Un tabou : l’Europe va-t-elle faire sauter les dépenses militaires des déficits budgétaires nationaux ?
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
La semaine dernière, Emmanuel Macron plaidait pour revoir les critères “obsolètes” de Maastricht. Notamment la règle des 3% de déficit. Il semble avoir été partiellement entendu. Les dépenses en matière de défense pourraient être exclues du calcul.
Avec un déficit de 6% en 2024, il n’est pas très étonnant que la France ait plaidé pour revoir les critères de Maastricht. On est désormais bien loin de la promesse faite à l’Allemagne pour qu’elle abandonne le mark au profit de l’euro : s’aligner sur les meilleurs élèves, avec des règles budgétaires strictes. Dans la réalité, c’est l’inverse qui s’est produit. L’Eurozone a permis à des pays comme la France, l’Italie ou la Belgique de s’accorder de lourds déficits sans être sanctionnés sur les taux d’intérêt, car sous la protection parapluie allemand.
Mis sur pause durant les années crises post-covid, les critères du Pacte de stabilité devaient faire leur retour en force cette année, sous une nouvelle mouture. La Belgique, sous procédure de déficit excessif, le sait fort bien : la Commission européenne se concentre dorénavant sur les dépenses primaires. Le pays concerné peut décider, au prix de réformes structurelles, de lisser son effort en 7 ans plutôt que 4.
L’effet Trump
Mais ça, c’était avant l’arrivée de Donald Trump à la Maison-Blanche. Aujourd’hui, le contexte géopolitique change la donne. Si ce n’était pas encore clair pour tout le monde, le vice-président, J.D. Vance, est venu livrer un discours qui restera certainement dans l’Histoire, à Munich : les Européens doivent assurer leur propre protection et y mettre les moyens.
Il reste à voir si Emmanuel Macron pourra convaincre ses collègues lors du prochain Sommet européen, le 26 février prochain. Mais il semble qu’une première concession lui soit accordée, notamment par l’Allemagne. La Commission européenne planche pour activer “une clause de sauvegarde nationale“. Il s’agit d’un dispositif du Pacte de stabilité qui devra être demandé par la capitale intéressée. Celle-ci pourra y intégrer des dépenses exceptionnelles en matière de défense.
La Pologne, elle aussi visée par une procédure de déficit excessif, est également demanderesse. Il faut dire qu’elle dépense 4% de son PIB pour la défense, soit 28 milliards d’euros. La Commission européenne vient d’ailleurs de valider sa trajectoire budgétaire avec un peu plus de largesses. Les dépenses militaires ont été prises en compte vers le retour à un déficit sous le seuil de 3% du PIB, d’ici 2028.
500 milliards par an
Il est devenu évident pour tout le monde que l’Europe fait face à “un tournant”. Lundi, Ursula von der Leyen, en amont du sommet de Paris sur la défense, a plaidé pour que les pays membres boostent leurs dépenses militaires. “Nos dépenses de défense sont passées d’à peine plus de 200 milliards d’euros avant la guerre à plus de 320 milliards d’euros [en 2024]. Il nous faut encore augmenter ce chiffre considérablement”, a plaidé la présidente de la Commission.
L’Allemande vise les 500 milliards d’euros et espère surtout que cet effort de guerre soit mieux réparti entre les capitales. À cet égard, la Belgique fait figure de mauvaise élève. Notre pays accorde 1,13% de son PIB aux dépenses militaires et est avant-dernier du classement, juste devant le Luxembourg. L’objectif est d’atteindre les 2%, mais pas avant 2029. Mark Rutte, secrétaire général de l’OTAN, a déjà fait savoir que le critère de 2% était très “insuffisant”.
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