Taïwan: un choix amer

Tsai Ing-wen, actuelle présidente, a adressé un message difficile à son peuple : pour éviter la guerre, il faut s’unir et
s’y préparer.
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A l’approche des élections, les deux principaux partis taiwanais ont défini des stratégies opposées pour préserver la souveraineté du pays.

Le 13 janvier 2024, les électeurs taiwanais éliront un nouveau président. Les enjeux sont considérables. L’agence de renseignement américaine, la CIA, a déclaré que Xi Jinping souhaitait que l’armée chinoise soit prête à envahir Taiwan d’ici 2027. Le prochain président de Taiwan déterminera la stratégie de l’île pour empêcher cette invasion et préserver sa souveraineté et sa démocratie.

Les deux principaux partis taiwa­nais, le Parti démocrate progressiste (PDP) au pouvoir et le Kuomintang (KMT) dans l’opposition, ont défini des stratégies opposées. Le PDP, favorable à l’indépendance, privilégie le renforcement des relations avec les Etats-Unis et leurs alliés, tout en renforçant la dissuasion militaire par l’augmentation des dépenses de défense et des réformes. Le KMT, favorable à l’unification, promet d’apaiser les tensions en rouvrant le dialogue avec la Chine. Le KMT a déclaré que ce vote est un choix entre “la paix ou la guerre”, tandis que le PDP parle d’un choix entre “la démocratie ou l’autocratie”. Les deux partis suggèrent que l’élection de l’autre conduira à la disparition de Taiwan, soit en provoquant une attaque chinoise, soit en accélérant l’unification.

La Chine a clairement indiqué le choix qu’elle préfère. Le parti communiste qualifie souvent le PDP de “séparatiste” et a sanctionné plusieurs de ses dirigeants. Au cours des huit dernières années de gouvernement du PDP, Pékin n’a cessé d’accroître ses activités dans la “zone grise” contre Taiwan, c’est-à-dire les agressions qui ne relèvent pas de la guerre mais qui sondent les défenses de l’île. Après la visite de Nancy Pelosi, alors présidente de la Chambre des représentants des Etats-Unis, à Taiwan en 2022, la Chine a envoyé des missiles au-dessus de l’île pour simuler un blocus. Si William Lai, le candidat du PDP, gagne en janvier, la Chine répondra probablement par une démonstration de force similaire. Elle pourrait même aller plus loin, par exemple en prolongeant le blocus, en perturbant l’internet taiwanais ou en créant de nouvelles crises dans le détroit.

Le danger d’une victoire du KMT est qu’elle pourrait donner à Taiwan un faux sentiment de sécurité.

Lever certaines interdictions?

Une victoire du KMT, qui a envoyé de hauts dirigeants rencontrer des responsables du parti communiste sur le continent, atténuerait les tensions à court terme. La Chine pourrait lever certaines de ses interdictions sur les produits agricoles taiwanais, ce qui permettrait au KMT de montrer aux électeurs qu’il est capable d’améliorer les relations avec le continent. Le danger d’une victoire du KMT est qu’elle pourrait donner à Taiwan un faux sentiment de sécurité. Hou You-yi, le candidat du KMT, a déclaré qu’il reviendrait sur certaines des récentes réformes taiwanaises en matière de défense (comme la conscription, qui devrait passer de quatre mois à un an en 2024). Les journaux pro-KMT accusent les Etats-Unis d’inciter au conflit avec la Chine et suggèrent qu’une Taiwan dirigée par le KMT n’aurait pas besoin de renforcer son armée, car elle ne serait plus confrontée à la menace chinoise. Ce n’est pas le cas.

L’actuelle présidente de Taiwan, Tsai Ing-wen du PDP, a adressé un message difficile à son peuple : pour éviter la guerre, il faut s’unir et s’y préparer. Les suites des élections de 2024 montreront si les électeurs taiwanais sont prêts à le faire.

Alice Su, correspondante à Taipei de “The Economist”
Traduit de « The World in 2024 », supplément de The Economist

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