En Asie centrale, les Etats post-soviétiques en ligne de mire

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Les républiques d’Asie centrale peuvent-elles réduire leurs liens avec la Russie ? Certaines dépendances devraient subsister encore longtemps.

La guerre menée par la Russie en Ukraine a ébranlé ses alliés traditionnels de l’Asie centrale post-
soviétique.
Ces pays sont liés à Moscou par des liens formels d’ordre politique, économique et énergétique, ainsi que par des liens informels d’ordre familial, culturel et linguistique, et ils ont vu d’un mauvais œil l’invasion d’un autre voisin ex-soviétique par la Russie. Pourtant, alors même qu’ils recherchent d’autres alliances, ils sont, d’une certaine manière, encore plus étroitement liés à leur ancien colonisateur.

Corridor médian

La position par défaut des capitales des cinq républiques d’Asie centrale, connues sous le nom de “Stan” (leur nom se terminant en “stan”), a été de professer leur neutralité à l’égard de la guerre et de refuser d’accorder à la Russie une couverture diplomatique, au-delà de l’abstention lors des votes des Nations unies condamnant l’agression. Cette attitude se poursuivra en 2024. Mais il en ira de même pour les efforts déployés par l’Asie centrale pour cultiver ses relations avec d’autres partenaires. Le président chinois Xi Jinping a accueilli le premier sommet Chine-Asie centrale en 2023.

Le président Joe Biden n’est pas en reste et a accueilli les dirigeants d’Asie centrale à Washington pour leur premier sommet avec un président américain. Charles Michel, président du Conseil européen, a rencontré les cinq dirigeants à deux reprises depuis l’invasion russe.

Le Kazakhstan – traditionnellement un proche allié du Kremlin, mais qui se sent désormais vulnérable le long de sa frontière de 7.600 kilomètres avec la Russie – sera particulièrement réceptif aux ouvertures occidentales. Les intérêts de la Chine, de l’Europe et des pays d’Asie centrale se rejoignent au sein du corridor médian, une voie de transport reliant la Chine à l’Europe en contournant la Russie, le long de laquelle les échanges commerciaux ont explosé à la suite de la guerre. L’élimination des goulets d’étranglement et l’extension des liaisons de transport progresseront en 2024. Les liens avec le monde arabe se développent également, après la tenue d’un premier sommet Asie centrale-Conseil de coopération du Golfe en 2023.

Mais certaines dépendances sont là pour rester. Le Kirghizistan, le Tadjikistan et l’Ouzbékistan dépendent de la Russie pour les envois de fonds des travailleurs migrants. Cette dépendance pourrait s’accroître en 2024, car la conscription russe intensifie les pénuries de main-d’œuvre. Les liens énergétiques persisteront également : le Kazakhstan exporte plus de 90 % de son pétrole via la Russie et envisage de conclure un accord pour importer du gaz ; l’Ouzbékistan en a déjà signé un. Le commerce avec la Russie est en plein essor, car les Etats d’Asie centrale ont servi d’intermédiaires pour de nombreuses marchandises.

L’Asie centrale est la preuve que l’invasion de l’Ukraine par la Russie a déconcerté ses alliés. Mais les liens symbiotiques forgés au fil des siècles ne doivent pas être sous-estimés : la Russie ne se retirera pas d’une région qu’elle considère comme son arrière-cour. Son influence restera forte en 2024.

Traduit de “The World in 2024”, supplément de “The Economist”

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