’a pu vraiment se détacher du cycle américain. Autrement dit, il n’y a pas de réel découplage entre les Etats-Unis et l’Allemagne. On rétorquera que la très bonne santé des économies émergentes est un élément nouveau, qui agit comme un choc positif sur l’économie allemande. Le hic, c’est que cela pose la question d’un autre découplage : celui entre les pays émergents et… les Etats-Unis. Or, il n’est pas encore certain que ce découplage soit une réalité.

En conclusion, on ne peut que se réjouir des succès de l’économie allemande, car l’économie belge en profite dans la mesure où l’Allemagne est notre principal partenaire commercial. Mais de là à se calquer sur le modèle allemand lorsque sera venu le temps de négocier de nouvelles politiques économiques et sociales (en supposant que cela arrive), il y a un pas à ne pas franchir. Le marché du travail en Belgique gagnerait en efficacité par des mesures visant plus de flexibilité, et la compétitivité doit rester LA priorité de la politique économique. Mais le modèle de croissance de la Belgique est aussi fondé sur le dynamisme de la consommation, donc sur le pouvoir d’achat. C’est aussi un gage de stabilité sociale, qui risque de faire défaut à l’Allemagne si elle persévère dans cette voie.

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