Neom: que cache The Line, la nouvelle Babylone promise par les Saoudiens  ?

Oxagon, The Line, Trojena. Autant de noms étranges qui font partie du projet futuriste Neom lancé par les Saoudiens. Cette mégalopole suscite  autant d’interrogations que de scandales.

Jusqu’il y a quelques années, l’Arabie saoudite était discrète. Mais depuis l’arrivée au pouvoir de Mohammed ben Salmane (MBS) et l’annonce du programme Vision 2030, elle s’est faite nettement plus “tapageuse“. Les 15 projets majeurs de Vision 2030 représentent des investissements totaux de 1.100 milliards de dollars. Et l’un des projets les plus grandiloquents de ce programme est Neom.

Qu’est-ce que Neom ?

Neom est le nom d’une future mégapole, un projet pharaonique des Saoudiens. Elle devrait s’étendre sur 26 500 km2, soit sur un territoire allant de la mer Rouge aux monts Sarawat, près de la frontière avec l’Égypte et la Jordanie. Le projet sera géré comme une cité-État aux lois plus proches des standards occidentaux. Neom vise la barre des 1.2 million d’habitants pour 2030 et neuf millions d’ici 2045. À l’échelle nationale, les différents projets devraient faire passer la population actuelle de 34 millions d’habitants à 100 millions d’ici 2040, avec 70 millions, ou plus, d’étranger. Et comme l’Arabie Saoudite part de zéro pour augmenter sa capacité démographique, elle a décidé de ne pas copier les villes normales et de voir les choses en grand et même en très grand.

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Neom, contraction du mot grec neo (nouveau) et du mot arabe mostaqbal (futur), devrait être réparti en trois pôles

  • The Line, une mégalopole longiligne et neutre en carbone. Elle devrait faire 500 m de haut, 200 m de large et 170 km de long. Il s’agirait de sortes de double barre de gratte-ciel interconnectés. Ce qui ressemble à un couloir géant traversant le désert sera équipé de miroirs et accueillerait 9 millions de personnes d’ici 2045.  Les résidents devraient tout avoir à disposition à moins de 5 minutes à pied, un train à grande vitesse permettant d’en faire le tour en vingt minutes et même une piste de ski.
  • Trojena, une destination dédiée au tourisme et à l’habitation résidentielle. Cette station sera construite dans les monts Sarawat, autour d’un lac. Lieu dédié aux loisirs, il se présente comme un vaste complexe de “sports d’hiver et d’aventure”. C’est aussi ce lieu qui est censé accueillir les Jeux olympiques asiatiques d’hiver, en 2029. 
  • Oxagon, une ville et port flottant automatisé. Elle se veut comme un gigantesque centre d’innovation, mais aussi un complexe industriel et portuaire « propre ».  Cette ville à la structure octogonale flottera en partie sur la mer Rouge et sera entièrement alimentée par des énergies renouvelables et la mobilité devrait être assurée par l’hydrogène.
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En décembre 2022, Neom a également annoncé le projet Sindalah. Une minuscule île vierge située à moins de cinq kilomètres du continent. Celle-ci devrait se muer en île touristique ultra-luxueuse. Elle vise la communauté mondiale de yachting.

Les premières dates annoncées de fin de chantier sont pour Oxagon en 2024, en 2026 devrait suivre Trojena (avec 7000 résidants et 700.000 visiteurs pour 2030). The Line devrait quant à elle être achevée pour 2029-2030.

Quel budget ?

L’objectif final du projet de Vision 2030, et donc de Neom, est la diversification économique dans de nombreux secteurs pour pallier la baisse attendue de la consommation de pétrole. L’idée est d’armer le pays pour l’ère post-pétrole. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si MBS a présenté le projet dans la foulée de la chute des prix du pétrole de 2014.

En attendant la fin de l’or noir, pour financer ces projets faramineux, l’Arabie saoudite peut toujours compter sur la manne pétrolière. Elle peut aussi remercier au passage l’envolée des cours et la baisse de production des autres producteurs. Saudi Aramco a ainsi engrangé des bénéfices orgiaques de près de 161 milliards de dollars (150,3 milliards d’euros) en 2022, précise Le Monde. À elle seule, elle a engrangé 10 milliards de profit supplémentaires que le top cinq mondial réunit. ExxonMobil, Chevron, Shell, TotalEnergies et BP n’ont en effet engrangé à eux cinq que 151 milliards de dollars au total. “Avec une capitalisation boursière de près de 2.000 milliards (et qui est uniquement dépassée par Apple dans le monde), Saudi Aramco constitue aussi une importante réserve de capitaux pour l’Arabie saoudite, qui en détient toujours 98% (directement et via son fonds souverain). Le groupe pétrolier public saoudien a aussi versé plus de 112 milliards sur la période en impôts et en zakat, l’aumône islamique obligatoire”, peut on lire dans l’article “Pétrole et finance islamique, les atouts du golfe Persique“.

De quoi alimenter la vision pharaonique du futur de MBS. Le budget est évalué à 500 milliards de dollars rien que The Line. La première phase coûterait à elle seule environ 320 milliards d’euros. Le fonds souverain saoudien doit en financer la moitié et MBS a annoncé que Neom sollicitera d’autres investisseurs et les marchés boursiers en 2024.

L’objet de nombreuses critiques

Si les investissements élevés ont pour but d’aider l’économie, les premiers résultats sont pourtant plutôt mitigés. La manière dont l’Arabie saoudite prévoit de réaliser tout cela n’est pas encore claire et les experts qualifient de naïve, voire d’irréaliste, la promesse d’une ville durable et habitable.

Le projet est aussi critiqué par, entre autres, des organisations de défense des droits de l’homme telles qu’Amnesty International. Beaucoup craignent en effet les répercussions sur les habitants. Par exemple que vont devenir les 20.000 personnes qui vivent là et qui vont devoir être déplacées ? Des habitants qui font l’objet de répression sévère, voire finisse en prison, s’ils leur prenaient l’envie de se révolter. Ainsi Neom a exproprié des membres de la tribu des Howeitat, et en octobre 2022, la justice saoudienne a condamné à mort trois de ses représentants qui avaient participé à une manifestation. Un opposant qui refusait l’expropriation a également été tué dans des circonstances troubles précise encore France Info.

Dans le même temps, l’Arabie saoudite propose des ponts d’or à ceux qui peuvent l’aider à concevoir ces villes d’un genre nouveau. Certains étant même payé un million à l’année selon le Wall Street Journal. Soit beaucoup plus que les 830.000 dollars annuels qu’ont touché les dirigeants des 3000 plus grandes sociétés cotées.

Et puis il y a la taille monstrueuse d’une ville comme The Line qui malgré sa promesse d’être neutre aura un impact non négligeable sur la nature qui l’entoure. Le fait d’installer un mur coupe les écosystèmes. Il y a aussi la question cruciale de l’eau. Si on peut envisager que l’eau sera disponible, que se passera-t-il en cas de pénurie en pleine région désertique ? Celui qui sera maître de l’eau aura un incroyable pouvoir sur la population et pourra créer des inégalités sociales sans précédent. De quoi faire pencher le projet Neom plus vers la dystopie que l’utopie comme le précise le géographe Alain Musset.

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Mais surtout le plus grand flou entoure l’avancée des projets. Sur des images satellites, on perçoit cependant les premiers travaux. D’après les images satellites révélées par France Info, les premiers mouvements remontent à janvier 2021 et les ouvriers s’affairaient déjà fin 2022 sur les trois quarts des 170 km du tracé prévisionnel.

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