L’Europe face au défi d’appliquer ses nouvelles règles pour dompter les géants de la tech

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Une législation historique de l’UE pour empêcher les abus de position dominante des géants du numérique entre pleinement en vigueur jeudi, mais son application effective représente un défi colossal et donnera lieu à des batailles acharnées.

Le règlement sur les marchés numériques (DMA) impose diverses obligations et interdictions visant à contrer les abus de position dominante, favorisant ainsi un environnement concurrentiel où les acteurs de moindre envergure peuvent prospérer. À compter de jeudi, six géants de la technologie – Alphabet (Google), Amazon, Apple, Meta (Facebook, Instagram), Microsoft, et le chinois ByteDance, propriétaire de TikTok – sont tenus de se conformer à ces règles.

Margrethe Vestager, commissaire européenne à la Concurrence, a exprimé dans une interview mercredi à l’AFP l’attente d’un changement de comportement de la part de ces “contrôleurs d’accès”. Cette régulation représente une révolution dans le droit de la concurrence, après des années de tentatives infructueuses pour mettre fin aux pratiques anticoncurrentielles des mastodontes de l’internet.

Les entreprises ciblées devront notifier toute opération de rachat, quelle que soit sa taille, à la Commission. De manière cruciale, elles doivent garantir l’accès aux services de leurs concurrents au lieu d’imposer automatiquement leurs propres solutions, tels que les navigateurs internet, les services de cartographie et les boutiques d’applications. Les applications de messagerie instantanée, telles que WhatsApp et Messenger, devront être interopérables avec les services concurrents qui en font la demande.

Cependant, l’application de cette nouvelle législation, déjà contestée en justice par Apple, Meta et TikTok, sera une tâche immense selon Bram Vranken du think tank Corporate Europe Observatory. Même après huit ans depuis l’adoption du Règlement général sur la protection des données (RGPD), l’Union européenne éprouve des difficultés à garantir que Facebook respecte la vie privée des millions d’Européens.

La Commission européenne, en charge de faire respecter les règles de concurrence, reconnaît qu’elle devra “choisir” les infractions à poursuivre en raison de ressources limitées. Bien que la conformité immédiate et totale ne soit pas réaliste, la Commission compte utiliser tous les outils à sa disposition pour faire face aux violations, avec des amendes pouvant atteindre 10% du chiffre d’affaires mondial des contrevenants, voire 20% en cas de récidive, et la menace de démantèlement en dernier recours.

Neuf lois majeures sur le numérique adoptées depuis 2019

Avec au moins neuf lois majeures sur le numérique adoptées depuis 2019, la Belgique, actuelle présidente tournante de l’UE, souligne la nécessité de prioriser leur mise en œuvre efficace. Les entreprises technologiques européennes partagent cette préoccupation, appelant Bruxelles à veiller à la conformité des “Gafam” avec les règles existantes avant d’en élaborer de nouvelles.

Zach Meyers du think tank Centre for European Reform met en garde contre le risque que la Commission et les autorités nationales manquent des ressources nécessaires pour appliquer correctement cette avalanche de textes. Mme Vestager admet que la Commission devra établir des priorités, même si elle tente de renforcer ses équipes. En comparaison, Meta, TikTok et Google ont déclaré employer respectivement plus de 1 000 personnes pour mettre en œuvre ces régulations, soulignant la complexité et l’ampleur du défi.

Fiona Scott Morton, experte en concurrence à l’institut Bruegel, atténue les inquiétudes sur l’application des règles, soulignant que le DMA impose la responsabilité aux entreprises de se conformer, d’expliquer et de prouver leur conformité.

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