À deux jours de l’ultimatum fixé par Donald Trump, Steve Witkoff est à pied d’œuvre à Moscou. Objectif : faire fléchir un Kremlin affaibli économiquement. Trump mise sur les prix du pétrole comme levier diplomatique. Mais jusqu’où peut-il aller ?
Fini la prudence : Trump adopte une ligne beaucoup plus offensive avec la Russie. Lors d’une interview sur CNBC, il a résumé son approche avec le style qui le caractérise : « Poutine cessera de tuer des gens si le prix de l’énergie baisse encore de 10 dollars le baril. Il n’aura pas le choix, son économie pue ». Le message est clair : l’économie russe, affaiblie par les sanctions, ne pourra pas tenir indéfiniment. La baisse du pétrole devient l’outil central d’un chantage économique visant à forcer Moscou à la table des négociations.
Mardi, le Brent glissait à 67,92 dollars, et le WTI à 65,41 dollars. Des niveaux jugés « alarmants » à Moscou. Le ministère russe des Finances a d’ailleurs déjà revu ses prévisions : une baisse de 24 % des recettes pétro-gazières et un déficit public qui remontera à 1,7 % du PIB.
Witkoff, l’intermédiaire atypique
C’est dans ce contexte que Steve Witkoff, promoteur immobilier new-yorkais devenu émissaire spécial, a atterri à Moscou. Officiellement, il vient préparer un cessez-le-feu. Officieusement, il teste la volonté de Vladimir Poutine à plier sans perdre la face.
Witkoff n’est pas un diplomate traditionnel. Proche de Trump depuis les années 1980, il agit en électron libre. Pas d’équipe de négociation, pas de processus onusien. Il multiplie les têtes-à-têtes avec Poutine, quatre au total depuis février, avec la bénédiction du président américain.
Et le Kremlin semble l’apprécier. Dmitri Peskov, porte-parole de Poutine, a qualifié sa visite de cette semaine d’« importante et utile ». Un signal faible, mais non négligeable.
- À lire également : Dix jours pour terminer la guerre en Ukraine: l’ultimatum de Trump à Poutine ne serait crédible qu’avec des sanctions secondaires
Un ultimatum sous pression
Trump a fixé un délai : vendredi. Passé ce cap, la Russie s’expose à des « sanctions secondaires » sur ses exportations via des pays comme l’Inde ou la Chine. Il a aussi menacé d’imposer des sanctions plus lourdes à New Delhi, qu’il accuse de revendre du brut russe avec profit sur les marchés internationaux.
Poutine, lui, navigue entre deux horizons. D’un côté, il revendique toujours quatre régions ukrainiennes et exige que Kiev renonce à l’Otan. De l’autre, la pression économique devient insoutenable, y compris en interne : inflation, production ralentie, mécontentement croissant dans certaines élites industrielles.
Trump prendra-t-il réellement des sanctions ?
Reste une question : jusqu’où Trump est-il prêt à aller ? Difficile à dire. Ce qui est certain, c’est que sa stratégie repose moins sur les institutions que sur des rapports de force directs, nourris de menaces tarifaires, de sanctions ciblées et de messages relayés dans les médias. Mais à bien des égards, il s’est en fait fixé un ultimatum à lui-même.
« Je veux un accord pour que les gens cessent d’être tués », a-t-il lâché lundi à la presse, sans détailler davantage les concessions attendues. Witkoff, lui, répète que « la paix est possible », mais semble prêt à des compromis proches de la ligne du Kremlin, notamment sur l’Otan ou la reconnaissance des annexions.
Côté bâton, il est clair que le pétrole et son prix peuvent jouer un grand rôle. Mais les États-Unis ne sont pas les seuls acteurs autour de la table. Dimanche, les pays de l’OPEP+, dont la Russie, ont décidé d’augmenter une nouvelle fois leur production. Cela pousse les prix à la baisse, mais cette stratégie doit se voir comme une reconquête du terrain. Vendre à plus bas prix, mais en beaucoup plus grand nombre. La politique de raréfaction de l’offre n’ayant rien donné.