Peut-on acheter la présidence américaine ?

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On le sait, la campagne pour les présidentielles Américaines est pour beaucoup une question de gros sous. Les dons records récoltés par Kamala Harris en un seul jour le montrent. Ils obligent aussi Trump à mettre les bouchées doubles

Kamala Harris, vice-présidente des États-Unis, n’est même pas encore officiellement candidate qu’elle a déjà battu un record. Elle aura récolté 81 millions de dollars (74,6 millions d’euros) en 24 heures. Et mercredi, elle affichait un honorable 126 millions de dollars (116 millions d’euros). Le plus grand comité d’action politique démocrate, Future Forward, aura lui enregistré plus de 150 millions de promesses de dons. Preuve de l’enthousiasme qu’elle suscite dans ses rangs et du réel coup de fouet qu’elle donne à la campagne qui était de plus en plus morose. Car dans cette campagne en particulier, l’argent risque bien d’être le nerf de la guerre. C’est aussi ce qui a fini de convaincre Biden de retirer sa candidature en voyant fuir ses donateurs les uns après les autres. Plusieurs grands donateurs d’Hollywood comme Reed Hastings (cofondateur de Netflix) ou Abigail Disney (petite-fille de Walt Disney), avaient ces dernières semaines effectivement déclaré suspendre leur contribution.

Cela se compte en milliards

Une campagne électorale aux USA coûte une véritable fortune. On parle de milliards investis pour toucher les électeurs surtout dans les états clés ou se joue en réalité la bataille. Ainsi selon une analyse d’OpenSecrets, une organisation indépendante qui suit le financement des campagnes électorales, les élections de 2020 ont été les plus chères de l’histoire des États-Unis avec 14,4 milliards de dollars américains (13,2 milliards d’euros) dépensés (présidence + Congrès). Et contrairement à ce qu’on pourrait croire, c’est les démocrates qui ont le plus pioché dans leur portefeuille et dépensé quelques milliards de plus que le camp adverse. À leur décharge Trump par ses sorties chocs et son attitude bénéficie régulièrement de l’attention des médias et donc de pub gratuite. Néanmoins, les milliards dépensé par les démocrates n’auront pas servi à rien puisque Biden a fini par remporter la victoire. Ce qui amène la question suivante. Peut-on acheter une popularité ?

Pas forcément, comme l’ont montré les dernières semaines. Malgré les millions dépensé en spots publicitaires, Joe Biden n’est pas parvenu à convaincre les Américains. Sa popularité s’écroulait dans les limbes et affichait un taux de popularité de 37% (le plus bas de tous les présidents américains depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale). Pire les poursuites judiciaires de Trump qui aurait plombé n’importe qui d’autre ont au contraire renfloué ses caisses. Ainsi il recevra 53 millions de dollars en 24 heures après avoir été condamné dans l’affaire des pots-de-vin à Stormy Daniels, une star du porno.

Tout cela fait que les fonds destinés à la campagne électorale pulvérisent déjà des sommets. Selon la Commission fédérale électorale, Donald Trump aurait récolté 221 millions de dollars pour sa campagne (chiffre de fin juin), contre 296 millions pour le ticket Biden-Harris. De cette manne, le candidat républicain n’avait dépensé que 92 millions de dollars, contre 200 pour le candidat démocrate. Mais les derniers soubresauts pourraient changer la dynamique.

D’où vient l’argent ?

Et si on doutait encore de l’importance de l’argent dans une campagne, la réaction fiévreuse du camp républicain face à la sortie de Biden pourrait finir de convaincre. On n’était guère loin d’un véritable mouvement de panique. Ils ont même déposé plainte contre Biden pour détournement de fonds au profit de Harris espérant ainsi mettre Harris à sec en l’empêchant d’utiliser les fonds versés à Biden.

Pour rappel l’argent provient d’Américains ordinaires, mais aussi des comités d’action politique (Political Action Committees, ou Pacs), soit des organisations privées (syndicats ou organisations commerciales) qui soutiennent officiellement la campagne et récoltent des fonds. Si les dons aux candidats sont (en théorie) limités à 3.300 dollars par personne, le plafond pour les dons si on passe par un PAC est beaucoup plus élévé. Un citoyen peut de cette façon donner au cours de l’année jusqu’à 63.000 dollars (jusqu’à 5.000 dollars au PAC même, mais aussi 10.000 dollars au parti à l’échelle locale et 41.300 dollars au parti au niveau national). Mieux, si l’on donne pour les dépenses liées à la convention nationale, au recomptage et contestation des voix et aux bâtiments du quartier général du parti, le don peut même atteindre 124.000 dollars.

À côté de ses deux pourvoyeurs se rajoutent encore les super Pacs. Eux n’ont aucun plafond. Ce sont des comités d’action qui sont officiellement séparés des candidats afin d’éviter les lois et les réglementations relatives aux dons. C’est aussi le moyen préféré des milliardaires pour donner de l’argent lors d’une campagne. Ils achètent ainsi de l’influence. En 2020, selon le magazine « Forbes », c’est ainsi 2,3 milliards de dollars qui ont été versé par les 20 plus gros donateurs du pays. Ironie de la chose, Trump a dans le passé de cette façon fait des dons à Kamala Harris (en 2011 et 2013).

Ces super Pacs sont aussi la voie royale pour une surenchère de dons qui explosent les records des sommes dépensées lors des élections. Entre 2016 et 2020, les montants alloués aux campagnes présidentielles ont été multipliés par 2, et tout indique que 2024 ne sera pas en reste.

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