L’étrange évolution autoritaire de Zelensky en Ukraine: pour lutter contre l’ingérence russe?

Le président ukrainien Zelensky, le 17 juillet (ZOUMA Press)
Olivier Mouton
Olivier Mouton Chef news

A l’heure où il veut relancer les négociations avec Poutine, l’emblématique président multiplie les changements de cours en interne: changement de Premier ministre, menaces contre l’opposition et revirement sur la lutte contre la corruption. Que se passe-t-il?

Une manifestation de protestation importante à Kiev: l’image est intrigante, a fortiori à l’heure où la Russie de Vladimir Poutine multiplie l’envoi de missiles et de drones. Mardi, des opposants sont pourtant descendus dans la rue pour s’indigner de l’évolution du régime de Volodymyr Zelensky.

L’occasion était le vote d’une loi minant la capacité du pays à lutter contre la corruption. Le bureau national de lutte contre la corruption et son procureur spécial, indépendants, sont désormais soumis à la tutelle du procureur général du pays, nommé politiquement par Zelensky.

“C’est une menace contre notre intégration dans l’Union européenne“, dénonçaient les manifestants. Un porte-parole de la Commission européenne a exprimé son inquiétude au sujet de cette dérive.

“Étendre son pouvoir personnel”

Le quotidien ukrainien Kyiv Independent dénonce le vote de cette loi en accusant le président ukrainien de “trahir la démocratie, et ceux qui combattent pour elle“. Rien de moins.

Pour le journal, “cette mesure n’est pas un incident isolé, mais s’inscrit dans le cadre d’une répression massive“. De multiples descentes de police ont eu lieu contre des responsables du bureau national anticorruption (NABU), ainsi que les poursuites contre un célèbre militant anticorruption.

“Il n’y a aucun doute quant à l’identité du responsable, écrit le Kyiv Independent. Le président Zelensky a choisi de saper les institutions démocratiques ukrainiennes afin d’étendre son pouvoir personnel.” Une attaque en règle.

Une lutte contre l’opposition

Le vote de cette loi s’inscrit dans un contexte plus large d’évolution “autoritaire” de Zelensky. Il vient de remplacer son Premier ministre pour nommer Ioulia Svyrydenko, ministre sortante de l’Économie. Et il mène une lutte féroce contre un leader d’opposition, l’ancien président Petro Porochenko. Le tout est lié.

Porochenko intente un procès à Zelensky devant la Cour suprême en l’accusant de profiter de la loi martiale pour cibler ses opposants et les museler. “Cette bataille est cruciale pour notre liberté“, a-t-il dit le 17 juillet lors de l’ouverture du procès. L’ancien président fait partie d’un groupe d’oligarques sanctionnés récemment par le régime pour “haute trahison” : leurs avoirs ont été gelés.

Plus troublant, un autre procès vise, dans le même temps, Vitali Chabourine, fondateur d’AntAc, une des ONG anticorruptions les plus influentes du pays. En réponse, plus de 50 ONG ont écrit à Zelensky pour lui demander “de ne pas utiliser la justice pour lyncher politiquement et poursuivre ceux qui critiquent le pouvoir”.

Menaces d’ingérence russe

En toile de fond, on retrouve des soupçons de prise illégale d’intérêts de la part de proches du président, notamment le vice-ministre Oleksi Tchernychov.

Mais il y a aussi des menaces d’ingérence russe, le président Poutine étant déterminé à obtenir gain de cause dans le conflit initié en Ukraine.

“Bien sûr, le bureau national anticorruption et le parquet vont continuer à faire leur travail, a assuré Volodymyr Zelensky dans son bulletin quotidien. Mais, en les débarrassant de l’influence russe – tout doit être purgé de cela. Et il doit y avoir plus de justice.”

Est-ce cela qui se joue: empêcher une forme de coup d’État venant de Russie? Ou faut-il s’inquiéter de Zelensky lui-même?

Le moment est d’autant plus intriguant que Zelensky a appelé à reprendre des pourparlers de paix, ce mercredi 23 juillet à Istanbul.

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