Les États-Unis pourraient voir moins de touristes belges cette année. Le voyagiste Connections note un recul de 8% à 10% des réservations.
Avec les prises de position agressives du nouveau président américain, Donald Trump, et de son entourage à l’égard de l’Europe, l’attrait de la destination pourrait s’émousser. Selon une étude publiée en avril par le bureau britannique Tourism Economics, les arrivées de touristes aux États-Unis pourraient chuter de 9,4% en 2025, avec un recul spectaculaire de 20,2% pour les seuls voyageurs canadiens. À la clé : une perte estimée à 9 milliards de dollars. Goldman Sachs évoque même un scénario pessimiste avec une perte potentielle de 90 milliards.
Sur le terrain, Brussels Airlines n’a pas encore vu de recul dans les voyages. “Nous n’avons pas vu de changement dans le trafic au premier trimestre”, indique Joëlle Neeb, porte-parole de la compagnie aérienne, qui opère deux lignes vers le pays : un vol quotidien sur New York JFK, et trois vols par semaine sur Washington (cinq à partir de juin), en Airbus A330.
Mais la plupart de ces billets ont été réservés avant la prise de fonction présidentielle de Donald Trump et la cascade d’annonces controversées qui ont suivi. Sur les réservations estivales, la prudence domine : “Nous en dirons plus fin juillet”, précise la porte-parole. Par ailleurs, une part des passagers de ces vols transatlantiques ne fait que transiter par Zaventem, ils proviennent des États-Unis pour aller vers l’Afrique (ou l’inverse).
Connections espère compenser avec l’Asie
Patrick De Pauw, head of marketing, product and e-commerce du voyagiste Connections, qui a une spécialité reconnue dans le voyage aux États-Unis, note que les réservations ont fléchi. “Nous parlons d’une baisse de 8% à 10%, il y a des hésitations.” Ses best-sellers sont les citytrips à New York, à partir de 1.200 euros, ou le Best of the West, un tour modulable qui passe dans le Grand Canyon, le parc national de Yosemite, Las Vegas et Los Angeles. Patrick De Pauw espérait que le Canada capte une partie des voyageurs réticents sur les USA, ce qui ne s’est pas vérifié. “Car là-bas, l’offre hôtelière est déjà bien occupée par les nationaux qui renoncent aux États-Unis. Nous espérons bénéficier d’une certaine compensation par une croissance des voyages vers l’Asie ou l’Amérique du Sud.”
Pourtant, l’offre reste substantielle en termes de vols et de sièges disponibles. La capacité cet été restera élevée, avec trois compagnies (Brussels Airlines, United, Delta) proposant des vols directs depuis Brussels Airport, à Zaventem. Au total, au plus fort de la saison, il y aura environ 7.000 sièges disponibles entre la Belgique et les États-Unis. Delta a repris ses vols vers New York en mars dernier, quatre fois par semaine.
“La baisse devrait laisser beaucoup de places disponibles dans les hôtels et les attractions, dit Frank Bosteels, CEO de la Belgian Travel Confederation, qui représente le secteur des agences de voyage et des voyagistes. Surtout qu’il y a une défection des Chinois, sans parler des Canadiens qui ne sont plus très à l’aise pour aller aux États-Unis.”
Les taxes douanières nouvelles et les souhaits répétés de Donald Trump de faire du Canada le 51e État des États-Unis ont fortement détérioré les relations avec le Canada, grand pourvoyeur de visiteurs, où les USA et leurs produits font l’objet d’un certain boycott. Il note que les États-Unis “représentent environ 250.000 voyageurs par an en provenance de Belgique”.
En France, un recul de 32% des réservations en avril
Pour avoir une idée de l’ampleur de la baisse actuelle de la demande, le baromètre Orchestra, publié en France, qui prend la température sur les réservations dans les agences de voyage de l’Hexagone, indique un recul de – 32% en avril, contre – 12% en mars. Ces statistiques sont publiées en ligne par la L’Écho Touristique. Elles proviennent de la plateforme de réservation Orchestra, très utilisée en France par les agences et les voyagistes. Le groupe hôtelier français Accor a annoncé début avril un recul de 25% des réservations en été aux États-Unis.
Il faudra voir le bilan sur l’année, car d’autres éléments peuvent entrer en ligne de compte. “Il y a le facteur dollar, note Frank Bosteels, le cours de la devise américaine a reculé depuis l’élection de Donald Trump, cela peut rendre le coût de la destination plus attractif, alors que les États-Unis étaient devenus chers depuis le covid. Certains guettent sans doute des opportunités.”
Le dollar américain avait quasiment atteint la parité avec l’euro en janvier, il navigue aujourd’hui autour de 0,88 euro, soit un recul d’une dizaine de pour cent.
“Le cours de la devise américaine a reculé depuis l’élection de Donald Trump, cela peut rendre le coût de la destination plus attractif.” – Frank Bosteels
Des allers-retours pour New York à 370 euros ?
Il est encore difficile d’apercevoir des tarifs à prix cassé sur les États-Unis. Linda Lainé, rédactrice en chef de L’Écho Touristique a bien indiqué, sur France 5, dans l’émission C dans l’Air, avoir repéré des tickets à 370 euros, taxes comprises, aller-retour Paris-New York en plein mois de juillet. Nous n’avons pas vu ce genre de tarif au départ de Bruxelles. Mais, tout de même, nous avons relevé des tarifs attractifs sur Los Angeles, comme 642 euros aller-retour du 11 au 18 juillet (sur Kiwi, consultation le 7 mai), sur United, via Washington.
“L’impact n’est pas encore très visible sur le prix de billets, avance Patrick De Pauw, mais l’ajustement sera automatique, avec les logiciels de yield management des compagnies aériennes : si les avions ne se remplissent pas, il y aura des prix plus intéressants.” Il pense qu’il y aura des affaires à faire dans les semaines à venir.
Les cours de Bourse des compagnies américaines Delta, American et United ont tous plongé depuis janvier dernier, reflétant la crainte d’un été difficile. Pour certaines compagnies comme British Airways ou Air France KLM, le marché transatlantique est primordial, il représente respectivement le tiers et le quart de leurs revenus. Pour Brussels Airlines, la part des vols américains est nettement plus réduite.
Le bad buzz des incidents aux frontières
Les voyageurs hésitent aussi à cause des contrôles renforcés. Des cas très médiatisés, comme celui de deux touristes allemandes arrêtées à Honolulu en mars, soupçonnées de vouloir travailler illégalement, renvoyées en Allemagne, ont alimenté un bad buzz.
Les ministères des Affaires étrangères ne déconseillent pas la destination, mais rappellent les précautions à prendre. L’ESTA ne garantit pas l’entrée sur le territoire, indique les Affaires étrangères belges. Le Canada, quant à lui, précise que les douaniers américains peuvent fouiller les appareils électroniques, sans justification, et demander les mots de passe.
La nouvelle administration a fait du contrôle aux frontières une priorité, renforçant la suspicion envers certains profils. “En tout cas, nous n’avons pas eu de problèmes avec nos clients”, rassure Patrick De Pauw.
Un pont aérien transatlantique En additionnant le nombre de vols durant l’été, les liaisons directes entre Bruxelles et les États-Unis représentent environ 7.000 sièges par semaine. Mais cela ne reflète pas le trafic réel entre la Belgique et les USA. Une part des voyageurs provenant de Belgique part vers les États-Unis via d’autres capitales européennes (Amsterdam, Francfort, Paris, Londres, Lisbonne, Reykjavik), et une partie des voyageurs arrivant chez nous est en transit et repart, par exemple, vers l’Afrique.