La SNCB en pièces détachées

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La Belgique est un des pays européens les plus tièdes en matière de privatisation du rail, avec la France et le Luxembourg. Elle la pratique pourtant de manière discrète.

Le ministre des Finances, Johan Van Overtveldt, savait bien ce qu’il faisait lorsque, à l’occasion d’une interview accordée à L’Echo, il a proposé de privatiser le rail et de réduire l’aide publique. Il s’est ainsi attaqué à l’un des tabous politiques et à un sujet de polémique. ” En avançant que le train coûte cher en subsides, cela parle aux 80 % des voyageurs qui ne prennent pas le train “, lâche Henri-Jean Gathon, professeur en économie des transports à l’Université de Liège.

Le rail, c’est beaucoup d’argent public : 3 milliards d’euros par an, plus de 300 euros par habitant (SNCB et Infrabel) et une machine fort lourde. Pourtant la Belgique est l’un des rares pays de l’UE opposé à la privatisation du rail national. Ailleurs, le sujet est abordé de manière plus ouverte. Pas seulement en Grande-Bretagne, pays utilisé comme épouvantail lorsque l’on parle du rail privatisé. Mais également chez nos voisins allemands ou néerlandais. Même les Italiens connaissent la concurrence ferroviaire.

Si la privatisation ne fait l’objet d’aucune discussion chez nous, elle est néanmoins pratiquée. L’activité marchandise de la SNCB, B Logistics, éternellement en perte, a ainsi été revendue en majorité à un fonds français, qui l’a rebaptisée Lineas. Sans bruit, la plupart des lignes internationales ont été majoritairement cédées. Les trains Thalys (Paris, Amsterdam) et Eurostar (Londres) sont gérés depuis quelques années par des opérateurs à part entière contrôlés par la SNCF.

La question finira par se poser

La proposition avancée par Johan Van Overtveldt finira bien par se retrouver sur la table puisque l’Union européenne ouvre à la concurrence toutes les activités ferroviaires. Le monopole n’existe plus pour le fret et pour les trains internationaux de passagers. A partir de 2021, il en ira de même avec le transport national de passagers. Un transporteur pourra ouvrir des dessertes intérieures. Celles que les Etats souhaiteront subsidier ne pourront pas être confiées automatiquement à l’ancien monopole. Il faudra une adjudication. L’offre la moins coûteuse en subsides, à service égal, l’emportera.

” Il y aura un régime particulier pour les petits pays, avance Henri-Jean Gathon. Ceux-ci pourront continuer à gérer les lignes eux-mêmes, en régie, à la condition de démontrer qu’ils le feront dans les mêmes conditions d’efficacité qu’une société concessionnaire. ” Tout cela doit encore être précisé. Mais la pression sur la SNCB est réelle : si elle ne parvient pas à améliorer sa productivité, elle pourrait être mise en concurrence.

L’ironie est que les candidats concurrents risquent surtout d’être des filiales d’autres entreprises publiques ferroviaires des pays voisins. Le cas britannique est là pour en témoigner : les trains gallois sont gérés par une filiale de Deutsche Bahn, ceux d’Ecosse par une filiale de NS (les chemins de fer néerlandais), Trenitalia et la SNCF y disposent aussi de leurs lignes. Le quotidien The Guardian titrait en avril dernier : ” Le rail britannique est à nouveau nationalisé – par des Etats étrangers “.

Robert van Apeldoorn

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